14.
Les lumières crues me brûlaient les yeux. De temps à autres, des éclairs traversaient mon champ de vision. Le lit où j'étais couchée était froid, et les draps lisses et lourds. Je touchai avec inquiétude ma tempe. Une compresse carrée la recouvrait. Je soupirai ; le seul fait de lever le bras m'épuisait, et mes yeux me faisaient mal. J'observai, passive, la chambre où on m'avait installée. Une fenêtre rectangulaire, un petit rideau qui filtrait la lumière. Quatre murs vert de jade, décrépis. Une table en plastique blanc. Un moniteur éteint, une suspension pour morphine. Cette chambre semblait réservée à un cas plus grave que le mien. Je me redressai. Aussitôt, ma vision s'obscurcit. Immobile, j'attendis de recouvrer une vue opérationnelle, tout en écoutant les bruits provenant du couloir. Plusieurs personnes se bousculaient, dehors.
−Doucement, dit une voix d'homme.
L'agitation persistait derrière la porte, toujours plus présente. Puis elle s'ouvrit. Quelqu'un entra précipitamment. Noé.
−Elena !
Sa voix me fit comme un électrochoc.
−Arrête-toi ! ordonna un policier derrière lui.
Noé fut plaqué contre un mur. L'homme en uniforme lui maintint les bras dans le dos. Mon frère grimaça de douleur.
−Fais pas le con, Juhel, tiens-toi bien, bon sang ! grogna le policier à quelques centimètres de son oreille.
Dès qu'on l'eut lâché, il s'avança de quelques pas vers moi. Puis s'immobilisa. Ma tête me faisait mal. Malgré mes yeux douloureux, je le dévisageais, et tout devint flou, autour. Il portait un T-shirt crasseux, serrait ses poings couverts de bleus. Je ne sais toujours pas où j'avais trouvé la force de me lever, à cet instant. Mais je le fis et, faisant fi des policiers et de l'infirmière qui nous surveillaient, je le serrai dans mes bras. Une décharge traversa mon épaule, et je tressaillis, mais sans lâcher mon frère. Plus jamais.
−Je suis désolé, Elena.
−Noé, sanglotai-je. Tu m'as fait peur, putain...
Il ne dit rien. Une fraction de secondes, à la fois infinie et si courte, nous glissa entre les doigts comme du sable. Un policier attrapa Noé par les bras et l'écarta de moi.
−Allez, Juhel. On rentre.
−Attends ! Où tu vas ?
Noé fut poussé dehors, et une infirmière me guida vers mon lit.
−Repose-toi, maintenant.
−Noé ! hurlai-je. Et Violette ? Où est Violette ?
Ma voix se perdit dans l'air aseptisé de la chambre. J'entendais les semelles de Noé crisser contre le linoléum. Je me laissai retomber sur mon oreiller, impuissante.
Une douleur saisissante me vrillait le crâne, et on m'administra un antidouleur, qui eut pour troublant effet de me précipiter dans un sommeil que je refusais. Mon corps lutta, puis finit par succomber. Je sombrai dans une nuit atroce.
Un plateau-repas m'attendait sur la petite table. Il y avait un homme, à mon chevet, qui regardait dans le vide. Lorsqu'il me vit ouvrir les yeux, il se leva.
−Bonjour, Elena.
Face à l'air inquiet que j'affichais, il se présenta :
−Je suis le docteur Brunhes, dit-il en pointant l'insigne épinglée à son torse.
−Bonjour.
−Est-ce que... tu te souviens de ce qui s'est passé, ces trois derniers jours ?
VOUS LISEZ
LA ROUTE
Teen FictionC'était le printemps. Une nuit. Violette pleurait. Noé se battait dans la cuisine. J'avais peur, je fermais les yeux, tenais ma sœur dans mes bras. Une nuit. Loup a sonné à la porte. Ce fut très rapide. La seconde d'après, nous étions partis. Sur la...