Chapitre 14

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Stiles s'était avancé dans la pièce, se plaçant entre les deux groupes pour faire face à ses amis. Derek prit sa position pour une attitude défensive à son encontre et, dans un réflexe primaire de loup, s'avança vers son compagnon pour se coller à lui. Il mourait d'envie de l'étreindre à nouveau, comme plus tôt dans la soirée. Il s'apprêtait à le faire quand Stiles marqua un brusque mouvement de recul, s'éloignant de quelques pas en dévisageant le loup.

- Qu'est-ce que tu fais ?

Derek ne répondit pas, blessé par l'attitude distante de son compagnon. Alors c'était ça : Stiles ne voulait plus de lui. D'une voix monocorde, il annonça alors la seule vérité qui lui semblait actuelle.

- Tu m'as quitté.
- Je ... ? Pardon !?

Stiles vit rouge. Son regard se chargea d'une fureur indescriptible et il se rapprocha de Derek pour enfoncer un doigt accusateur dans son poitrail.

- Ferme-la, Derek ! Surtout n'ouvre pas ta bouche si c'est pour débiter des conneries pareilles ! Tu as disparu du jour au lendemain et tu ose prétendre que JE t'ai quitté !? Tu t'es shooté à l'aconit ou quoi !?

Derek tourna légèrement la tête sur le côté, comme si ce geste pouvait l'aider à comprendre la situation. Stiles semblait en colère d'être accusé, mais alors pourquoi refusait-il son contact ? Etaient-ils ensemble ou non ? Derek l'aimait, c'était une certitude. Quand à savoir si ses sentiments étaient réciproques, le loup restait dans le flou.
Après quelques instants, la conscience humaine du loup-garou réalisa quelque chose qu'il n'avait pas remarquée jusque-là : toutes les personnes présentes dans la pièce semblaient bien plus âgées que la dernière fois où il les avait vues. Un animal n'a pas conscience de l'âge précis. Il les voyait jusque-là comme les jeunes adultes qu'il avait laissés dans le passé, mais il réalisait tout à coup qu'ils semblaient tous avoir pris plusieurs années.

- J'ai été absent combien de temps ?
- Absent ? Tu as disparu, Derek ! Bon sang mais qu'est-ce qui a pu se passer dans ta tête pendant huit ans ? Regarde-toi ! Tu as l'air de débarquer d'une autre planète !
- Loin de moi l'envie de trouver des excuses à mon neveu, mais j'ai peut-être une théorie qui pourrait vous intéresser.

Les regards se tournèrent de concert vers Peter, qui s'était paisiblement assis sur la troisième marche de l'escalier et observait la petite tribu comme il aurait regardé un film. Ils avaient toujours été une grande source de distraction pour lui.

- Est-ce qu'il n'aurait pas muté complètement il y a huit ans ? Ce qui expliquerait son attitude un peu ... comment dire, sauvage ?
- Il serait resté sous sa forme de loup pendant tout ce temps ? Mais pourquoi ?
- Je n'ai pas la réponse à cette question, mon cher Scott. Et j'ai l'impression que mon neveu ne l'a pas davantage.

Derek s'était perdu dans ses pensées, tous le comprirent rapidement en posant leurs yeux sur lui. Le loup-garou cherchait à comprendre, il essayait de se souvenir ce qui avait pu le pousser à se changer en loup et à ne plus reprendre forme humaine pendant tant d'années.

- C'est la colère qui nous pousse à la transformation. Si ce n'est pour se battre, je ne vois pas ce qui aurait pu pousser Derek à changer. Quand à savoir pourquoi il n'a pas repris forme humaine ensuite, là ... il va falloir trouver une autre source de connaissance.

