[Sterek] Un fil d'argent

Chapitre 10

Huit ans. Huit années s'étaient écoulées depuis la dernière fois où Stiles avait vu Derek Hale. Il n'avait jamais pris le temps de compter les mois, les semaines ou les jours que ça représentait : le chiffre huit lui suffisait amplement pour avoir conscience du temps passé dans cette souffrance infinie.
Il avait des milliers de fois repassé dans sa mémoire des souvenirs de leur vie avant qu'ils ne tombent amoureux et vivent le parfait amour. Il avait revu des milliers de fois, dans le silence et la pénombre de sa chambre, le film mental de leur rencontre. Il avait gravé à jamais cette étreinte forcée lorsqu'il était tombé sur Derek, paralysé par ce foutu Kanima. Il avait entendu la voix de Derek lui ordonner de se taire, dans sa propre chambre, alors qu'il lui aurait suffi d'appeler son père pour mettre le loup dans une situation bien difficile. Il avait repensé à la piscine, à leur escapade dans le désert, à leurs nombreuses disputes qui avaient coloré leur amitié si durement gagnée. Il aurait pu écrire un livre sur leur histoire, si seulement il s'était penché sur la question rien qu'un peu.

- Un loup-garou.
- C'est un Alpha. On a réussi à le coincer il y a deux jours, dans l'entrepôt désaffecté. J'ai tenté de le forcer à reprendre forme humaine mais on a juste vu ses yeux devenir rouges, ensuite il a pris la fuite.

Stiles se leva brusquement du canapé, faisant sursauter Scott au passage. Le jeune homme se dirigea vers sa cuisine et s'appuya au plan de travail, tournant le dos à son meilleur ami.

- Stiles, ça va ?
- Pourquoi tu me dis tout ça, Scott ? Qu'est-ce que tu essaie de faire ?
- Je crois ... Enfin ...

Stiles frappa violemment sur le bar de la cuisine et se retourna pour fixer son meilleur ami avec colère : Scott ne l'avait pas habitué à tant de lâcheté et il détestait qu'il se montre ainsi incapable de lui dire les choses directement.

- Dis-le bon sang ! Arrête de tergiverser ! C'est lui ? C'est Derek ?
- Je n'en sais rien ... Je ne veux pas te faire de faux espoir, mais il t'a sauvé la vie, alors ... Disons que les coïncidences s'additionnent.
- Ca n'a pas de sens.
- Comment ça ?

Scott observait maintenant son ami avec incompréhension. Il s'était attendu à ce que Stiles se jette sur sa veste et soit déjà dehors, mais le jeune adjoint semblait tout à coup redevenu cet adolescent lucide et réfléchi avec qui il avait grandi. Scott pouvait presque voir son presque frère poser les pièces d'un puzzle qu'il chercherait à assembler, comme lorsqu'il étaient au lycée et que Stiles se prenait de passion pour les enquêtes non élucidées de son père.

- Si c'était Derek, il vous aurait reconnus. Il se serait transformé de lui-même.
- Alors pourquoi il t'a sauvé la vie ?
- Peut-être qu'il n'a juste pas de meute. Il voulait me transformer et vous êtes arrivés juste à temps.
- Lydia pense comme toi ... Mais il a eu le temps de te mordre avant qu'on arrive. S'il avait voulu se créer une meute il/
- Non, j'étais trop faible. Je n'aurais probablement pas supporté la morsure dans l'état où j'étais. Il était obligé d'attendre que je me réchauffe. C'est pour ça qu'il m'a mis à l'abris.
- Stiles, pourquoi il se serait embêté ? Il n'avait qu'à mordre le fermier ...
- Il était armé et sa ferme, entourée de pièges à loups. Moi j'ai bêtement voulu secourir un vulgaire animal. J'étais une proie facile pour un garou.

Scott posa lentement son verre sur la table basse et se leva, tâchant de ne pas faire de bruit ou de mouvement brusque. Il venait de remarquer le calme qui émanait de Stiles et il ne se sentait pas rassuré : son meilleur ami était hyperactif. Le calme n'était pas naturel chez lui et ne pouvait qu'être annonciateur de mauvaises choses. Le jeune Alpha s'approcha pas à pas de son ami d'enfance, tendant doucement les mains devant lui en signe d'apaisement.

- Stiles ...
- C'était probablement juste une erreur de trajectoire dans son plan initial.
- Stiles, pourquoi tu ne veux pas croire que c'était peut-être Derek ?
- PARCE QU'IL EST PARTI ! IL EST PARTI, SCOTT ! Il m'a abandonné ...

Un sanglot accompagna ses derniers mots et Scott arriva juste à temps pour que l'humain s'effondre dans ses bras. Le loup-garou le serra tendrement contre lui, accueillant sa tristesse avec toute l'empathie dont il était capable. C'était comme si tout à coup, Stiles acceptait enfin de se libérer du poids de cette absence trop longtemps supportée.

- Stiles ...
- Il est parti ... sans rien dire, sans explication ... Pourquoi il n'a plus voulu de moi, Scotty ?

Scott soupira doucement, serra un peu plus son meilleur ami contre lui, puis il s'écarta légèrement pour chercher le regard de l'être humain. Ses yeux larmoyants lui faisaient mal au coeur : Stiles avait profondément aimé Derek et n'avait jamais eu l'occasion de comprendre ce qui était arrivé.

- Ecoute, vieux, c'est peut-être justement l'occasion d'avoir enfin des réponses. Si on arrive à l'obliger à reprendre forme humaine, on saura si c'est lui. Et là, tu pourra lui demander des explications. Ce n'est pas ce que tu veux ? Comprendre une fois pour toutes ?

Stiles ne répondit pas. Il n'était plus très sûr de vouloir savoir, en vérité. Il avait vécu dans l'incompréhension tellement longtemps que ça lui semblait tout à coup hors de portée.
Il quitta complètement les bras de son meilleur ami et inspira profondément. Il ne pouvait pas juste fuir. Il avait peut-être l'opportunité de tourner la page, de refaire sa vie. Pourtant, le doute le rongeait. La peur subsistait, quel que soit le résultat final.

- Et si ce n'est pas lui ?
- Je ne te laisserai pas tomber une deuxième fois, frangin. Plus jamais.

Leurs yeux se croisèrent et Stiles put lire dans le regard de son ami d'enfance, toute la sincérité et toute la détermination du monde. Il sentait qu'il pouvait lui faire confiance. Alors dans un élan de courage, le jeune adjoint attrapa un gros manteau, une écharpe et une paire de gants dans un placard, et se dirigea vers la porte.