Chapitre 3

410 25 2
                                    

Les premières neiges recouvrirent Beacon Hills le septième matin de Novembre, et c'est ce même matin que choisit Léane pour rassembler ses affaires dans l'appartement où Stiles et elle s'étaient installés au début de leur relation. Stiles était assis sur un tabouret haut, les yeux perdus à travers la fenêtre et les mains posées sur sa tasse de chocolat chaud : son hyperactivité lui interdisait le café. Il observait le ballet des voitures qui klaxonnaient dans la rue, trois étages plus bas.

- ... de ne pas avoir suffi.

Léane lui parlait depuis de nombreuses minutes. Elle avait commencé à tourner en rond dans l'appartement dès le réveil, alors que Stiles s'était levé en premier et était déjà installé dans la cuisine. Il avait bien compris qu'elle faisait sa valise mais il ne parvenait pas à éprouver autre chose que de la résignation : il savait que ce jour arriverait tôt ou tard et s'était habitué à ses échecs amoureux.

- Tu remerciera Lydia de ma part, je n'ai pas la force d'aller la voir. Elle va sûrement essayer de me convaincre de rester davantage mais cette fois, je ne peux plus. Tu comprends ?

Stiles tourna la tête vers elle, lentement, comme s'il débarquait d'une autre planète. Il sentit à son regard insistant qu'elle attendait une réponse, mais il ne savait plus trop ce qu'il était supposé dire. Peut-être qu'elle espérait qu'il la retienne lui-même ? Peut-être qu'il était supposé avoir un déclic, se rendre compte qu'il ne voulait pas vivre sans elle et qu'il était enfin prêt à se battre pour elle ? Mais il était certain d'une chose : il n'avait pas envie de la retenir. Il n'était pas prêt à quitter sa tristesse, elle était devenue part intégrante de sa vie et de son quotidien. Elle faisait partie de lui, et la repousser, se défaire d'elle lui semblait insurmontable. Il aurait alors l'impression de trahir Derek.

- Je lui dirai.

Léane fronça les sourcils, comprenant que Stiles n'avait pas écouté le quart de tout ce qu'elle avait pu dire depuis qu'elle avait quitté le lit conjugal. Elle croisa les bras quelques secondes : elle hésitait à s'énerver contre lui. Peut-être avait-il besoin d'une vraie dispute pour enfin comprendre ce qu'il perdait ?
Finalement, elle inspira profondément, puis souffla en redressant la tête. Elle avait le droit de partir dignement : le problème dans toute leur histoire, ce n'était pas elle. Stiles n'était pas prêt à tirer un trait sur son passé et elle ne pourrait rien y changer. Il était le seul capable de faire bouger les choses. S'acharner à essayer de le faire à sa place, ne serait qu'une perte de temps.
Elle attrapa sur le canapé un gilet qu'elle avait oublié là la veille, et disparut dans la chambre pour boucler sa deuxième valise.
Elle était étonnée que sa vie ne se résume qu'à ça : deux valises posées sur un lit qui n'avait tristement aucun souvenir à lui donner. Cette seule idée la conforta dans sa décision : il était grand temps de partir. Elle avait donné suffisamment de son temps à cet homme ô combien attachant, mais qui n'avait visiblement pas fait la paix avec son passé.

Stiles entendit clairement le tintement des clefs que Léane déposait dans la corbeille de l'entrée, puis le cliquètement de la poigné qu'elle ferma derrière elle. Il entendit même les roulements des valises dans la cage d'escaliers.
Puis, ce fut le silence. Un silence total, seulement percé par le choc de sa cuillère sur le bord de sa tasse à chaque nouveau cercle qu'il dessinait dans sa boisson, et le rythme régulier de l'aiguille dans la pendule du salon derrière lui. Il regarda l'heure, elle indiquait huit heures douze.
Son regard se perdit vers la rue et il aperçut Léane une dernière fois, montant dans un taxi pendant que le conducteur enfournait ses valises dans le coffre de son véhicule. Leur histoire était définitivement close et Stiles réalisait tout juste que c'était l'anniversaire de Derek.

Les flocons passaient devant sa fenêtre dans un ballet incessant, rappelant à Stiles que Noël approchait doucement. Il espérait que Léane le passerait dans sa famille, entourée des gens qu'elle aimait et qui l'aimaient en retour. Lui n'avait pas su faire. Peut-être qu'il ne saurait jamais plus, d'ailleurs.
Il avala les dernières gorgées de son chocolat et se résigna à quitter sa place, déposant sa tasse vide dans l'évier avant de rejoindre sa chambre pour se préparer. L'endroit lui paraissait étonnamment vide, sans les vêtements de Léane. En fait, chaque pièce qu'il traversait lui semblait étrangère, comme s'il était arrivé dans un nouveau logement. Ils avaient emménagé ensemble quelques mois plus tôt : l'endroit lui était presque inconnu, sans elle.
Il soupira doucement, attrapa sa clefs dans la corbeille et quitta l'appartement sans un regard en arrière. Son travail l'attendait : lui au moins, ne l'avait jamais laissé tomber. Stiles se sentait vide. C'était devenu son quotidien, à travers les années, mais c'était toujours étrange d'en prendre conscience. Il avait l'impression de flotter sur la planète sans en faire vraiment partie.
Il se massa la hanche en descendant les escaliers. Toujours cette douleur qui ne lui appartenait pas et qui se réveillait de temps à autre, comme le souvenir d'un fantôme du passé.

La journée lui parut longue. Les dernières enquêtes étaient bouclées pour la plupart et celles qui restaient, attendaient encore des résultats d'expertises pour suivre les premières dans le dossier des affaires classées. Stiles se renversa dans dans le fond sa chaise et poussa un profond soupire. L'open-space était presque vide, la plupart de ses collègues étaient en patrouilles ou missionnés à l'extérieur, et ne rentreraient pas avant un bon moment. Même le schérif était absent, occupé avec le Maire depuis plusieurs jours concernant les prochaines élections et des évènements prévus dans ce cadre.
Stiles observa le bureau vide et se perdit des années dans le passé. Il se revit tourner en rond en attendant la fin de service de son défunt père, discuter avec les adjoints qu'il avait appris à connaître avec le temps. Il se souvenait de ces fois où Scott et lui avaient fouillé les lieux au nez et à la barbe des forces de l'ordre pour résoudre des enquêtes déclenchées par des créatures surnaturelles.
Toute sa vie il avait rêvé d'intégrer les forces de police. Il voulait suivre les traces de son père, le héros de sa vie. Et finalement il était là, bien loin des bancs de la criminelle qui l'avait tant fait rêver.
Il relâcha son attention du bureau du schérif et se reporta sur le dernier tiroir du sien, d'où il sortit machinalement le dossier des disparitions. L'affaire "Derek Hale" avait été classée sans suite un an après la déclaration de sa disparition. Aucune piste n'ayant été probante, la famille avait obtenu un certificat de vaines recherches et l'affaire s'était terminée là. Mais Stiles avait été incapable d'accepter cet échec et sa copie du dossier était désormais tout ce qui lui restait de son ancien compagnon. Dossier qu'il ouvrit encore une fois, pour en feuilleter les éléments avec l'espoir vain de trouver quelque chose. N'importe quoi, qu'il n'aurait pas vu avant. Chaque nouvelle tentative était un échec plus cuisant que les précédents, pourtant il ne parvenait pas à simplement tourner la page. Il avait viscéralement besoin de comprendre. Il fallait qu'il y ait une explication.

[Sterek] Un fil d'argentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant