Chapitre 14 : Julien

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Entre le prime 5 et 6

Julien

J'enrage !

Ma note, ma putain de note que je n'ai pas réussie !

J'en profite d'être seul à la salle de sport pour utiliser le sac de frappe et évacuer tout ça. Il faut retirer la pression, je ne connais pas beaucoup de moyens de le faire. Certains sont plus agréables que passer ses nerfs à coups de poings, mais... personne ici n'a envie de ça avec moi, pas après mon coup de gueule dimanche, pas après avoir été un connard condescendant avec tout le monde pendant si longtemps.

Je n'ai pas revu Axel en privé depuis le prime, je n'arrive simplement pas à l'affronter. Son regard plein de compassion me dégoûte. Pas de lui, non... de moi ! Il devrait être en colère, me hurler dessus d'avoir gâché sa performance... mais, non, il n'avait même pas l'air déçu, juste triste pour moi. Parmi toutes les choses qui me font voir rouge, c'est peut-être le pire.

Je frappe le sac, une fois, deux fois, trois fois.

Pas les caméras qui nous fixent 24 heures sur 24. Je m'y suis habitué et on a même trouvé des failles dans le système pour être tranquille de temps en temps.

Frappe, frappe, frappe...

Pas la pression de la compétition et des cours qui s'intensifie. Ça aussi, j'ai l'habitude avec mes années de chant et ma lutte contre le bégaiement. Et je sais que je vais gagner, c'est là LA différence entre eux et moi, les seuls qui peuvent m'abattre c'est le public, si l'audience ne m'aime pas je ne pourrai rien y faire.

FRAPPE, Frappe, frappe

Ce n'est même pas l'ambiance mièvre qui entoure et inonde le château, les rapprochements et la drague. Ça a quand même tendance à me faire vriller d'en voir deux se manger du regard pendant un entraînement, un peu de sérieux quoi !

FRAPPE, FRAPPE, Frappe... le voile rouge devant mes yeux se teinte plus encore, ne laissant apparaître qu'un océan écarlate, ou la fureur est seul maître.

Est-ce que moi, je m'autorise à déconner pendant les cours ? Est-ce que MOI je chante faux parce que je ne suis pas concentré ? Est-ce que JE regarde quelqu'un en particulier en me demandant ce que donneraient nos cordes vocales vibrants à l'unisson ?

NON ! FRAPPE. NON, FRAPPE, JE FRAPPE NE FRAPPE LE FRAPPE FAIS FRAPPE PAS ! FRAPPE...

Mes jointures sont douloureuses et je sens la colère qui gonfle encore...

Pourquoi est-ce qu'il ne me hait pas ? POURQUOI est-ce qu'il me regarde comme ça ?? POURQUOI est-ce que j'ai l'air de compter pour lui... quelque chose que je n'ai pas ressenti depuis... je ne veux pas y penser.

FRAPPE, FRAPPE, FRAPPE...

La transpiration tente de me refroidir, mais rien n'y fait, je continue à frapper, encore, encore, encore...

Ploc...

Le son est infime, ridicule au milieu de la pluie de coups dont je martèle le sac, seulement, je l'ai entendu. Quelque chose roule sur mon visage, lentement, calmement. Une goutte, ou devrais dire une deuxième goutte, ce qui se vérifie quand mon regard vire vers le sol et y aperçoit une fine pellicule d'eau. Deux gouttes d'eau, qui refroidissent mon corps plus sûrement que plusieurs gallons du même liquide que l'on m'aurait jeter à la tête.

Des larmes... je ne.. ça ne...

Mes pensées se troublent en même temps que ma vision. Elle devient plus nette, comme si le rouge se faisait remplacer par autre chose. Les pleurs chassent le carmin qui brouillait tout le reste, et au fur et à mesure qu'elles se multiplient, apaisent le hurlement du sang dans mes tempes.

Faisons danser nos voixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant