𝐋𝐨𝐯𝐞 𝐨𝐟 𝐑𝐢𝐬𝐤

𝐏𝐚𝐫𝐭𝐢𝐞 𝟏 - 𝐜𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐈𝐕

Heather Hill :

Melbourne - mars 2025

J'arrive sur l'estrade accompagnée de Max, Oscar, Charles et Alonso. Cinq pilotes représentant quatre écuries différentes, tous prêts à répondre aux questions des journalistes sportifs.

Ils ont choisi les trois gagnants et les deux n'ayant pas passé la ligne blanche. Plutôt malin quand on sait qu'Alonso et moi étions quatrième et cinquième les quatorze premiers tours.

Je tire ma chaise et m'assois, aussitôt imitée par les autres coureurs. Red Bull m'a briefé sur comment me comporter durant les conférences. Être polie, au maximum du moins. Ne pas donner d'informations confidentielles, ce que j'aurais deviné seule. Et donner des réponses un peu évasives et rapides.

Les gens présents n'ont pas le temps, de même que le nôtre n'est pas extensible alors offrir une réponse simple et efficace est souvent plus approprié.

J'entends une voix masculine faire une petite introduction avant que les premières questions n'arrivent.

– Pour Max, êtes-vous satisfait de votre nouvelle coéquipière ? demande un homme d'une quarantaine d'années au fond de la salle.

Je ne peux m'empêcher de sourire, trouvant la question légèrement en avance sur la saison. Je n'ai pas eu le temps de montrer ce dont j'étais capable, ni même ce que je valais derrière un volant d'ailleurs.

Je tourne le regard vers lui, prête à recevoir sa réponse, quelqu'elle soit. Il prend son micro et l'apporte à ses lèvres après un instant de réflexion.

– Reposez-moi la question quand nous serons en Azerbaïdjan, il lâche avec un visage mystérieux.

Sa réponse fait rire plusieurs personnes dont Charles à ma droite. Juste à côté de lui, je peux voir Verstappen, Piastri puis Alonso en bout de table. De nouveau, on prend la parole mais en me regardant cette fois.

– Pour Heather, que penses-tu de ta sortie au Bahreïn ?

Quelle originalité cette question...

Je me suis entraînée plusieurs fois à y répondre avant de venir mais à chaque fois, ma réponse semblait fausse et inappropriée. Je n'arrivais pas à trouver les mots parfaits.

J'ai reçu l'aide de Christian pour m'aider à préparer quelque chose qui ne me ferait pas descendre dans l'estime du grand public. Alors je sors ce qu'ils souhaitent entendre.

– J'ai été très déçue de moi-même, de ne pas avoir vu Alonso mais je ne lui en veux pas, les erreurs arrivent et je suis surtout impatiente de courir ici, en Australie.

C'est en partie ce que je pense mais je suis sûre de ne jamais réussir à être aussi lisse et douce en improvisation. Pourtant, il va falloir.

Je sais que certains journalistes pensent que je ne mérite pas ma place, d'autres m'acceptent et certains sont fiers mais en chacun de ces hommes se cache un esprit marqué par le sexisme qui nous entoure. Nous devons tous déprogrammer ce que la société nous a appris durant l'enfance, y compris moi.

Les gens ne me pardonneront pas si je deviens insolente alors qu'ils auraient accepté ce comportement d'un homme. Et pourquoi ? Parce que les femmes sont censées se taire et laisser la place à leurs homologues.

Pourquoi est-ce qu'il m'est arrivée de m'excuser auprès de mes concurrents lorsqu'ils faisaient une faute ? Parce que mon père m'a obligé à m'excuser de parler trop fort, parce que je n'avais pas le droit de couper la parole à table quand mon frère accaparait la discussion.