20.
On toqua à ma porte. Vingt heures sonnaient.
−Elena, il y a quelqu'un pour toi, dehors.
C'était la voix de Thibault, que je n'entendais pas souvent ces derniers temps.
−C'est qui ?
−Une jeune fille... euh...
C'était sûrement Camille.
−Ne la laisse pas entrer.
−Elle a l'air de vraiment tenir à te voir, tu sais.
−Je crois que je suis malade. Dis-lui qu'on se verra plus tard.
−Très bien, je vais lui dire.
J'entendis les pas de mon père nourricier dans les escaliers, et fermai les yeux. J'étais submergée de problèmes, et je n'avais pas envie de parler à Camille. Ou à qui que ce soit d'autre.
Je me surpris à constater qu'une fois privée de la vue, mon ouïe et mon odorat prenaient la relève, me faisant percevoir des odeurs et des sons nouveaux. J'humai l'air de la chambre. Une bougie jamais allumée diffusait à peine son parfum suave dans l'oxygène immobile de ma chambre. Je sentis également la forte odeur de sel et de vanille qui s'échappait de mon armoire, pour je ne sais quelle raison et par je ne sais quel miracle. Je percevais le lointain tic-tac de la montre posée sur mon bureau. Et j'entendis, plus nets, des pas. Des pas plantés dans le sol comme des aiguilles, comme des pas de danseuse. Des talons. La porte s'ouvrit et je me redressai sur mon lit dans un sursaut. La lumière du palier s'éteignait sur son visage, pâle et coloré comme celui d'une poupée. En fermant les yeux, encore, je sentis son parfum d'alcool et de tabac. Daphné.
−J'ai failli ne pas te voir, dit-elle en souriant.
−Et moi, j'ai failli te laisser entrer.
Daphné tint tête face à mon sarcasme. Je me levai et passai un sweat par-dessus mon pyjama, avant de m'asseoir au bord de mon bureau.
−Qu'est-ce que tu viens faire ici ?
−Je viens pour m'excuser. De t'avoir embarquée là-dedans, l'autre jour. J'ai pas été une bonne amie.
−C'est...
−Axel et moi, c'est fini.
Daphné renifla et baissa la tête. Pathétique. Elle avait tenté de cacher son tatouage avec du fond de teint.
−Tu n'avais pas besoin de quitter ton copain, Daphné. Je suis vivante.
Sur ces mots, j'eus un petit rire, parce que je ne m'étais jamais sentie moins vivante.
−C'était pas pour toi, c'était... Axel est un enfoiré.
Toutes les raisons pour lesquelles Daphné pouvait détester Axel défilèrent dans ma tête. Disputes, adultère... ou bien il l'a mise enceinte et n'assume pas l'enfant.
−Si tu le dis.
Un silence évident s'installa, durant lequel Daphné devait sûrement ruminer sur son célibat et ses médiocres excuses. Moi, je continuai simplement de respirer. Il y avait des relents écœurants de parfum.
−Je crois que je vais y aller, encore désolée.
Elle fouilla dans sa poche et me tendit un petit bout de papier froissé.
Lorsqu'elle quitta la chambre, je posai le papier sur mon bureau, et je me couchai. Cette nuit-là, je ne dormis pas. Une odeur familière avait imprégné l'air. Une odeur que je détestais.
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LA ROUTE
Teen FictionC'était le printemps. Une nuit. Violette pleurait. Noé se battait dans la cuisine. J'avais peur, je fermais les yeux, tenais ma sœur dans mes bras. Une nuit. Loup a sonné à la porte. Ce fut très rapide. La seconde d'après, nous étions partis. Sur la...