Bianca : Dans le brouillard

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Dire que j'ai mal serait un euphémisme. Non, mon corps me semble sur le point de se fendre sous la douleur. Ma peau, et mon être tout entier semble brûler. Je suis dans le noir. La douleur est atroce. Puis, elle s'atténue lentement d'abord, puis jusqu'à s'éteindre comme une bougie. Je ne ressens plus rien. C'est comme si je flottais dans le ciel, au-dessus du monde, entre la vie et la mort. J'ai l'impression d'être dans un brouillard protecteur, comme si j'étais dans un état second, en marge du monde des vivants. Tout à coup, je me sens tomber. Un creux et une douleur à la tête familiers se forment, et je heurte violement le sol. Ça y est, j'ai de nouveau l'impression d'être vivante. Je prends une profonde inspiration, les yeux fermés pour l'apprécier encore plus. L'air sent la forêt et la fraîcheur. Il fait froid. Je sens la chair de poule sur mes bras. Mon dos me fait mal. Je suis allongée sur un sol forestier, dont je ressens chaque creux, chaque aspérité, chaque brindille. C'est comme si je venais de naître et de découvrir mes cinq sens. J'ouvre les yeux et je suis accueillie par un spectacle horriblement perturbant. Je me retrouve à fixer le ciel couleur sang. Oui, vous avez bien lu. Le ciel est ROUGE. Effarée, je me redresse en un bond et observe cet étrange éther. Je devine qu'il fait jour, car une boule violette faisant office de soleil éclaire faiblement les environs. Je regarde aux alentours : les arbres sont bleus, tels l'herbe, et les gouttes de rosée arborent une étrange couleur orangée. Je fais quelques pas hésitants, les bras tendus devant moi dans un geste protecteur. Malgré le "soleil", je n'y vois pas grand chose. Quelle idée d'inventer un soleil s'il n'éclaire rien ? Je n'ose pas imaginer la nuit ici ! Mon pied bute contre quelque chose, et je fais un petit saut paniqué dont je n'ai même pas honte, tellement je me sens perdue. Je me penche pour ramasser l'objet, et le rapproche de mon visage pour l'examiner de plus près. On dirait une sorte de balle bleue. En en testant la texture, je m'aperçois qu'il s'agit d'une orange. Intriguée, et surtout sans réfléchir car je suis stressée et je ne me rappelle plus de mon dernier repas (de rien d'autre, d'ailleurs), je l'épluche. À l'intérieur, elle est d'une étrange nuance de jaune vif. Je m'empresse d'en fourrer un quartier dans ma bouche. Il a un goût de fête foraine et d'enfance heureuse. Ravie, on n'a pas besoin de me prier pour que j'enfourne le reste goulûment. Quel délice dans une simple orange ! Je me demande quels autres mets contient ce drôle d'endroit... Non, reprends-toi ! C'est sûrement un piège. Cette orange était bonne, tant mieux, mais je dois rester vigilante. Je ne connais pas ce lieu, et je ne sais pas s'il est habité, ou si je suis la première à le découvrir. Si la première hypothèse est vraie, ses habitants doivent être bien étranges, peut-être même malfaisants. C'est pourquoi je dois rester sur mes gardes.
Je décide de faire le point. Les seules choses que j'ai en ma possession sont des pelures d'orange, une conscience brumeuse et une mémoire défaillante. Je ne sais pas d'où je viens, comment je m'appelle, où sont mes proches, et, le plus important, pourquoi je suis ici.
Bon. J'ai besoin de réponses à toutes ces questions. Je sors de la forêt, et débouche sur une sorte de prairie, un espace vert. Ou plutôt un espace bleu, dans ce cas. Au loin, j'aperçois des bâtiments. Il y a donc une ville ici ! Je le rapproche prudemment jusqu'à pouvoir distinguer les habitations en détail. Elles ressemblent toutes à des manoirs hantés avec leur couleur d'un noir profond. À part ça, elles semblent plutôt en bon état. Elles sont en briques, en bois, ou en béton et leurs volets ont été soigneusement tirés. Il n'y a aucune trace de vie. Peut-être que je suis dans une ville fantôme... C'est exactement comme ça que je me sens, justement. Comme un fantôme amnésique perdu dans une ville déserte.

Bianca in Deviltown Où les histoires vivent. Découvrez maintenant