Chapitre 11 : soleil & décision

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          Les événements avaient secoué Edith. Ses jambes fonctionnaient toutes seules pour elle. Sa cadence mécanique lui donnait un air de pantin maladroit. Des policiers l'avaient trouvée toujours derrière le kiosque. Après un contrôle d'identité, ils la relâchèrent : sa carte d'identité indiquait, grâce au tampon du gouvernement, qu'elle travaillait pour la PRP. Elle n'était sûrement pas fichée dans la liste de terroristes recherchés.

Leurs yeux suspicieux la suivirent à mesure qu'elle s'éloignait d'eux.

Quelques rues plus loin, elle commença à croiser des gens qui braillaient à plein poumon leurs réclamations. Leur emploi du temps était suffisamment chargé comme cela ! Et l'attentat bousculait tout ! La chaussée, bouchée par les véhicules coincés les uns derrière les autres, était couverte de leurs cris outragés.

L'un avait oublié son portefeuille dans la foulée, perdant ses papiers par la même occasion. L'autre tenait son marmot désespéré par la main en interrogeant « vous n'auriez pas vu une peluche dinosaure ? »

Edith traversa les rues et les visages, elle ne s'arrêta que dans une supérette du centre-ville pour acheter une bouteille de lait à un prix exorbitant. Elle passa sur le détail, les boutiques du centre étaient toujours chères.

Edith était en état de choc.

Arrivée en bas de son immeuble, elle sortit ses clés d'un geste lent. Gustave se pressait contre leur barrière comme pour lui signifier qu'il était là pour elle si elle le souhaitait. Elle grimpa les marches une à une. La lourde porte de l'immeuble se referma d'un bruit sec. L'horloge au-dessus de son bureau indiquait onze heures.

Elle s'effondra ensuite sur son lit, les pieds encore chaussés et le manteau toujours sur le dos. Le chat blanc vint se blottir contre elle.

Contre toute attente, elle s'endormit d'un sommeil lourd sans rêve.


          Ils remontèrent la file de voitures en jugeant au faciès. Lucien au nez en compote, seul dans sa voiture miteuse, leur parut suspect. Ils s'approchèrent. C'étaient deux hommes robustes. Le jeune homme retint un tremblement. Il fit coulisser la fenêtre. Le froid s'engouffra dans l'habitacle.

« Bonjour, vos papiers s'il vous plaît. »

« Bonjour ! » Il força un sourire presque convaincant en leur tendant son permis de conduire et les papiers de la voiture. Lucien avait appris à jouer son rôle comme un acteur.

« Votre carte d'identité. »

Il fouilla dans son portefeuille et leur donna sans se faire prier.

Les deux hommes jonglèrent entre le visage de Lucien et la photo imprimée sur la carte verte d'identité.

« Qu'est-il arrivé à votre nez ? »

« Je me suis cogné contre un poteau en fuyant l'attentat », répondit Lucien. « Ça fait sacrément mal... »

Les policiers haussèrent un sourcil.

« Et elle date de quand votre photo ? » lança le policier en montrant la carte plastifiée qu'il tenait entre ses gros doigts. « Votre visage est bien rond dessus. »

« De onze ans », répondit Lucien d'un ton neutre.

Les policiers se regardèrent.

« Votre carte périme dans six mois. Vous la ferez refaire dans les semaines qui viennent. Et la photo doit parfaitement correspondre à votre visage actuel. Vous semblez avoir fait du sport ces derniers temps. Votre visage est plus rondelet sur la photo. Mes collègues pourraient ne pas être aussi compréhensifs. Refaites votre carte et faites-vous soigner. Bonne journée », déclara finalement le policier qui lui tendit ses papiers.

Le Souffle de Nos RefletsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant