Chapitre 27 : chasse & inspecteur

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          Le soleil commençait à peine à se lever alors que Lucien marchait dans les rues sèches de la ville. Un bocal en main, il arpentait les trottoirs en scrutant les alentours. Les passants qui le regardaient d'un œil suspect étaient ceux qui ne connaissaient pas, ou très peu, l'art des Souffles. Les admirateurs inconditionnels de cette pratique quant à eux, l'épiaient discrètement avec curiosité.

La chasse aux Souffles n'était jamais évidente, car ces petites bêtes prenaient un malin plaisir à se cacher. Lucien avait toutefois l'œil. Une fois qu'il en trouvait un, il pouvait remonter le filet et parfois en attraper tout un troupeau.

Il distingua soudain derrière une poubelle jaune une lueur bleue.

« Ah ! Je te tiens ! » pensa-t-il en s'approchant comme un prédateur sur sa malheureuse proie.

Il brandit son bocal, bondit derrière la poubelle et attrapa un Souffle plutôt mou qui n'eut pas le temps de réagir. Lucien referma aussitôt le récipient et le positionna devant son nez.

« Dis donc, tu es tout faible, toi. »

La minuscule bête poilue le regardait avec un air de chien battu.

« Ne t'inquiète pas. Avec moi, tu auras gloire et respect ! »

Le Souffle ne paraissait pas très enthousiaste mais accepta son destin qu'il ne contrôlait déjà plus.

« Je vais prendre soin de toi, mon p'tit gars. » murmura l'artiste.

Lucien le couva un moment des yeux avant de se remettre en chasse. Les Souffles étaient tout à fait inoffensifs et le jeune homme ne voulait pas les torturer sous prétexte qu'il travaillait avec eux.

Leur utilité était encore méconnue de tous : ils étaient produits par les reflets et erraient dans la nature jusqu'à s'éteindre au bout d'un certain temps. Quelques artistes novateurs les avaient pris sous leurs ailes afin d'exploiter leur brillance si particulière, et depuis, ils avaient constitué une sous-branche de l'art moderne plutôt appréciée du public.

Les Souffles quant à eux, y trouvaient leur part du marché en étant admirés du public pendant un moment. Flattés et contemplés, ils se gonflaient d'orgueil et brillaient davantage avec fierté. Les scientifiques avaient d'ailleurs remarqué que leur durée de vie s'allongeait en fonction de leur dose d'attention reçue.

Malgré tout, ils finissaient toujours par s'éteindre. Leurs effets n'étaient jamais éternels. C'était peut-être pour cela qu'ils attisaient l'admiration. Ils étaient l'image même de l'existence humaine : ils avaient une heure pour vivre et une heure pour mourir.

Lucien débusqua bientôt un autre Souffle cette fois-ci bien plus vivace, derrière un lampadaire encore allumé. La rue était déserte. L'artiste choisit alors la stratégie du chantage et s'accroupit.

« Hé, petit, si tu viens avec moi... »

Le Souffle n'attendit pas plus longtemps pour décamper et le regarder trois mètres plus loin d'un œil mauvais.

« Bon. D'accord. Comme tu voudras. » soupira Lucien en tendant son bocal vers le Souffle sauvage.

« Regarde ton pote, il est bien là. »

Le Souffle à l'intérieur était déjà plus actif. L'attention qu'il avait reçue de Lucien payait ses fruits.

« Si tu viens avec moi, tu seras admiré comme une star. Je pourrais même te donner un nom de scène. »

La bête sauvage semblait hésiter. Finalement, elle s'approcha lentement et se posta devant le visage de Lucien, en flottant dans l'air.

« Ah, je vois que monsieur cherche l'admiration ! »

Le Souffle de Nos RefletsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant