L'obscurité est prenante. Elle s'insinue partout et, pendant un moment, je me demande si elle ne m'a pas engloutit complètement. J'ai l'impression de flotter dans un océan de noirceur qui n'en finit pas. Jusqu'à ce que les sensations reviennent petit à petit.
D'abord la douleur. Celle qui me prend à la poitrine lorsque j'essaie de respirer, qui s'insinue dans ma gorge comme des piques acérées. Puis, à mes poumons, qui me brûlent à chaque fois qu'une inspiration me prend. Puis mon bras, qui me fait mal plus que tout. Et enfin, la migraine lancinante qui tire dans mes yeux et dans mon cerveau, comme si mon crâne était dans un étau qui se resserrait un peu plus à chaque seconde.
Puis la lumière. Celle des écrans, qui passent la rediffusion d'un vieux film en noir et blanc. Les loupiotes vertes qui indiquent que mon cœur est toujours actif. Le faisceau blanc qui passe sous une porte, seul indice que le lieu où je suis est actif.
Et enfin, la panique. Je suis relié à des machines, la douleur dans ma gorge est due aux câbles qui m'obligent à respirer. Je m'agite, apeuré par l'obscurité et par la solitude. Jusqu'à ce qu'une main se pose, chaleureuse sur mon avant-bras. Un cri, "il est réveillé".
Une lumière rouge s'allume, et enfin, la lumière du plafonnier chasse définitivement l'obscurité en m'éblouissant. Le bourdonnement de l'activité qui envahit mon espace me donne encore plus mal à la tête et je manque de tourner de l'œil. On retire l'appareil qui m'aidait à respirer parce que je sais le faire par moi-même, on me donne de l'eau, on me redresse doucement. Une infirmière passe prendre des informations. On me pose des questions auxquelles je n'ai pas de réponse, auxquelles je n'arrive même pas à penser.
- J'ai... mal, articulai-je avec difficulté, coupant court aux paroles des personnes qui m'entourent.
La pitié qui émane de l'infirmière me donne envie de hurler.
- Vous avez une pompe à morphine, juste ici. Elle vous permettra de ne plus avoir mal, de dormir. Vous avez de la chance Monsieur Tucker, vous vous en sortez bien.
J'appuie sur le bouton et, bien rapidement, le produit s'insinue dans mes veines et m'emporte à nouveau vers l'obscurité, brouillant alors le discours qui quitte les lèvres bienpensante de cette femme.
Je reviens à moi plusieurs heures plus tard, groggy. J'observe la pièce silencieuse. La lumière est de nouveau éteinte, pour mon plus grand plaisir. Seuls les écrans médicaux cassent l'obscurité. Mon mouvement a dû attirer l'attention parce qu'un visage apparaît. Un visage familier m'observe, assis dans le fauteuil à ma gauche. Il se redresse, approche de moi. Et pourtant, malgré le fait que je le connaisse, quelque chose me serrait le ventre. Quelque chose que je ne sais pas expliquer, comme un pressentiment.
- Bree ? Tu es réveillé ? Souffla mon agent d'une voix doucereuse.
- Oui, articulai-je difficilement avant d'être pris par une quinte de toux.
- Tiens, bois un peu.
Il me présente un gobelet dans lequel trône une paille. Je bois quelques gorgées qui apaisent ma gorge endolorie, je tousse encore un peu mais ma voix se fait moins éraillée.
- Comment te sens-tu ?
- Mal. Partout.
- C'est normal vu ce que tu as vécu. Repose toi, je vais prévenir ta famille que tu vas bien. On reviendra demain. C'est un soulagement que tu sois en vie, Bree.
J'hochais la tête, grimaçant à cause des pulsions douloureuses qui résonnaient dans mon crâne. Aldo posa une main sur mon genou avant de quitter la pièce. Je cherchais à réfléchir à ce qu'il s'était passé, à pourquoi j'étais ici. Mais je n'arrivais pas à réfléchir, alors je m'endormis à nouveau, laissant se finir la nuit.
Lorsque j'ouvris les yeux le lendemain matin, la luminosité aurait pu me faire croire à une fin de journée. L'hiver à Phoenix est très humide et pluvieux. Et aujourd'hui, le ciel pleure. Je ne sais pas pourquoi, si j'avais eu un peu plus d'ego j'aurais pu dire qu'il pleurait de ne pas m'avoir ravi à la Terre, mais je savais que ça n'était pas le cas. Les douleurs dans mon corps étaient encore bien présentes un peu partout, mais c'était moins violent que la veille. Je pu me redresser, sous les yeux de ma famille. Ma mère pleura en serrant la main de mon père qui, lui, semblait soulagé. Comme si on venait de lui ôter un poids des épaules. Coleman m'observait d'un air grave et Bailey sourit, rassurée. Dans le fond de la pièce, Madeline souriait tristement et Aldo était à la même place que cette nuit, assis sur le fauteuil proche de moi. Il manquait quelqu'un, je savais qu'il manquait quelqu'un. Mais je n'eus pas le temps de parler que Carlee grimpa sur mon lit et passa délicatement ses petits bras autour de mon cou. Je serrais ma nièce de ma seule main valide alors qu'elle m'enguirlandait d'avoir fait peur à tout le monde comme seules peuvent le faire les enfants de cinq ans.
Ma mère m'embrassa et récupéra sa petite-fille dans ses bras, elle m'annonça qu'elle allait rentrer avec mon père, qu'elle reviendrait plus tard mais qu'elle était heureuse que je sois réveillé. Ce fut Coleman qui commença les hostilités, avec cet air bourru qu'il arborait constamment. Je connaissais Cole depuis toujours, alors je savais qu'il n'était pas aussi méchant qu'il le prétendait. C'était un homme foncièrement bon, mais qui le cachait bien.
- De quoi te souviens-tu, Bree ? Demanda-t-il sans vraiment prendre de gants.
- Cole ! Soupirèrent en même temps Bailey et Maddie.
- Pas grand chose... Avouai-je en fronçant les sourcils. Tout est très flou et, je crois que la dernière chose dont je me souviens c'est d'avoir fini le tournage d'une pub pour... Un parfum ?
- Horizon, lâcha Aldo. C'était il y a deux semaines.
- Deux semaines ? M'exclamai-je, effrayé.
J'avais perdu deux semaines de mes souvenirs ? Mon cœur s'emballa et je serrais les poings sur les draps. Je n'avais aucune idée de ce qui s'était passé depuis, je me revoyais quitter le plateau de tournage et monter au volant de ma voiture pour rentrer.
- C'est en rentrant que j'ai eu un accident ?
- Non, tu es à Phoenix.
- Comment j'ai atterri ici ? Questionnai-je en levant les yeux vers Aldo, un peu perdu. Tu as prévenu Kieran ? Continuai-je. Depuis combien de temps suis-je ici ? Il doit être mort d'inquiétude !
- Bree, ça fait une semaine que tu as eu ton accident, m'annonça Madeline en avançant dans la pièce.
- Tu ne te souviens de rien, souffla Aldo, comme s'il venait de se rendre compte de ce qu'il se passait.
- Non. Ce serait bien d'éclairer ma lanterne !
Un silence envahit la pièce alors que mes proches échangeaient des regards. Parfois entendus, parfois inquiets. Après quelques secondes, Aldo prit ma main valide et la serra entre ses doigts.
- Je vais te raconter ce qu'il s'est passé, ça risque de ne pas beaucoup te plaire.
- Tu me fais peur.
- Nous avons tourné la publicité pour Horizon, et nous avons eu une discussion tous les deux, sur la direction que devrait prendre ta carrière. Quand tu es parti après ça, tu as fait venir Kieran à Los Angeles. Je ne suis pas dans vos échanges donc je ne saurais pas te dire ce que vous vous êtes dit ou ce que vous aviez prévu, mais quand il est arrivé à LAX, tu es allé le chercher. Sauf que des paparazzis vous attendaient sur place.
- Comment ont-ils su ?
- C'est la question qu'on s'est tous posée. Après une enquête, j'ai pu déterminer que c'était Kieran qui avait lâché le morceau.
- Impossible !
- Tu sais comment sont les gens, Bree. Ils utilisent les autres jusqu'au bout pour leur propre intérêt. Tu ne voulais pas y croire ce jour-là non plus alors tu as confronté Kieran. Vous avez eu une grosse dispute quand c'est arrivé. On est venu pour gérer la situation mais tu avais déjà chasser Kieran de ta vie, on a décidé qu'il était plus simple que tu viennes à Phoenix le temps que ça se calme.
- Je n'y crois pas.
- Je n'invente rien.
- Comment aurait-il pu... Soufflai-je, estomaqué.
Ca ne ressemblait en rien à l'image que j'avais de mon petit-ami. Ex-petit-ami, si j'en croyais ce qu'Aldo me disait. Kieran était effrayé par l'idée de faire le buzz, pourquoi aurait-il balancé une information comme celle-ci à la presse ? Ou alors m'avait-il berné plus que je ne le pensais ? Mon cœur se serra à cette pensée. J'avais besoin de réfléchir à tout ça, de voir si j'avais loupé des signes, des intentions de cet homme que j'aimais et qui m'avait berné. J'avais vraiment du mal à croire Aldo, mais je ne voyais aucune raison qui le pousserait à me mentir sur un sujet aussi important.
- Je sais que j'aurais peut-être dû attendre un peu avant de t'en parler, mais je ne veux pas que tu espères le voir arriver. Il a repris un avion pour Londres avant même que tu n'arrives à Phoenix. Il a eu ce qu'il voulait.
Je m'affale contre le matelas, abasourdis. La colère irradiait mais je ne savais pas si j'étais plus en colère contre lui ou contre moi. Je vis Madeline sortir de la pièce, suivie quelques minutes plus tard par Bailey.
- Oublie ce sale petit morpion, Bree. On va s'occuper de toi ici, te remettre sur pied. Et tu iras mieux en vitesse, promet Coleman.
- Merci. J'aimerais me reposer, maintenant.
- Je crois que la police à quelques questions à te poser sur l'accident, tu pourras le faire ensuite.
Je hochai la tête, pourtant peu enclin à me laisser interroger. Mais je savais que tout ça était nécessaire. Aldo fit entrer deux agents en civil qui le remercièrent. Ils approchèrent de mon lit et, alors que je luttais contre la douleur qui vrillait mon crâne, ils commencèrent à me faire un rapport sur l'enquête. Ils parlaient de preuves, de témoins, de vidéos surveillances. Et je ne suivais plus.
- Je ne comprends pas, je n'ai pas eu un accident de voiture ?
- Si, mais nous ne sommes pas sûrs que l'accident n'ait pas été provoqué volontairement.
- Comment ça ?
- La femme qui a appelé les secours assure qu'une voiture a fuit les lieux comme si elle avait le diable aux fesses. Et puis, les traces de pneus au sol attestent du fait que vous avez pilé avant de partir sur le côté. Est-ce que vous avez une idée de la personne qui aurait pu vouloir vous tuer ?
Vouloir me tuer ? La phrase résonne comme une sentence. Pourquoi voudrait-on me tuer ? Je n'ai jamais fais de mal à personne, je suis acteur populaire, je ne suis au cœur d'aucune polémique, je n'ai jamais fais de mal à personne. Je ne comprends pas pourquoi on voudrait ma mort.
- Non, personne !
- Bree, tu penses que Kieran aurait pu... Souffla Aldo, sur le ton de la confidence.
- Non ! M'écriai-je. Je ne me souviens pas de notre dispute ou de notre séparation mais je refuse de croire qu'il ait voulu me tuer.
- Kieran comment, Monsieur ?
- Non !
- Parker, répondit Aldo.
- Aldo, grondai-je, furieux qu'il m'ignore.
- On va regarder ça. Est-ce que vous vous souvenez de quelque chose ? La moindre information pourrait être utile.
- Non, j-je n'ai pas de souvenir des derniers jours.
- Ca n'est pas étonnant, vous avez reçu un sacré coup sur la tête.
- Je vous laisse notre carte, compléta son collègue. N'hésitez pas à nous appeler si vous avez la moindre idée ou le moindre souvenir qui vous revient.
- Pas de souci, soufflai-je, à bout de force.
- Merci Messieurs, appelez nous si vous avez du nouveau.
Aldo les raccompagna à la sortie et je me tourne vers Coleman, qui était resté silencieux dans un coin de la pièce.
- Veille à ce qu'ils n'embêtent pas Kieran. Je ne me souviens pas et si c'est lui qui a tout balancé, c'est un foutu connard, mais il ne me tuerait pas.
- Je ne te promets rien, me répondit-il avant de quitter la pièce.
Je me laissais retomber sur le matelas, exténué. Je ne comprends pas comment j'en suis arrivé là. Les choses commençaient à aller mieux dans ma vie, petit à petit, pourquoi ne pouvait-on pas me laisser vivre en paix. J'effaçais rageusement une larme qui roulait le long de ma joue et appuyait sur la pompe à morphine qui me fit m'endormir dans les minutes suivantes.
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LoveCon - T1 - Kieran [Premier Jet]
RomantikKieran Parker travaille en tant que chargé de projet événementiel dans une convention londonienne spécialisée dans la pop-culture. Il adore son métier et ferait n'importe quoi pour gravir les échelons, ce que son boss a très bien compris. C'est ains...