Stiles se passa les mains sur le visage, dépassé par les évènements. Il lui fallut de longues secondes avant d'être pris d'une illumination. Il redressa vivement la tête vers Derek, s'approcha tout aussi rapidement et souleva son haut pour dévoiler ses hanches : une cicatrice blanchâtre avait marqué sa peau, exactement à l'endroit où l'humain était pris de douleur régulièrement depuis des années. Il avait remarqué cette marque lorsque Derek s'était relevé, dans la forêt, mais ne s'était pas attardé dessus sur le moment. Maintenant, il prenait conscience qu'il n'avait plus ressenti de douleur depuis un certain temps. Et en y réfléchissant, il n'avait plus eu mal à la hanche depuis que des attaques de loups avaient été signalées aux autorités de Beacon Hills. Une idée germait dans son esprit mais la théorie lui semblait complètement folle. C'est Scott qui entama le sujet de vive voix.

- Pourquoi tu porte une cicatrice ? On n'a jamais eu de cicatrices, après nos combats : on guérit trop vite.

Derek observa Scott, cherchant lui-même des réponses. Des flash s'insinuèrent silencieusement dans sa tête. Stiles et son sourire béat, ici-même, portant un t-shirt que le loup avait eu envie de lui arracher. Les premiers rayons du soleil à travers l'immense baie vitrée, illuminant les grains de beauté de son compagnon. Il n'avait eu aucune envie de partir. Sa voiture, une camaro noire à la peinture rutilante. Des bruits de pas, une odeur acide : l'aconit. Et puis, l'obscurité et le silence.

- Tu portais un t-shirt gris.
- Quoi ?

Derek tourna la tête vers Stiles, qui sembla chercher à comprendre de quoi il parlait.

- Il faisait à peine jour, le soleil commençait à se lever. Tu étais là, tu avais fait du café et tu venais de prendre ton adderall. J'avais envie de rester pour t'arracher ton/
- Oui oui ça va j'ai compris ! Je me rappelle ! Et alors ?

Stiles s'efforça de ne pas rougir, ce n'était pas le moment de replonger dans les souvenirs de ces matins où il se réveillait au loft dans les bras de son loup-garou de petit-ami. Oui, ils avaient passé de bons moments, tous les deux. Ils s'étaient aimés passionnément. Stiles n'avait d'ailleurs jamais cessé d'aimer cet homme.

- Je me souviens être descendu jusqu'à ma voiture, ensuite plus rien.
- Tu n'as pas pris ta voiture. Elle est restée au sous-sol jusqu'à ce que Peter la vende. Personne n'en n'avait l'utilité.

Scott sembla réfléchir quelques instants, essayant de trouver des liens entre les évènements. Si Derek avait eu l'intention de prendre sa voiture et qu'il ne l'avait pas fait, quelque chose avait dû se passer ce matin-là. C'est Peter qui amorça un début de théorie. Pour une fois, tous étaient enclins à l'écouter. Il profitait donc de leur attention tant qu'il l'avait : ces jeunes idiots aimaient trop faire passer son avis à la trappe aussi souvent que possible.

- Et si il avait été enlevé ?
- Il aurait forcément senti le danger. Il aurait entendu ses assaillants, ou les aurais sentis.
- Il y avait une odeur acide. J'ai senti l'aconit et lorsque je me suis retourné ...

Non, rien ne venait. il y avait eu cette odeur, puis le néant. C'était comme si son cerveau avait été éteint de force et le pire, c'était cette sensation de n'avoir aucun souvenir depuis huit ans. Il n'avait que ces sensations : la faim, la soif, le chaud et le froid. C'était les seuls paramètres qu'il avait en mémoire.
Malia s'avança comme pour prendre un peu plus de place dans la petite assemblée. Le lien entre les souvenirs de Derek et la théorie de Peter lui semblait tout à fait cohérent.

- ça colle avec un enlèvement. Si c'était de l'aconit, ils ont pu faire ce qu'ils voulaient de toi. Je connais bien cette odeur, c'est acide et ça brûle le nez. Il y en avait dans les pièges que posait mon père autour de notre maison.

Derek posa ses yeux sur sa cousine : il se souvenait de leur lien, maintenant. Mais s'il avait été enlevé, comment s'était-il finalement échappé ? Et pourquoi réapparaissait-il au bout de huit ans ?

[Sterek] Un fil d'argentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant