Chapitre 33 - Kieran.

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Je me dis que les discussions sérieuses pourront attendre, nous avons tout notre temps pour discuter. Alors j'attrape le chariot qu'il a apporté et l'approche du lit pour voir ce qu'il a choisi. Je suis ravi qu'il ait pris la peine de commander à manger avant, j'espère que ça veut dire qu'il mange mieux. J'espère que notre discussion sur les crises d'hyperphagie l'amènera à me parler de ses propres problèmes avec la nourriture, parce que ça m'inquiète. Je découvre des salades, des plats très peu caloriques et je déplore le manque de frites. Mais ça ne peut pas me faire de mal, je prends une assiette et je la place entre nous pour qu'on puisse picorer dedans l'un comme l'autre. Le reste de la soirée se passe plus calmement, on finit de dîner, on se réinstalle pour reprendre le film qu'on a abandonné la veille, on l'abandonne de nouveau en refaisant l'amour comme si on avait besoin de marquer nos vies dans cet instant précis.

La journée du lendemain ressemble trait pour trait à celle qu'on venait de passer. Nous nous sommes forcés à quitter la chambre pour profiter de la convention chacun de notre côté. Je n'ai pas été très concentré ce jour-là. Raconter mon histoire avec Donovan m'a remué plus que je ne l'aurais pensé et je m'en veux encore. Je m'en veux de m'être laissé berner et d'avoir plongé dans une relation toxique alors que je savais que c'était une possibilité pour moi. Je l'ai toujours su.

Le soir, nous nous sommes à nouveau retrouvés pour manger, j'ai demandé des choses plus réconfortantes et il s'est contenté d'une soupe. Je n'ai pas insisté et nous sommes restés encore des heures à parler de tout et rien, nous avons évité les sujets de conversation trop lourds et nous sommes restés sur les sujets bien plus agréables. Nos jambes entremêlées après avoir exploré une nouvelle fois nos corps. J'ai dû calmer Bree lorsqu'il est tombé sur le tatouage d'un burger que j'ai dans le bas du dos, c'est tout petit et j'oublie même que je l'ai. J'ai accepté que Donovan s'exerce sur moi une fois pour se perfectionner. Il me harcelait depuis des semaines pour que je le laisse faire. Il m'a eu à l'usure en me disant qu'il allait me tatouer quelque chose de symbolique, qui lui faisait tout de suite penser à moi. C'était à la fin de notre relation et c'est Cat qui m'a dit ce que c'était. J'en ai vomis tellement ça m'a dégoûté de moi-même. Aujourd'hui j'ai appris à vivre avec et il fait partie de moi. Je le recouvrerai un jour, mais pour l'instant ça n'est pas ma priorité. Par contre, je sens que Bree est trop impliqué dans tout ça et ça m'ennuie. Je n'ai pas envie qu'il se fasse du mouron pour quelque chose qui n'a plus vraiment lieu d'être. Donovan ne fait plus partie de ma vie, et n'en fera jamais plus partie.

On repousse le plus possible le moment de s'endormir. Notre avion est aux alentours de 13h le lendemain matin. Lui repart pour Los Angeles et moi, pour Londres. On s'envoie des SMS alors que nous sommes assis l'un à côté de l'autre dans la chambre, pour que la conversation soit déjà ouverte et qu'on ne laisse plus la technologie nous séparer. Plus jamais. Je lui promets de le relancer jusqu'à ce qu'il me réponde, quitte à passer par Instagram ou tous les autres réseaux que je peux avoir pour l'atteindre. Et il me promet de se poser dans ma ville au bout de deux semaines si je cesse à nouveau de lui répondre.

On ne peut pas se suivre à l'aéroport. C'est trop risqué. Alors on se dit adieu dans la chambre d'hôtel, quelques heures plus tôt. Même si cette fois les choses sont sur la bonne voie, les relations à distance m'ont toujours fait encore plus peur qu'une relation toxique. Parce que je pourrais mettre ma vie en pause pour cet homme, et qu'il pourrait vivre sans se soucier de moi. Mais j'ai décidé de lui faire confiance. Il me murmure à l'oreille à quel point je suis beau et que l'orgasme que je lui ai donné quelques heures plus tôt était renversant, et je lui donne un petit coup de poing dans l'épaule. Comment est-il passé de l'acteur aigri et désagréable à cet homme parfait en tout point ? Je n'ai pas la réponse quand il quitte ma chambre, et je monte finalement dans cet avion bon gré mal gré.

Oakley essaie de me changer les idées, on prend un café, on achète des livres, on parle du travail. Mais il est le seul pour l'instant à savoir ce qu'il s'est passé dans cette ville. Je le supplie de n'en parler à personne une dernière fois et il m'assure que ça ne l'intéresse pas de répandre des rumeurs.

Les premiers jours ne sont pas encore douloureux, parce que j'ai l'impression qu'il va arriver à tout moment me dire qu'il s'installe ici. Et puis, la réalité reprend le dessus, comme si on m'avait sorti d'un rêve. Je suis triste, alors je lui parle. On discute, des heures entières. J'ai quelques jours pour rattraper mon voyage et je reste constamment dans le fond de mon lit. C'est Cat qui, au bout de deux jours, s'impose dans mon espace. Elle m'observe et finit par ouvrir les rideaux, la fenêtre et me pousse hors de mon lit pour que je prenne une douche. Je m'exécute et je souris un peu, il va falloir qu'on ait une discussion elle et moi. Une grosse discussion. Et je sais déjà qu'elle ne sera pas très contente de tout ça. Alors quand je sors de la salle de bain, elle est installée sur mon lit, feuilletant une de mes BD.

— Bon. Et si tu me racontais ton séjour à Chicago ?
— J'ai vu Bree, lâchai-je comme une bombe au milieu de la pièce.
— Sérieux ?
— Il était invité. On s'est croisés.
— Oh mon Dieu Kieran est-ce que ça va ?
— Je suis triste, c'est tout.
— Encore ? Je vais lui botter le cul.
— Triste de l'avoir quitté.
— Quoi ?

Je traverse les quelques mètres qui me séparent d'elle et m'allonge sur le matelas. J'entrepris de lui raconter nos retrouvailles, nos discussions, notre début d'histoire. Elle m'écouta religieusement, sans m'interrompre. J'essaie de sonder son visage pour déterminer ce qu'elle en pense, bien qu'elle soit devenue maîtresse dans l'art de dissimuler ses émotions. Elle finit par sourire légèrement et mon cœur s'allège.

— Je suis contente pour toi, finit-elle par me confier.
— Sérieusement ?
— Tu en doutais ?
— Vu notre passif, je n'étais sûre que tu sois sa plus grande fan.
— Je serais méfiante, toujours. Parce que tu as un cœur trop grand et trop doux. Je n'ai pas envie que quelqu'un en abuse encore.
— J'ai envie de croire qu'il n'est pas comme Don, confiai-je avec une incertitude dans la voix.
— Il ne l'est pas.
— Comment peux-tu le savoir, tu n'as échangé avec lui que dix minutes en tout et pour tout.
— Je ne suis pas mauvaise à cerner les gens, tu sais bien.
— Tu n'avais pas bien cerné Don.
— Et je m'en veux chaque jour depuis, m'annonça-t-elle le visage fermé. Bree est différent.
— Vraiment ?
— Il m'a acheté un livre.
— Je ne vois pas bien ce que ça dit de lui.
— Déjà qu'il fait l'effort de lire, et je pense que c'est parce que tu aimes ça. Ensuite, il ne m'a pas demandé de le lui donner gratuitement contre une pub ou quoi que ce soit. Il l'a acheté. Tout comme le Tea Time que vous avez pris. Je pense que ça montre qu'il a les pieds sur terre, et je trouve ça très bien.

Je l'observais longuement, surpris. Parce qu'elle a remarqué des choses qui ne m'avaient même pas traversé l'esprit avant ça. Bree m'a pourtant dit qu'il ne lisait rien d'autres que ses scripts, qu'il ne trouvait pas le temps de lire et de se détendre suffisamment pour s'y plonger. Et quand on a partagé ce pique-nique, il a lu un peu près de moi avant d'aller se dégourdir les jambes, mais il a lu.

— Je suis contente que vous vous soyez retrouvés, lance-t-elle en brisant le silence.
— Je comprends pas comment mon message s'est perdu.
— Personne n'aurait pu l'effacer ?
— Aucune idée. Il était dans l'avion donc je pense que non, sauf si c'est son manager.
— Tu m'as dit que tu n'avais pas confiance en lui.
— Pas vraiment mais je n'ai pas de preuve de rien.
— Suis ton instinct. Ton message a disparu alors qu'il était le seul à pouvoir accéder au téléphone de Bree pendant un moment d'inattention ? Le hasard n'existe pas.
— Ouais, j'en sais rien. On verra, expédiai-je pour fuir le sujet.
— Et pourquoi tu es déprimé alors, s'il répond à tes messages ?
— Parce qu'il est à huit milles sept-cent-cinquante kilomètres.
— Tu es niais, rit-elle en m'arrachant un sourire.

Je souris doucement, sentant mes joues s'empourprer. Je dissimule mon visage dans mon oreiller et je me mords les lèvres. J'ai l'impression d'être un idiot mais j'aime bien ça. Je me sens bien.

— Tu l'aimes ? Demande-t-elle, me faisant sursauter.
— Ola, t'es rapide toi.
— Rapide ? Kieran. Ca fait des mois.
— On a passé trois jours ensemble.
— Ne fais pas celui qui n'a pas compris s'il te plaît. Je t'aime mais tu es un sombre idiot si tu penses que les sentiments que tu as pour Bree ne sont pas nés dès qu'il est monté dans cet avion après t'avoir embrassé. Voir même un peu avant.
— On se connaissait à peine.
— Voile toi la face si tu veux, je vais faire à manger. Tu veux quoi ?
— J'ai pas très faim.

Elle se fige sur le pas de la porte et se tourne vers moi, les sourcils froncés. Je frissonne sous son regard. Cat aurait été une mère exceptionnelle si elle avait voulu des enfants, elle a cet instinct maternel de protection et de préservation des autres. Et parfois je me demande si elle ne se contente pas de moi pour remplir la fonction du sale gosse qui lui en fait voir de toutes les couleurs.

— D'accord, d'accord. N'importe quoi ça ira.
— Très bien.

Je la rejoins un peu plus tard pour prendre le temps de manger avec elle, je suis content qu'elle m'ait forcé parce que ça me fait du bien.

LoveCon - T1 - Kieran [Premier Jet] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant