Chapitre 54 - Aubrey.

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— Ne fais pas l'enfant, Bree.
— J'ai dis : ça suffit, appuyai-je d'une voix rendue tremblante par l'agacement.

Kieran me regarde alors que les deux types de la sécurité le tiennent fermement. Quelque chose ne colle pas. Il y a une ombre dans son regard, ses yeux sont cernés et gonflés, et il se débat pour qu'on le relâche.

— Laissez-le.

Les deux vigiles sondent Aldo et s'exécutent. Il ne bouge pas, remerciant le geste du bout des lèvres. J'ai l'impression que Coleman va imploser et il ne tarde pas à le faire. Et moi aussi, dans le fond. Je ne supporte pas qu'on m'infantilise et c'est clairement ce que tout le monde fait depuis que je suis coincé dans ce lit.

— On peut savoir ce qui t'arrive ? Tu te souviens pas de ce qu'il a fait ? Sa voix est à la fois pleine d'incompréhension et de colère.
— Non, justement, non.

Un silence tombe sur la pièce, les yeux de Kieran s'écarquillent et il se tourne vers Aldo.

— Qu'est-ce que vous avez fait ? siffla-t-il.

Aldo l'ignora et approcha de moi, l'air particulièrement ennuyé. Je commence à me poser des questions sur toute cette histoire. Pourquoi m'ont-ils dit que Kieran était parti alors qu'il est bien présent ? Pourquoi ne semble-t-il pas savoir pour mon amnésie ? Les deux vigiles restent très proches de Kieran, ce qui le tend encore plus.

— Bree, je peux savoir ce qu'il t'arrive ? Me demande finalement Aldo.
— Je te rappelle qu'il a balancé votre relation à tout le pays pour le plaisir d'être en première page des magazines ! S'énerva Coleman.
— Vous avez vu ma tronche ? Qu'est-ce que je gagnerais à vouloir faire la une des magazines ! S'exclama Kieran en haussant le ton, l'une de ses mains désignant l'ensemble de sa personne.
— Oh, la joue pas comme ça mon grand, tu te rends compte que tu vas récupérer des milliers de dollars ! Le physique importe peu dans ces cas-là.
— C'est sûr que ça vaut le coup de mettre en péril ma santé mentale pour quelques billets verts. C'est n'importe quoi !

Le volume sonore de la pièce monte, dès que l'un parle, l'autre réagit plus fort et le troisième en rajoute une couche. Et ça résonne dans mon crâne, comme le brouhaha incessant des pensées parasites. C'est difficile de suivre une conversation, si on peut appeler ça une conversation. Aucun d'entre eux ne s'écoute, ils ne font que gueuler comme des bœufs. J'ai pas d'autre mot pour ça, un vrai bordel. J'essaie de réfléchir. J'ai du mal à comprendre pourquoi Kieran nous aurait balancés, ça ne lui ressemble pas. Je peux avoir misé sur la mauvaise personne, je n'ai pas suffisamment confiance en mon jugement la plupart du temps, mais il y a quelque chose qui remue en moi. Qui fait mal. Alors je me frotte la poitrine pour tenter de chasser cette sensation. Et ce qui me frustre, c'est que je sens au fond de moi que quelque chose cloche. Et je m'en veux. Je m'en veux parce que je ne me souviens pas des derniers jours. Parce que je sens que la clé de tout ça se trouve dans ma tête. Et plus je creuse, plus la migraine me vrille le cerveau. Si ça ne tenait qu'à moi, j'enverrai chier tout le monde et j'en parlerai avec Kieran.

— Mais bon sang Coleman, il vous manipule depuis le début ! Il se sert de Bree pour se faire des couilles en or et vous êtes tellement aveuglés que vous ne voyez rien.
— C'est tellement facile, je te connais même pas comment peux-tu croire que je vais gober tes salades.
— Il essaie de monter Aubrey contre moi depuis le début, déjà sur le salon les remarques étaient limites. Vous pouvez être sûr que votre patron entendra parler de tout ça.
— Franchement ? C'est le cadet de mes soucis, je veux juste retrouver Bree et vous éjecter de sa vie. Vous êtes toxique.
— Vous ne supportez pas notre relation, c'est tout.

Les arguments des uns se mélangent à ceux des autres, la main logée sur mon cœur se porte à mon front. C'est douloureux, je ne sais pas ce qui est à l'origine de ça mais, la douleur pulse contre mes tempes et un bourdonnement dans mes oreilles se rajoute au bruit ambiant.

— Ca suffit, tous les trois, braille une voix féminine que je n'avais même pas vu arriver.

Je sursaute, lève les yeux et découvre une Bailey rouge écarlate, la moue qui déforme son visage oscille entre la honte et la colère, mais je crois déceler une pointe de tristesse aussi. Une infirmière patiente derrière elle, son pied battant furieusement le sol.

— Vous avez quel âge ? Quatre ans ? Même des mômes seraient moins bruyants. Bree est en convalescence, il a eu une putain de commotion cérébrale et vous vous gueulez dessus devant lui ? Vous mériteriez que je vous foute dehors à coup de pied au cul tous autant que vous êtes.

Aucun des trois n'ose répondre, il faut dire que Bailey est effrayante quand elle est en colère. Mais là, je la remercie d'un faible sourire. Elle demande aux agents de sécurité de sortir en leur disant qu'on les appellera en cas de nécessité. L'infirmière réitère les menaces de Bailey et s'en va, nous laissant tous les cinq dans la chambre. Elle commence à être minuscule, cette pièce, avec les ego de chacun et leur présence.

Après un court silence lourd de non-dits, c'est elle qui reprend la parole en s'adressant directement à moi.

— Que veux-tu faire ?

Sa question me prend de court, c'est la première fois qu'on s'intéresse à ce que moi j'ai envie d'entendre. Elle ébouriffe doucement me cheveux, prenant garde à éviter la plaie sur le côté droit de mon crâne.

— J'en sais rien, j'ai besoin de parler à Kieran je crois.
— Alors on va te laisser parler avec lui.

Je suis soulagé qu'elle soit là, ma grande-soeur. Elle prend les choses en main d'une manière bien plus calme et réfléchie que Coleman. Ou même Aldo, qui ne m'a pas habitué à ça. Et si je ne me souviens pas des derniers jours, je suis quand même très conscient que la situation était difficile avec lui depuis plusieurs mois. Alors quand il lève les yeux au ciel en chassant Bailey de mes côtés, je me referme.

— Bree, écoute moi s'il te plaît, soupira Aldo. Tu ne peux pas lui faire confiance. Qui sait ce qu'il va bien pouvoir inventer pour te retourner le cerveau.
— C'est à moi d'en juger, lâchai-je sèchement.

Aldo lâche un soupir et la veine sur son front pulse doucement. Je vois bien que Coleman n'approuve pas non plus, mais il ne sait pas toute cette partie de l'histoire. Je ne lui ai pas raconté ça pour ne pas l'inquiéter, lui qui me soutient le plus possible et qui se fait mon porte-parole auprès de mon père. Et si l'avis de Coleman compte beaucoup pour moi, à ce moment précis, j'ai vraiment besoin de parler à Kieran.

Bailey était en train de pousser notre frère vers la sortie lorsque la porte s'ouvrit à nouveau, dévoilant deux nouvelles personnes. Je suis bouche bée, je n'aurais jamais cru la voir ici. C'est aussi l'une des raisons qui me pousse à me demander si tout ça n'est pas une mascarade, pourquoi aurait-elle quitté Londres si tout ça était le plan de son ami ?

— Cat ?
— Mon Dieu, tu es réveillé, souffle-t-elle en posant une main sur sa poitrine, l'émotion faisant chavirer sa voix.

Je sens qu'elle est sincère dans sa surprise et je me demande à quel point ma famille a été cruelle de ne rien leur dire. J'en veux instantanément à chacun d'entre eux pour ça, parce que peu importait la souffrance qu'ils enduraient, ils n'auraient pas dû les garder à l'écart.

— Bon, ça suffit, reprend Aldo. Je te signale que je suis en charge de ta sécurité et ta santé quand tu n'es pas capable de le faire, alors on va reprendre tout ça en main. Vous deux, lâche-t-il en désignant Kieran et Cat, vous quittez cet hôpital. Madeline, on n'a plus besoin de toi ici tu peux retourner à L.A.
— Je suis assez grande pour choisir mes destinations. Et laisse les rester ici, Aldo. Je crois qu'ils seront plutôt intéressés par ce que j'ai à dire.
— Je ne suis pas sûr que quiconque ait envie d'écouter ce que tu as à dire, Madeline.
— Au contraire, je pense que tout le monde sera particulièrement intéressé par les éléments que j'ai découverts.
— Que tu as découverts ? De quoi tu parles, Maddie ? Questionna Coleman, un sourcil haussé vers le ciel.
— De ce qui nous a amené ici.

Un silence de plomb tombe pour la deuxième fois sur la pièce et je me redresse.

— Comment ça ? Questionnai-je. Tu as trouvé des infos sur l'accident ?
— Pas sur l'accident, non. Quand tu t'es réveillé, Aldo t'a raconté que tu t'étais pris la tête avec Kieran avant ton départ de Los Angeles, n'est-ce pas ? M'interrogea-t-elle et je hochais la tête pour confirmer. Et ça m'a fait tiquer.
— Madeline, tu devrais te taire, gronda mon agent en la fusillant sur place.
— Ca m'a fait tiquer, reprit-elle en pointant un doigt lever à hauteur du visage de l'italien, parce que j'étais là quand tu es parti de L.A, c'est moi qui aie organisé ton départ.
— Et qu'est-ce que ça prouve ?
— Juste que je suis sûre que vous n'étiez pas fâchés vu le baiser que vous avez échangé avant que tu ne quittes ton appartement.
— Vous avez dit à Bree qu'on s'était disputé ? S'énerva Kieran.
— Il l'a fait, confirma la blonde. Sous mes yeux. Et je me suis dis que ça cachait probablement quelque chose.
— Je t'ai déjà dit que je ne voulais pas que Bree se fasse de faux espoirs, tenta de se justifier Aldo. Je savais que Kieran avait vendu l'info, s'il croyait qu'il était reparti suite à une dispute, il pouvait tranquillement passer à autre chose.
— Justement, ça me fait plaisir que tu abordes le sujet. J'ai une tendance légèrement obsessionnelle quand j'ai une idée en tête, alors j'ai décidé que j'allais vérifier ta version des faits.
— Pardon ?
— Je me suis que si tu avais menti sur ça, tu avais pu mentir sur plein d'autres choses. Alors, j'ai appelé une amie à moi pour qu'elle enquête un peu. Je sais qu'elle a quelques contacts. Et ça lui a pris quelques jours mais elle a trouvé ce que je cherchais : le nom de la personne qui a donné les infos aux paparazzis.

Je sens que la migraine devient une aura, j'ai des papillons noirs qui passent devant mes yeux, je porte ma main pour frotter mes paupières. Pourtant, je ne veux pas interrompre Maddie, parce que je suis persuadé qu'elle a une information capitale.

— Kieran, comment as-tu prévenu Bree que tu venais à Los Angeles ?
— Par message, s'étonna-t-il.
— Tu l'as envoyé à qui ?
— A Bree, évidemment.
— Tu es sûr que c'est tout ?
— Non, je lui ai aussi envoyé sur insta, au cas où... C'est pas vrai, souffla Kieran en comprenant le cheminement.
— Sauf qu'il n'y a que deux personnes qui utilisent son Instagram. Moi, et Aldo.
— Tu as balancé l'info ? Gronda mon frère en se tournant vers l'agent.
— Elle raconte n'importe quoi, vous n'allez pas croire cette bonne femme ?
— Pourtant, j'ai la source. Le type que tu as missionné pour ça. Il a d'ailleurs pas mal de choses à raconter à ton compte. Il parait que tu lui dois un peu de fric, n'est-ce pas Aldo ?
— Ferme là, espèce de sale petite pute.
— Oh, ça n'est pas la peine d'être insultant. Donc notre cher Aldo ici présent a un vice. Une petite addiction au jeu qu'il cultive grâce aux cachets qu'il touche pour Bree. J'ai reçu tes relevés de comptes, les échanges avec ce type par écrit. La preuve que c'est bien toi qui as balancé l'arrivée de Kieran à la presse. C'est décevant que tu sois suffisamment con pour laisser des preuves écrites d'ailleurs.

L'annonce fait changer l'ambiance dans la pièce radicalement. Cat fusille Aldo du regard, les épaules de Kieran s'affaissent de soulagement, la colère fait bander les muscles de Cole et Bailey s'est fermée. Madeline est droite dans ses bottes, les mains posées sur ses hanches et elle toise de toute sa hauteur mon agent.

La migraine est toujours là, renforcée par les nouvelles que je viens d'apprendre.

— Pourquoi t'as fait une chose pareille ? Demande ma sœur d'un ton glacial.
— Vous n'allez pas croire ce qu'elle dit ?
— Maddie fait partie de notre famille, je ne vois pas pourquoi elle mentirait.
— Parce qu'elle ne supporte pas que j'ai plus de pouvoir qu'elle ?
— De pouvoir ? Pauvre homme malheureux. C'est bien une connerie de mec ça.
— Répond, lança Cole.
— Parce que je t'ai viré, soufflai-je en reprenant un peu contenance.

Tous les regards convergent vers moi à mon annonce. Le soulagement de Kieran reprend et un sourire étire doucement ses lèvres. J'ai besoin de dormir, j'ai besoin de virer tout le monde de cette chambre et de me reposer. Mon crâne va exploser, mais je me souviens.

— Je t'ai viré. Et tu m'as menacé de balancer ma relation avec Kieran. Et tu l'as fait. Parce que t'es un pourri qu'à jamais accepté que je veuille faire autre chose de ma vie que t'être redevable.
— Arrête tes conneries, Bree, tu n'as aucun souvenir. Pourquoi tu essaies de me faire passer pour le méchant.
— Je me souviens de ça. J'étais chez toi quand je t'ai viré. Et j'en ai souffert trois jours entiers parce que tu étais un pilier pour moi mais que tu t'es bien foutu de ma gueule.
— Mais qu'est-ce que tu racontes ? Ca n'est jamais arrivé.
— Cole ? Appelai-je pour lui demander silencieusement de virer ce type de ma vie.
— Allez, j'en ai assez entendu. Casse-toi Aldo.
— Coleman, tu vois bien qu'il n'est pas dans son éta-
— Mais oui, c'est ça. Dehors, avant que je ne m'énerve.
— Tu ne peux pas me virer, ton contrat est bloqué, je m'en suis assuré, s'énerva-t-il en révélant son vrai visage à tout le monde.
— Je t'ai déjà dit que je me débrouillerais.

Cole le bouscula vers l'extérieur, laissant un silence planer sur la pièce. Bailey est toujours en état de choc, Cat nous observe tous les uns après les autres et Madeline approche.

— Je suis désolé pour tout ça, mais je ne peux pas laisser ce type se servir de toi.
— Merci Maddie... Est-ce que vous pouvez me laisser maintenant ? Je suis épuisé.
— Bien sûr, repose toi.

Tout le monde se dirige vers la sortie, alors je me redresse un peu.

— Attends, Kieran, tu peux rester... ?
— Bien sûr.

LoveCon - T1 - Kieran [Premier Jet] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant