Chapitre 32 : pardon

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        Assis derrière la table à manger en face de Pascal, Lucien tentait de respirer calmement. Ses nausées s'étaient atténuées pour faire place à une angoisse démesurée : il avait devant lui un phénomène qui risquait de lui attirer encore plus d'ennuis.

Et pour cause, Pascal, un Reflet, était devenu un humain.

Trop oppressé pour rester au lit, Lucien se tortillait avec nervosité sur sa chaise.

Son petit Souffle, Splif, se lovait dans sa nuque sans vouloir daigner s'en aller, comme s'il sentait que le pauvre Lucien avait besoin de soutien. Les autres créatures bleues s'éparpillaient un peu partout dans l'appartement, furetant le moindre recoin en silence.

« Tu n'as aucun souvenir de la mort de Juliette ? » lança Lucien, suspicieux.

« Aucun », commença Pascal. « Je me souviens juste avoir erré longtemps dans la rue, avant de me rappeler que tu étais le seul homme qui était prêt à m'écouter. Je suis allé sur ton lieu de travail et j'ai demandé aux employés où tu habitais. C'est le mec de la boulangerie qui m'a donné ton adresse. »

Lucien acquiesça sans réussir à trouver une explication logique. La mort de Juliette avait définitivement un lien avec l'état de Pascal. Que lui était donc arrivé ?

« Et tu n'as pas de Reflet ? » relança Lucien en croisant son regard émeraude.

« Non, je suis tout seul », certifia Pascal en soupirant.

Et s'il était devenu un Fax, comme moi ?

Lucien tapota sur la table avec son index en laissant planer un « tac, tac, tac » incessant. Splif, le petit Souffle accroché à son cou, parut cogiter dans son coin. On aurait même pu croire qu'il copiait Lucien dans ses moindres faits et gestes.

Le Fax détailla Pascal des yeux sans toutefois réaliser complètement l'étendue du phénomène.

Il était le genre de garçon béni par la nature : tout chez lui respirait la santé et la perfection. Ses boucles blondes tombaient gracieusement sur son front halé et lui donnaient un air de surfeur. Il était beau.

Et il n'aurait pas dû être là. Il aurait dû mourir avec Juliette. Il était une anomalie.

Soudain résolu, Lucien s'immobilisa en prenant délicatement dans ses mains le Souffle accroché à son cou.

« Toi, tu restes là », fit-il à Splif qui parut déçu. « Et toi, Pascal, il faut que je te montre quelque chose. »

Docile, l'ancien Reflet le suivit dans sa chambre.

« Faut vraiment que tu fasses quelque chose... ça empeste, ici », se plaignit-il en se bouchant le nez.

Lucien s'accroupit difficilement à côté de son lit taché de vomi et ordonna à son acolyte de faire de même malgré ses protestations.

Le Fax frissonna comme lorsqu'il s'apprêtait à consommer du Gardard. Affolé par l'attente, son cœur tambourinait déjà dans sa poitrine. Sa nature de Fax prenait le dessus : il avait besoin de cette particule comme une drogue. Il tendit sa main tremblante sous son lit et attrapa la poignée invisible de sa trappe secrète.

Guettant la moindre réaction venant de la part de Pascal, Lucien le scruta alors qu'il ouvrait la trappe d'un seul coup, libérant du Gardard dans l'air.

Un filet noirâtre sortit timidement de l'ouverture et entoura les deux hommes.

Pascal fronçait ses sourcils blonds, complètement happé par l'énergie qui se dégageait dans la pièce.

Le Souffle de Nos RefletsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant