CHAPITRE 18

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18.

−Oh, merde, elle se réveille enfin !

−Ne parle pas comme ça, Camille.

−Désolée, maman...

J'ouvris les yeux, et, incapable de voir clair, les refermai. La mère de Camille se pencha et me caressa le front du plat de la main.

−Elle a de la fièvre.

−Tu m'étonnes, une fille comme elle !

Attends, qu'est-ce que tu insinues ?

−Je ne sais même pas comment elle a pu finir là-bas.

−Moi non plus. Je suis soulagée... qu'on l'ait retrouvée tout habillée.

−Camille ! Comment peux-tu dire une chose pareille ?

−Mais c'est vrai, quoi ! Cet endroit était sûrement bourré de pervers et de détraqués qui balancent du GHB dans tous les verres !

Il y eut un silence. Je supposai que la mère de Camille regardait sa fille comme si elle se trouvait devant une inconnue, et cela me fit sourire.

−Elena, j'te vois, dit Camille en se couchant à côté de moi.

−Qu'est-ce qu...

Je ne me sentais la force que de soupirer. Camille me tendit un verre où se dissolvait une pastille.

−Bois ça, Elie.

Et elle murmura :

−C'est pas du GHB.

Cette fois, je ris pour de vrai. Ça ne m'arrivait pas souvent, depuis qu'on vivait chez les Vanpeels, avec Violette. Je mis ça sur le compte de mon état – malheureusement.

De retour chez moi, accompagnée de la mère de Camille, j'aperçus Violette qui pleurait, assise sur le tapis. Cette image me renvoya à un souvenir, lointain, maintenant. Jeanne fondit sur moi comme une espèce de rapace, et me serra fort contre elle.

−Elena... C'est pas vrai, mais qu'est-ce qui t'a pris ? Tu...

Elle ne termina pas sa phrase, continua de m'enlacer. Dans le miroir de l'entrée, je la vis relever la tête et adresser un regard reconnaissant à la mère de Camille. Je fermai les yeux.

Debout dans la douche, je laissais l'eau couler, même si elle était froide, même si j'avais gardé mes sous-vêtements. Je pensais bien trop. Pourquoi tout arrivait d'un coup ? Les révélations de Noé, le message, l'ex-meilleure amie, c'était trop pour moi. Je voulais une vie normale. Je n'étais absolument pas faite pour ça. Ni pour aimer, ni pour rire, ni pour fumer ou boire. J'avais besoin d'une seule personne, qui n'était pas là. Alors je l'imaginai. Je l'imaginai me dire « Laisse-toi aller, Elena. ». Oui, c'était sûrement ça. On luttait toujours contre tout, alors qu'il était facile de se laisser faire. Tout à coup, en oubliant de combattre mon mal-être, je le laissai me traverser, puis disparaître. Et là, l'eau froide m'arracha un hurlement. Je sortis de la douche, frigorifiée, et me vis dans la glace. Pourquoi portais-je toujours mes sous-vêtements ?

Mon histoire avait traversé le lycée en un temps record – merci Camille – et s'était presque transformée en affaire de viol. Contrairement à ce qu'on peut penser, le fait qu'à chaque pause, une foule vienne me réconforter n'était justement pas si réconfortant. Surtout que tous ces illustres inconnus n'en avaient après moi que pour les maigres détails scabreux que je pouvais leur livrer.

LA ROUTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant