Suzanne ! Suzanne ?
Lucien se décomposa en fixant son téléphone. Suzanne, l'incarnation même d'un échec amoureux, lui collait à la peau depuis la veille.
Pourquoi avoir repris contact avec lui ? La voir heureuse était une chose, la voir s'insinuer dans sa vie en était une autre.
Il se résolut à accepter l'appel. Son index glissa sur l'écran à mesure qu'il inspirait un grand coup.
« Allo ? » commença-t-elle d'une voix souriante.
La tristesse de Lucien décolla comme un avion qui narguait le ciel par sa vitesse incroyable.
« Allo Suzanne ? »
« Oui ! Je t'appelais parce qu'on avait arrangé un déjeuner pour demain, mais, comme tu as pu le voir aux infos sûrement, il y a eu des attentats. »
Pour les avoir vu, il les avait vus oui. Lucien attendit, la mine abattue.
« Oui ? »
« Le centre-ville est fermé, je pense que le restaurant n'ouvrira pas avant lundi. »
« Comme c'est malheureux... » fit-il d'une voix blanche.
« Justement ! On ne va pas se laisser abattre ! Que dirais-tu d'aller faire un tour au parc Gérard ? C'est juste à côté de l'usine de parfum, au nord de la ville et il y a des restos mignons dans ce coin-là. »
Lucien ferma les yeux. Au moins, c'était moins coûteux que Le Cheval Blanc et ses deux étoiles au compteur.
« Parfait, tu as bien fait de m'appeler. »
« Pas de soucis ! On se voit demain alors ! »
« C'est ça. »
Elle raccrocha.
Lucien se sentait vidé. L'idée de reprendre contact avec Suzanne l'avait mis dans tous ses états, mais, maintenant qu'il prenait conscience des conséquences, il était déçu. Le souvenir idéalisé qu'il avait d'elle semblait s'effacer à mesure qu'elle s'insinuait dans sa vie. Surtout qu'elle était mariée et lui était resté seul comme un rat. Quoiqu'il préférât être un rat raté, plutôt qu'un rat casé avec une gazelle comme elle. Au moins, il ne se comparait pas. Et sa clandestinité demeurait intacte.
« Allez ! » se dit-il. « Une toile sera vendue comme ça. » Il lança son téléphone vers son lit comme pour clôturer sa réflexion. L'objet rebondit sur le meuble moelleux et s'écrasa sur le sol constellé de feuilles.
« Merde. » commenta Lucien, le bras toujours en l'air. « Je suis un con. »
Il soupira en se baissant pour attraper le téléphone. Celui-ci était allumé. Toujours vivant semblait-il. Une notification s'afficha.
Lucien s'assit sur le lino, dos contre son lit, et regarda l'écran. Le message provenait de l'application où il avait mis à disposition la deuxième chambre de l'appartement. Il datait de plusieurs heures.
En lisant, Lucien fut soulagé. Quelqu'un voulait bien remplacer son ex-colocataire et sans être trop exigeant. L'individu se préoccupait juste de son chat. Tant mieux, il ne ferait pas attention à Lucien.
Il lui répondit par message via l'application. Les problèmes commençaient à se résoudre finalement.
Edith était partie faire son footing du dimanche sans son téléphone. À quoi bon ? C'était pesant à chaque foulée et elle avait besoin d'être légère. Gustave courrait derrière elle comme à l'accoutumée. Il aimait leur rituel sportif.
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Le Souffle de Nos Reflets
Tiểu Thuyết ChungLucien est du genre nerveux. La Police des Reflets Personnels est à ses trousses au moindre faux pas ! Un criminel ? Non. Une anomalie hautement recherchée ? Certainement ! Non loin de là, Edith, employée à la PRP, collectionne les gaffes. Pourtant...