Chapitre 24

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8 Avril. Le soleil avait été enclin à se joindre à la fête, et après les pluies diluviennes du mois de Mars, il était bien heureux que les premiers jours d'Avril eurent fait sécher les sols détrempés. L'eau du lac était calme, à ses pieds. Les bruissements d'une brise légère dans les feuillages, apaisaient son esprit : il avait passé si longtemps dans la forêt, que les bruits citadins lui étaient devenus difficilement supportables. Il avait encore des difficultés à s'habituer à ce monde bruyant que les humains habitaient. Il n'avait jamais aimé la foule, de toute façon. Après l'incendie qui avait décimé sa famille, le jeune loup-garou avait vécu en reclus et n'avait plus jamais éprouvé le besoin de côtoyer qui que ce soit. Jusqu'à sa rencontre avec Scott et Stiles, il n'avait même plus eu aucune raison de vivre, pour être tout à fait honnête.
Mais, aujourd'hui était un autre jour. Un jour spécial, que Derek voulait absolument rendre inoubliable. Il avait manqué les huit précédents anniversaires de Stiles et il voulait tous les rattraper en un seul, ou au moins essayer. Pour être franc, il ignorait encore si le jeune adjoint accueillerait sa surprise à bras ouverts : le loup-garou était persuadé que son compagnon avait été a deux doigts de lui offrir ses lèvres la veille au soir, mais il ne pouvait pas en être sûr puisque Stiles s'était dérobé à lui au dernier moment. Derek avait envie de mettre cette fuite sur le compte d'une ultime hésitation, avant d'enfin lui donner une seconde chance. Et c'était aujourd'hui qu'il voulait revendiquer cette nouvelle aventure aux côtés de son humain. Il voulait tourner la page de ces huit longues années qu'ils avaient passées si loin l'un de l'autre.
Derek avait passé plus de la moitié de la journée à tout préparer. Il s'était levé à l'aurore pour optimiser son temps et se sentait désormais épuisé, mais tout était enfin prêt. Il était temps d'appeler son âme-soeur.
Mais alors qu'il portait sa main à sa poche arrière pour en sortir son téléphone, Derek réalisa qu'il ne l'avait pas sur lui. Il avait dû le laisser au loft, quelque part dans le bordel sans nom qu'il avait abandonné derrière lui au matin. Tant pis, il allait être obligé de faire le chemin en sens inverse pour récupérer son portable et pouvoir demander à Stiles de le rejoindre. Peut-être qu'il prendrait le temps de faire un brin de ménage au passage, avant que son fouineur d'oncle ne se pointe et se demande quel genre de tornade avait pu traverser l'endroit. Pour une fois, la tornade en question n'était pas Stiles. C'était pourtant bien son genre, fut un temps, de débouler au loft sans prévenir tout en revendiquant haut et fort combien Derek devait se montrer disponible pour aider Scott parce que c'était évidemment lui le coupable de la nouvelle condition surnaturelle de l'adolescent.
Derek esquissa un sourire à la seule pensée de cette époque révolue. Il était nostalgique de ces premières années partagées avec les jeunes lycéens qu'ils avaient été.
Finalement, le loup-garou se décida à quitter le couvert de la forêt. Le jour déclinait doucement et il voulait que Stiles puisse contempler les dernières lueurs du jour et le coucher du soleil à ses côtés. Il se hâta donc de traverser les bois jusqu'à son loft. Il aurait pu simplement aller chercher son ancien compagnon chez lui, mais de toute façon il avait cruellement besoin d'une douche.
Derek était particulièrement fier de son travail. Aucune chance que Stiles ait pu anticiper ça : il allait lui faire la plus grande surprise de sa vie, c'était certain. L'adulte entra dans le bâtiment qui abritait son habitation, sans même remarquer les voitures familières garées le long du trottoir. Il ne commença à se poser des questions que lorsque des éclats de voix lui parvinrent à travers la porte de son loft : l'endroit aurait dû être désert mais de toute évidence, ce n'était pas le cas. Derek reconnut la voix de Stiles, il semblait hors de lui et surtout, son timbre de voix reflétait une certaine angoisse. Le loup-garou accéléra la cadence pour monter les dernières marches qui le séparaient de sa tanière. Qu'était-il arrivé pendant son absence, qui avait pu mettre Stiles dans un tel état de nerfs ? Sans attendre qu'on l'y invite, Derek tira la porte coulissante et fit face à la petite communauté qui s'était amassée dans son logement.

- Qu'est-ce qui se passe ici ?

Tous les visages s'étaient tournés dans sa direction lorsqu'il avait ouvert la grande porte. Tout le monde le regardait comme s'il n'avait rien à faire là et Derek haussa un sourcil d'incompréhension avec l'intention de demander des explications, mais son humain le devança. Derek ne put qu'observer dans un silence surpris, le regard de son ancien compagnon se charger d'éclairs tandis qu'il le regardait dans les yeux. Avait-il fait quelque chose de mal ?

- Toi ! Mais quel genre de connard es-tu !?
- Qu-quoi ?
- T'es un grand malade, Derek !

Stiles s'avança à grandes enjambées pour rejoindre le loup-garou dont l'air interdit le rendait encore plus furieux. Il attendit d'être à son niveau pour lui balancer un violent coup de poing dans la mâchoire, que Derek encaissa sans broncher et sans comprendre ce qui se passait. Stiles grogna de douleur et frotta son poing blessé dans sa main intacte, mais il ne parvenait pas à décolérer. Il s'approcha davantage du loup-garou pour frapper son poitrail du plat de ses mains pour le forcer à reculer, bien incapable de contenir davantage ses émotions.

- Où est-ce que tu étais, espèce d'idiot !? On t'a cherché partout toute la journée ! Bordel mais qu'est-ce qui n'va pas chez toi, Derek ?
- Vous m'avez cherché ? Mais pourquoi ?
- Pourquoi ! Pourquoi !? Regarde ton loft, sombre crétin ! Tu as disparu ! Tu t'es encore volatilisé et tu n'as même pas pris ton putain de téléphone ! Mais bordel, c'est quoi ton problème !

Les derniers mots résonnèrent dans un sanglot, alors que Stiles frappait inlassablement le torse du loup-garou les poings serrés. Derek n'attendit pas plus longtemps pour attraper les poignets de son assaillant et le forcer à se rapprocher davantage de lui pour le serrer dans ses bras.

- Eh, Stiles, calme-toi ... Je suis désolé, je n'ai pas voulu vous inquiéter, pardonne-moi ...
- Tu n'as pas le droit de partir ! Tu ne peux pas t'en aller encore, putain ! Tu ne m'as même pas embrassé ! Je t'interdis de disparaitre encore, Derek ! Je t'interdis ...

Il était pathétique et il le savait, mais les émotions contenues toute la journée alliées au stress qui l'avait consumé durant ces heures interminables, lui explosaient au visage : il ne savait plus réagir avec discernement.
La supplique qui résonnait dans sa voix chevrotante eut raison des dernières barrières auxquelles le loup s'efforçait d'obéir depuis des mois. Derek éloigna légèrement le corps de Stiles de son buste pour forcer l'être humain à le regarder, puis posa lentement ses mains de chaque côté du visage humide qui lui faisait face.

- Je suis désolé, je ne voulais pas t'effrayer. Je suis là, ok ? Je suis là, Stiles. Regarde-moi, je suis là.

Derek essuya une larme qui roulait sur la joue de l'être humain, puis se pencha en avant et déposa ses lèvres sur leurs homologues qui les accueillirent sans hésiter. Un profond bien-être l'envahit tout entier, si bien qu'il ferma les yeux comme pour mieux profiter de cet instant si longtemps espéré. L'humain lui rendit son baiser dans un geste désespéré, comme s'il avait cru ne jamais le revoir. Derek se sentait revivre, tout à coup. Comme s'il avait traversé la vie sans en faire complètement partie, depuis son retour sous forme humaine. Il était enfin entier. Enfin vivant.

[Sterek] Un fil d'argentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant