CHAPITRE 17

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17.

Blottie dans le canapé, je sentais Violette qui dormait paisiblement contre moi. Elle avait trouvé ce parfait équilibre, cette force de vivre que je n'avais plus. Ça se voyait sur son visage que plus rien ne pouvait l'atteindre. C'est connu, après des bouleversements importants, certains se relèvent, plus forts, d'autres sont brisés. J'étais brisée. J'étais les autres.

Jeanne s'approcha de nous et déposa un plateau sur la table basse.

−Violette, Elena, il faut manger.

−Merci, Jeanne.

Je fis l'effort de prendre une bouchée de mon croque-monsieur, mais me ruai sur mon verre d'eau, qui semblait être le seul « aliment » compatible avec mon corps.

−Je peux le finir ? demanda Violette.

−Bien sûr. Je vais me coucher.

Étendue dans mon lit, les cheveux en pétard, je fixais le plafond.

T'es joueuse, à ce que je vois. J'aime ça.

−Sors de ma tête.

J'aime ça.

−Sors de ma tête, enfoiré !

Oui. J'hurlais toute seule dans ma chambre. Quitte à agir bizarrement, pourquoi ne pas continuer ? Je m'approchai de la fenêtre, l'ouvris. Avant d'aller plus loin, je fermai ma porte à clé, pour être seule. Je contemplai la sortie qui s'offrait à moi. La fenêtre. Non, je n'allais pas sauter, juste... me faire un peu peur. Je traversai de nouveau la chambre, me penchai pour voir l'herbe du jardin, humide, boueuse. Au moment où j'allais toucher au vide, je sentis quelque chose contre mes jambes. Quelque chose de chaud, de doux, de furtif. Gatsby. Le chat jaune me regarda sans bouger d'entre mes deux pieds.

−Mon Dieu... Ce que je peux être conne.

J'attrapai l'animal et le maintins au niveau de mon visage.

−Tu sais que t'es intelligent, toi ? Bizarre, et sacrément intelligent.

Gatsby commença à se débattre, alors je le laissai errer dans la chambre. Il finit par se réfugier sous mon lit. Je m'accroupis pour le regarder une dernière fois. Il était allongé sur le sol, dans la pénombre, les yeux grands ouverts dans ma direction. Loup. La ressemblance était frappante, dérangeante. Je me relevai. L'émotion, tout à coup, m'emplit, déborda de moi. Je devais contenir ce sentiment. Quand tout se bousculait dans ma tête, il fallait que j'extériorise. Alors je m'emparai de mon ordinateur, m'assis sur mon lit et tapai « Loup Becker » dans la barre de recherche. Un petit cercle bleu tourna, tandis que les résultats apparaissaient un à un au gré du capricieux réseau de la maison. Le premier, un lien vers un article du Figaro, parlait de « Deux adolescents inculpés de vol et de l'enlèvement d'une jeune fille et de sa petite sœur ». Je ne cliquai pas. En-dessous, il y avait l'adresse d'un site, magénéalogie.fr, et le lien vers celle du nom Becker. Voilà ce qui restait de tout ça. Voilà ce qui restait de lui. À mesure que je déroulais l'écran, les résultats devenaient de plus en plus évasifs, puis ils n'eurent plus aucun rapport avec ma recherche initiale. Je fermai la page.

−Loup, où est-ce que tu te caches ?

Ce matin, au lycée, j'évitai Camille et, bien sûr, Edouard. C'était plutôt facile, puisqu'aucun ne montra signe de vie. Du moins, jusqu'au déjeuner.

−Salut, fit Camille en prenant place à côté de moi. Tu sais que j'ai eu du mal à te trouver ? J'ai failli abandonner mes recherches !

Je lui adressai un sourire froid, avec en tête l'occasion ratée d'être seule.

LA ROUTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant