Deux ans plus tôt...
Edith regardait avec des yeux las son badge de la PRP tout neuf où figurait son nom. Personne ne semblait faire attention à elle. Elle se sentait seule au milieu de la foule d'employés. Heureusement qu'elle avait pris sa pilule pour ne pas entendre les Reflets de tout le monde : elle n'aurait pas supporté son anomalie une journée de plus.
Les tests d'aptitudes pour rentrer dans la police de terrain avaient été difficiles.
Edith pesait quatre-vingt-huit kilos.
Edith faisait très peu de sport.
Les entraîneurs ne s'étaient pas gênés pour lui faire remarquer sèchement.
Edith ne pleurait jamais, mais ce jour-là fut celui de trop. Elle serra son poing à s'en faire blanchir les phalanges rien qu'en se remémorant cet épisode récent de sa vie.
« Hé ! Salut », s'exclama soudain une voix qui la sortit de ses pensées.
Edith leva les yeux vers l'inconnue aux longs cheveux noirs qui lui souriait de ses lèvres rouges.
« Sa-salut ? » bégaya la jeune Eban en serrant dans ses mains son badge.
Elle allait se moquer d'elle, c'est ça ? Son tailleur la boudinait, ses petits talons l'incommodaient, même le mascara qu'elle s'était obligée à mettre pour se faire belle lui collait maintenant à la peau. Edith ne s'aimait pas.
« Moi, c'est Lucie Colinga. »
« Edith Boran », répondit-elle prudemment.
« On m'a dit que tu étais la nouvelle. Viens, je te fais visiter ! » continua Lucie en l'invitant à avancer vers leurs bureaux.
Edith papillonna des yeux en se mordant la lèvre.
Elle voulait vraiment lui faire visiter ? Non, ce n'est pas possible. Elle lui préparait un mauvais coup. La gentillesse n'était jamais gratuite.
« Oh, c'est très sympa de ta part... Mais... je dois régler quelque chose à l'accueil. »
« Comme tu voudras ! Si tu as besoin, je suis au bureau 435 », sourit aussitôt Lucie avec un geste de la main. « Le tiens est le 434 ».
Edith la regarda tourner les talons en se tortillant les doigts.
« Elle a l'air sympa, essaye de lui donner une chance ? » tenta la voix rassurante de son Reflet qui ne la quittait jamais.
Elle soupira en lissant le pli de sa chemise trop serrée. Edith allait changer de vie. Elle ne pouvait plus supporter tout ça.
Lucie était celle qui lui avait ouvert les yeux.
Edith osa sourire timidement.
« Allez, tu peux le faire ! » renchérit Gustave.
« Je peux », murmura-t-elle en avançant d'un pas maladroit vers son nouveau travail.
* * *
Lucie posa furieusement le couteau sur la table basse en jurant de tous les noms. Henri haussa un sourcil dans sa direction.
« Toi », commença-t-elle en pointant un doigt inquisiteur vers Edith. « Ne bouge pas. »
Cette dernière ne broncha pas, et obéit en espérant décamper à la moindre occasion. Lucie lissa sa chemise de la paume de ses mains et ouvrit finalement la porte.
« Georges, mon poussin », fit-elle, la voix surprise en prenant un gamin dans ses bras. « Qu'est-ce que tu as au bras ? »
L'enfant se laissa faire et enfouit sa tête dans la chevelure de Lucie. Georges était sa copie conforme. C'était bien son fils : il n'y avait pas de doute. Edith peinait encore à réaliser que sa collègue était maman. C'était le genre de détail difficilement oublié lors d'une conversation autour d'un café.
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Le Souffle de Nos Reflets
Ficción GeneralLucien est du genre nerveux. La Police des Reflets Personnels est à ses trousses au moindre faux pas ! Un criminel ? Non. Une anomalie hautement recherchée ? Certainement ! Non loin de là, Edith, employée à la PRP, collectionne les gaffes. Pourtant...