Chapitre 6

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Stiles fut surpris de tomber nez à nez avec la ferme d'où il avait démarré ses recherches plus tôt dans la nuit : il avait erré des heures et il ne lui avait pas fallu plus de quelques minutes pour atterrir ici, en suivant les bruits affolés du loup. Il observa dans la pénombre, jusqu'à ce qu'une masse sombre l'interpelle : Derek était là, à une vingtaine de mètres. Il se tenait immobile, tout près de l'enclos des bêtes qui s'étaient probablement affolées de sa présence avant de se rassembler les unes contre les autres à l'autre bout de leur parc.
Stiles s'approcha lentement, cherchant la présence d'un chien dont Scott avait pourtant parlé lorsqu'il avait raconté sa visite au berger. Derek l'avait-il tué ? Stiles ne se souvenait plus de ce qui était arrivé au chien de protection mais ce soir, il semblait n'y avoir personne pour empêcher le loup de traverser la barrière, si ce n'était ces pièges dont Scott avait pourtant assuré qu'il les avait fait désinstaller par le berger. Stiles serra les dents, se promettant qu'il en toucherait deux mots à son meilleur ami : Derek s'était finalement pris dans l'un d'eux.

- Derek, j'arrive, calme-toi ! Je vais t'aider.

L'être humain, tout à sa contemplation, continua de s'avancer vers son ami qui tirait désespérément sur sa patte pour tenter de se libérer. Il avait les oreilles plaquées contre son crâne et la queue rentrée entre ses pattes postérieures, affolé probablement autant par la douleur que par la présence potentielle du berger de l'autre côté de la ferme. Stiles s'apprêtait à rejoindre le loup lorsque des lumières s'allumèrent dans la bâtisse principale, informant les deux amis que l'habitant des lieux avait finalement été réveillé par le vacarme de l'animal blessé.
Derek s'affola davantage, remuant dans tous les sens dans l'espoir de se dégager, alors que Stiles essayait de le calmer en lui parlant à voix basse.
Il se cacha derrière un bosquet lorsque la porte de la ferme claqua sur ses gonds, annonçant la sortie du fermier, furieux de trouver le prédateur sur sa propriété.

- Cette fois tu es mort, saloperie de loup !

Stiles pencha la tête pour mieux voir son semblable et aperçut un fusil entre ses mains. L'homme avait décidé de mettre un terme à son propre calvaire, dont personne ne semblait disposé à le sortir depuis des jours. Il pointa l'arme vers Derek, allumant dans la tête de Stiles une alarme assourdissante.
Il était hors de question pour le jeune adjoint de perdre son compagnon une seconde fois. Stiles s'extirpa brusquement de sa cachette en levant haut les mains.

- Attendez !

Surpris par son intervention inattendue, l'homme tira dans sa direction. Stiles eut juste le temps de se jeter derrière un arbre tandis que l'autre rechargeait son arme.

- Qui va là !? Sortez de ma propriété ! Ce loup est à moi !

Il ne restait qu'une dizaine de mètres à franchir avant que Stiles ne soit enfin auprès de Derek. Le loup l'observait entre deux accès de panique, détaillant tour à tour l'homme armé et celui qui progressait pas à pas dans sa direction.

- Je suis adjoint du schérif, baissez votre arme !
- Je ne vous crois pas ! Personne ne vient par ici la nuit ! Déguerpissez !

Il devait gagner du temps. S'il n'arrivait pas à calmer le berger, il devait au moins atteindre Derek avant que l'homme ne décide de tirer une nouvelle cartouche. Si Stiles parvenait à rejoindre Derek à temps, l'autre n'oserait certainement pas tirer si près d'un être humain. Il était la seule chance pour que Derek ait la vie sauve et il avait bien l'intention d'aller au bout de son sauvetage. Il n'avait pas traversé huit années d'une souffrance infinie, pour perdre l'amour de sa vie ici et dans des conditions aussi stupides qu'un berger protégeant un vulgaire troupeau de moutons.
Mais lorsqu'il entendit le fusil se recharger, le cerveau de Stiles vrilla. Il ne lui fallu qu'une fraction de seconde pour prendre sa décision, et il bondit en avant, dans la direction de Derek, pour le protéger. Il préférait mourir, que voir Derek se faire tuer devant ses yeux.

- Non, Derek !

Le coup partit, déchirant la nuit dans un bruit sourd, tandis que l'homme marquait un pas de recul pour amortir l'élan de l'arme à feu. Le corps de Stiles s'écrasa au sol juste devant le loup noir, dont le jappement résonnait encore dans la tête du jeune adjoint.
Lorsque Stiles releva la tête, l'adrénaline pulsait encore si fort dans ses tempes qu'il avait l'impression d'être frappé inlassablement par un marteau piqueur. Il était bien incapable de dire s'il avait pris la balle, mais son regard se posa sur l'animal et la réponse lui déchira le coeur dans un hoquet de désespoir. Le loup haletait difficilement et la neige, sous lui, se colorait peu à peu d'un liquide rouge qui s'échappait en quantité de son poitrail.
Stiles rampa jusqu'à Derek, se fichant de la neige qui s'incrustait sous ses vêtements pour lui brûler la peau. Il posa sa main nue sur l'animal encore chaud, dont la cage thoracique se soulevait énergiquement dans un réflexe de survie.
Sortie de nulle part, la voix de Scott résonna dans la tête de Stiles et deux bras attrapèrent brusquement ses épaules pour le tirer en arrière, loin de son loup. Stiles reconnut le timbre d'Isaac quelque part sur sa gauche, et celui du fermier qui hurlait des mots que l'être humain ne parvenait pas à comprendre. Son regard ambré, ancré sur le loup noir dont la respiration faiblissait à vue d'oeil, s'embua rapidement de larmes et la fureur gonfla sa poitrine à mesure que les secondes s'égrainaient.

- Stiles, il est mort ... Stiles ...

Stiles balança son bras en arrière pour se dégager violemment de la prise qu'avait Scott sur ses épaules. Debout sur ses pieds, il tituba quelques instants avant de regarder à nouveau le loup, si près de lui et pourtant, si loin. A travers les larmes qui brouillaient sa vision, il ne put se mentir : Derek était mort. Après huit années de souffrance, de patience ... un inconnu venait de lui arracher son grand amour.

[Sterek] Un fil d'argentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant