Chapitre 17

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Le temps était gris, et rares étaient les moments où le soleil parvenait à percer la couche de nuages qui alourdissait l'atmosphère sur Beacon Hills. Derek trouvait la météo en adéquation avec son humeur : monotone et triste. Il se sentait seul, sans Stiles. Il se sentait démuni, aussi. Parce qu'il ignorait si l'humain pardonnerait un jour son départ. Pourtant, il n'était réapparu que pour lui. Ne pas pouvoir lui parler, le toucher, ou simplement le voir, anéantissait le loup-garou. Il se sentait impuissant, et coupable, aussi. Peut-être aurait-il dû faire plus d'efforts pour retrouver son humanité. Peut-être aurait-il pu rejoindre Stiles bien plus tôt s'il avait été assez fort. Au lieu de ça il s'était laissé aller à la sauvagerie du loup et avait simplement occulté tout ce qui le rendait humain.
Cela faisait deux mois maintenant, que Derek avait retrouvé ses pieds et ses mains. Deux mois qu'il s'habillait de nouveau chaque matin, prenait des douches et faisait cuire ses repas. Deux mois que Stiles l'avait purement et simplement évité. Le temps semblait à Derek bien plus long maintenant qu'il savait le compter. Il n'avait aucun souvenir temporel de ses années d'errance, il n'avait été guidé que par la faim et l'auto-préservation. Il aurait pu s'être passé seulement quelques jours ou bien plus d'années encore, Derek n'en n'avait aucune conscience si ce n'était les visages vieillis de ses amis et sa famille.
Par moments, il regrettait sa vie d'animal. Les pensées humaines étaient complexes. La communication devait sans cesse être adaptée en fonction de nombreux paramètres. Il fallait prendre en compte ce qu'il désirait dire, mais également ce que la personne voulait entendre et qui elle était. Il fallait faire attention à la relation qu'il entretenait avec chacun, faire des concessions et accepter les erreurs ou encore assumer ses propres faiblesses. Tout lui semblait encore étranger, même s'il était parvenu à reprendre une vie normale d'un point de vue extérieur. Il n'avait plus de difficulté à sortir ou à participer aux tâches qui incombaient aux humains. Ses anciennes habitudes lui étaient aisément revenues avec le temps. Mais il restait ses traits de caractères, ceux-là mêmes qui étaient déjà d'actualité bien avant son enlèvement : il n'aimait pas la foule, détestait être contredit et avait toujours envie de secouer Isaac lorsqu'il osait douter de ses propres capacités : Derek avait toujours vu en lui un jeune homme fiable malgré son passé difficile, et il n'aimait pas que le châtain remette indirectement en cause sa décision de le transformer.
Derek avait souvent envie d'étrangler son oncle, aussi. Mais là encore, c'était un vestige du passé. Le temps où Peter les avait trahis semblait être révolu et Derek devait se faire à l'idée que son oncle était redevenu un innocent loup-garou. C'était plus fort que lui, il continuait de se méfier de son aîné et de le mépriser, par la même occasion. Famille ou pas, Peter était un lâche et pourrait changer de camp à la moindre occasion, s'il estimait y trouver son compte. Pour cette unique raison, Derek s'efforçait de se montrer invulnérable devant son oncle, qui squattait son loft depuis des années : il avait accepté de lui laisser une chambre malgré son retour, afin d'avoir un oeil sur lui en permanence.
Parmi toutes les informations et les codes sociaux qu'il avait dû acquérir comme un enfant de quelques années, Derek avait également appris le décès de Noah Stilinski, survenu quelques années en arrière : l'homme avait fait un arrêt cardiaque dans l'exercice de ses fonctions et les secours n'avaient malheureusement pas réussi à le maintenir en vie jusqu'à l'hôpital de Beacon Hills. Derek se demandait comment Stiles vivait avec ça : l'humain n'avait plus que son père comme famille proche durant son adolescence, et il avait toujours été prêt à donner sa vie pour protéger cet unique parent.

- J'ai comme l'impression que tu n'écoute pas un mot de ce que je dis, mon cher neveu.
- Non, je réfléchissais.
- Et ne t'excuse surtout pas. Tu n'as pas l'impression que c'est un manque total de respect envers moi ?

Derek offrit à Peter une mine condescendante, lui exprimant silencieusement mais clairement à quel point il se fichait de respecter ou non les états d'âme de son oncle.

- Moi qui pensais que tu t'intéressais encore à Stiles, j'ai dû me tromper.
- Quoi Stiles ?
- Ah, finalement tu te sens d'humeur à m'écouter ?
- Parle, Peter.
- Je te disais simplement que Stiles avait prévu de venir à notre petit rassemblement hebdomadaire, vendredi soir.
- Il sait que je serai là ?
- Ca fait deux mois que tu participe à ces réunions ridicules et elles se passent chez toi. J'ose espérer qu'il est au courant que tu en fera partie.

Derek leva les yeux au ciel devant le ton faussement dramatique de son oncle, et quitta la pièce sans lui accorder davantage d'attention. Si Stiles acceptait enfin de faire un pas vers lui, il serait prêt à l'accueillir dignement. Il attendait ce moment depuis trop longtemps pour laisser passer sa chance. Pour l'heure, il devait absolument trouver des vêtements et téléphoner à Scott. Comment fonctionnaient ces foutus téléphones, déjà ? Bon sang, la technologie ne lui avait pas manqué, durant ses huit ans de solitude.

- Derek, tout va bien ?
- Tu ne m'as pas dit que Stiles serait là, vendredi. Je n'ai rien prévu.
- Prévu ? Mais je pensais qu'on ferait comme d'habitude, soirée films et pizzas ?
- Avec Stiles ? On devrait faire un effort, non ?
- Derek, ne te prends pas la tête. Stiles adorait ces soirées, avant.
- Oui, "avant". Peut-être qu'il n'aime plus ? Peut-être qu'il/
- Eh Derek, il nous reste quatre jours pour organiser cette soirée, et d'habitude on n'en parle même pas le jour-même. Laisse les choses venir, tu veux ? Si Stiles a accepté de venir, c'est qu'il se sent prêt. Tu n'as pas besoin de sortir le grand jeu.

Derek lâcha un léger grognement et raccrocha. Scott ne lui était d'aucune utilité, il n'avait aucune idée de ce qui perturbait ainsi l'ancien solitaire. Qui pourrait comprendre ce qui le hantait ? Personne, dans son entourage actuel, n'avait jamais eu de vrai partenaire de vie. Pas comme ce que Stiles représentait pour lui, en tout cas. Ils ne se rendaient pas compte à quel point c'était important pour lui. Ils n'imaginaient pas à quel point il attendait ce moment depuis l'instant où ses poils avaient quitté son corps, ce fameux soir de décembre. Il devait absolument être prêt pour Stiles. Il devait se montrer à la hauteur, mériter son attention. Bon sang, qui pourrait l'aider à se préparer ? Il se sentait trop anxieux pour faire les choses correctement. Il allait se foirer à coup sûr !

[Sterek] Un fil d'argentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant