Ok, ok, calme-toi. Tout va bien se passer. S'il voulait me dénoncer à la police, il l'aurait déjà fait depuis le déjeuner avec Suzanne...
Lucien jeta un œil dans ses rétroviseurs où ruisselait la pluie. Réussir à contrôler son angoisse devenait de plus en plus difficile. Le tableau de bord indiquait treize heures cinquante-cinq. Il coupa le moteur. Le ronron réconfortant de la voiture cessa immédiatement, plongeant Lucien dans un silence qui le rongeait de l'intérieur.
Rien n'y faisait, il était terrorisé. Il aurait préféré manger tranquillement dans sa voiture plutôt que d'affronter l'époux de celle qui lui avait brisé le cœur autour d'un déjeuner.
« Allez, j'y vais. Un peu de courage ! » déclara-t-il soudain en tapant sur le volant d'un bruit étouffé.
Sa portière claqua bientôt. Il ferma sa voiture. Là, sur le trottoir, collé à sa voiture, il aurait pu passer pour quelqu'un qui attendait quelque chose. Un ami peut-être ? Si seulement...
« Il doit sûrement être déjà installé, il est du genre à être à l'avance. » pensa-t-il en se frottant le front. « Bon. Je n'ai pas le choix de toute manière. »
Fuir, il y avait pensé. Mais à quoi bon ? Le mari de Suzanne le dénoncerait à la police et Pascal se ferait un plaisir de respecter sa menace. Il était fait comme un rat.
En face de Lucien, encastré entre une librairie et un opticien, le restaurant se dressait fièrement en arborant sur son insigne trois fausses bouteilles de vins. Le pauvre jeune homme s'approcha lentement, comme pour retarder sa venue fracassante. Son œil méfiant fixait la devanture derrière laquelle des clients mangeaient sans faire attention à lui.
La porte d'entrée une fois poussée, il fut assailli par un brouhaha terrible. Il entendit à peine la clochette au-dessus de sa tête qui annonçait son entrée. L'odeur brûlante de grillade lui donna des nausées.
Les tables étaient si nombreuses qu'elles se touchaient presque. Voilà que vous manquiez de pain, pas de panique ! Piquer dans la corbeille de la table voisine était diablement plus rapide qu'appeler le serveur ! L'anarchie la plus totale agitait les clients les uns contre les autres. Lucien n'aurait pas été surpris si une bagarre avait éclaté sous son nez.
Il avança, peu sûr de lui, entre les tables en ne sachant pas où trouver le féroce mari de Suzanne. Soudain, un serveur lui sauta dessus, armé de sa phrase toute faite :
« Bonjour, avez-vous réservé ? »
« Euh... » hésita Lucien en clignant idiotement des paupières.
« Quel est votre nom ? Je vais vérifier. » insista-t-il en sortant une tablette de son tablier.
« En fait, je crois que... » répondit le jeune homme avant d'être coupé par une voix qui couvrit le bruit de la salle :
« Lucien ! Quelle ponctualité ! »
N'osant pas se retourner, ce dernier se figea comme si une fois immobile, il serait invisible. Peine perdue.
« Ah, il est avec vous monsieur ? » comprit le serveur en rangeant aussitôt sa tablette de là d'où il l'avait sorti quelques secondes auparavant.
« Tout à fait. »
Le serveur acquiesça en se parant de son meilleur sourire avant de s'éclipser.
Lucien se décomposa en faisant finalement face au mari de Suzanne. Il n'avait pas changé celui-là. La même petite moue faussement sympathique étirait ses traits parfaitement symétriques. Sa beauté en devenait presque effrayante. Lucien n'était plus jaloux de lui. Peut-être qu'il n'était pas l'élu de Suzanne, mais il préférait plutôt être seul qu'être avec Suzanne et avec cette tête-là, si tant est qu'il puisse un jour ressembler au monsieur parfait que représentait l'avocat.
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Le Souffle de Nos Reflets
General FictionLucien est du genre nerveux. La Police des Reflets Personnels est à ses trousses au moindre faux pas ! Un criminel ? Non. Une anomalie hautement recherchée ? Certainement ! Non loin de là, Edith, employée à la PRP, collectionne les gaffes. Pourtant...