CHAPITRE 4

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4.

Nous étions repartis depuis plusieurs heures, et roulions vite. La nuit tombait lentement. Je baissai ma vitre et penchai ma tête à l'extérieur. La vitesse et l'air glacé du soir ma saisirent, je serrai les poings et les dents. Au bout de quelques secondes, je pris plaisir à recevoir le souffle violent du vent dans le visage. Il me faisait trembler, il me faisait revivre. Je finis par me rasseoir, et repris mon souffle en remontant la vitre. La route était déserte. Nous passâmes sous un tunnel. Des lumières orange nous éclairaient, projetant des lignes de feu qui traversaient nos corps l'une après l'autre. Je tournai la tête vers Loup. Il fermait les yeux et se mordait gentiment la lèvre, comme pour essayer d'oublier une douleur. Son visage était lisse, mais il avait une cicatrice sur la mâchoire. L'ombre de ses cils formait de longs pics noirs le long de ses joues, qui se baladaient sur sa bouche et son menton. Il se pencha un peu, entrouvrit les yeux. Ses doigts se crispèrent, il empoigna un pull qui sortait d'un sac de vêtements. Nous arrivâmes au bout du tunnel. Une lumière blanche inonda mon champ de vision. J'avais l'impression de voir le paradis. Puis tout redevint normal, je revis la route et le crépuscule qui l'encerclait.

Violette pleurait. Elle venait de comprendre, après une longue explication de Loup, que nous étions recherchés par la police.

−Ne t'inquiète pas, ils ne sauront pas nous reconnaître, mentit Noé. Nous sommes allés très vite et très loin en peu de temps, ils ne nous rattraperont pas.

Violette acquiesça et baissa la tête. La fatigue engourdissait tous nos membres, Noé comprit bientôt qu'il ne pouvait plus conduire. Nous nous arrêtâmes sur un parking désert, à l'orée d'un bosquet. Je sortis. La lune était pleine, le ciel sans nuages.

−On va se reposer un peu ici, dit Noé.

Il nous laissa. Je le regardai marcher jusqu'au vieux restaurant qui bordait le parking. Il colla son visage aux vitres, plissa les yeux, et nous fit de grands signes. Je me mis à courir, presque habituée à rentrer chez les gens sans permission, et attrapai une grosse pierre.

−Génial, fit Noé avant de briser les carreaux de la fenêtre.

Encore une fois, nous nous glissâmes dans une salle sombre. L'endroit sentait la poussière et la graisse froide. J'avançai à tâtons, et bousculai une banquette.

−Il y a des fauteuils, on peut dormir là-dessus, dis-je.

Violette s'allongea sur le siège en face de moi, et les garçons derrière. Le sommeil nous gagna peu à peu, et je finis par sombrer.

Un bruit me réveilla au milieu de la nuit, des pas lents, réfléchis. J'ouvris les yeux. Mon cœur battait à tout rompre. Une silhouette se déplaça vers la fenêtre que nous avions brisée, et sortit. Je ne savais pas quoi faire. Prévenir Noé ? Réveiller Violette ? Je décidai de sortir et de suivre l'individu. En passant par la fenêtre, je m'égratignai le genou sur un morceau de verre tranchant, et ravalai ma douleur. Une fois dehors, je parvins à discerner qui se tenait debout, près de la voiture, au milieu du parking. C'était Loup.

−Loup ! appelai-je d'une voix étouffée.

Il ne semblait pas m'entendre. Je m'approchai de lui.

−Qu'est-ce que tu fais là ? Tu devrais dormir.

Loup avait les yeux grands ouverts, comme en plein jour. En silence, il s'allongea sur le sol et plaça ses bras le long du corps. Il devait être somnambule. Je m'étendis à côté de lui sans savoir quoi faire. J'étais tendue, et aussi fière de réussir à l'approcher de cette façon. Il avait toujours fui plus vite que le vent. Je l'observai. Ses yeux ne quittaient pas le ciel. J'y vis la lune et les étoiles si nettement que j'en eus un vertige. Une drôle de sensation m'emplit. Je jugeai préférable de me rallonger avant d'en deviner la signification. Le silence était pesant. J'entendais son souffle, régulier, presque imperceptible. J'entendais aussi mon cœur, rapide. Puis je l'entendis murmurer :

−J'ai toujours préféré être celui qui dort et qui observe.

Je souris. Je sentais le bitume dur et froid à l'endroit où nous étions allongés.


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Hey hey ! Ce chapitre est très court, et je m'en excuse, mais il y en a encore beaucoup ! Bisous, bonn lecture !

LA ROUTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant