Chapitre 19

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Après le prime 6

Axel


«Axel, Il faut qu'on parle. »

Qu'est-ce que je déteste ces mots. Mis bout à bout, c'est une des pires phrases qu'on peut entendre, venant de quelqu'un qu'on... apprécie qui plus est. Je lui tourne le dos, faisant mine d'évaluer les dégâts que son plat a fait à ma tenue.

D'ailleurs qu'est ce qu'il faisait pile en face de la porte un plat entre les mains ? Il avait l'air d'attendre quelque chose, ou d'écouter. Je me demande ce qu'il a entendu...

J'entends quelque chose tomber à terre, me retournant légèrement, je remarque que c'est un tee-shirt, taché de rouge, je me reprend et fais face à la douche avant de me retrouver tout aussi cramoisie, je sens que la chaleur n'a pas quitté mes joues depuis que Lénie est partie en nous laissant seuls.

Je suis assez surpris qu'elle est capté quelque chose, je pensais dissimuler mes pensées mieux que ça. J'ai sous-estimé la benjamine de la promo, elle comprend plus qu'elle ne veut bien le montrer. Tout ce qu'elle m'a dit sur le fait de faire attention à moi et à mes sentiments, du fait de ne pas me laisser partir corps et âme dans une relation qui n'a peut-être pas d'avenir... tout ça résonne encore dans mes oreilles quand je retire mes vêtements et me réfugie dans la cabine.

J'hésite à lui répondre, que dire ? J'allume l'eau chaude pour remplir le silence qui s'est installé entre nous. Ne pas lui répondre est une posture en soit, pas celle que je veux, seulement, je ne sais pas quoi lui dire... C'est lui qui reprend la parole après s'être installé dans une cabine et mis en marche l'eau.

« Je comprends que tu ne te sentes pas bien. L'élimination de Margot est compliquée à encaisser, surtout pour toi. Vous étiez très proche et je le comprends. »

Julien qui compatit ? Rien de surprenant en soit, mais c'est... la manière dont il dit les choses qui me perturbe. Un voile de compréhension se lève petit à petit sur lui. Il continue, ne me laissant pas le temps de réagir.

« Je sais aussi que ta révélation de la semaine dernière t'a demandé beaucoup d'effort. Ça n'est pas un moment facile pour tout le monde, surtout au beau milieu d'une compétition, mais... mais il va falloir que tu te reprennes ! »

Son ton s'est fait plus dur à mesure qu'il parlait. Je ne sais pas trop comment le prendre, il semble en colère contre moi tout en voulant me réconforter. Et il y a encore cette note étrange dans sa voix, comme lorsqu'il a chanté avec Louane. Je préfère tourné la conversation vers un sujet plus stable.

« Que je me reprenne ? Qu'est-ce que tu veux dire ? »

J'ai insufflé un peu trop de colère dans ma voix, je l'ai senti en le disant, seulement, il semble que sa réponse ne soit pas des plus agréables à écouter, autant être déjà un peu énervé pour encaisser le coup, non ?

Son eau se coupe, je l'entends soupirer, malgré la mienne toujours en route, sa voix est plus dure et froide.

« Margot aurait été éliminée quoiqu'il arrive, ça devait arriver alors ne t'en prends pas au monde pour ça. Elle n'avait juste pas le niveau... »

Avant d'y avoir pensé, je me retrouve devant sa cabine, la porte ouverte dans une main l'autre serré en un poing.

« ELLE N'AVAIT PAS QUOI ?? »

Mon cri me surprend moi-même, je ne sais pas comment je suis sortie de ma douche aussi vite pour arriver devant la sienne. Pendant un instant, le silence plane, seule l'eau de ma douche, que je n'ai pas pris le temps de couper, coule encore. Il se tourne et inspire profondément avant de reprendre d'une voix calme et posée, bien que toujours dure.

« Margot n'avait pas le niveau pour ce stade de la compétition, elle s'est améliorée, c'est sûr, néanmoins, ça n'aurait pas été suffisant pour continuer plus d'une semaine ou deux maximums. Tu dois bien t'en rendre compte. »

J'en suis bouche bée... Il ose me sortir l'excuse du talent là, maintenant ? Je m'emporte encore plus, pointant un doigt rageur vers sa poitrine.

« Tu te fous de moi ? C'est toi qui l'as éliminé ! Tout ce beau discours sur le talent et le fait de gagner la compétition... tu n'en a pas marre de te considérer comme meilleur que tout le monde ? À critiquer à tout-va sans te soucier des conséquences que peuvent avoir tes paroles ? »

Je vois du choc et de la peine sur son visage, je l'ai blessé sur ce coup et il est trop tard pour faire machine arrière. Il lève un peu le menton, de manière à avoir cet air supérieur qui le caractérisait au début de l'aventure.

« Arrête de faire l'enfant Axel, tu aurais préféré être éliminé, c'est ça ? Tu es un des plus talentueux et travailleur de la promotion, si je n'avais pas voté pour toi quelqu'un d'autre l'aurait fait et Margot serait quand même partis. »

C'est à lui de pointer son doigt vers moi, le regard plein d'une colère à peine retenue.

« Si tu veux partir, dégage, c'est pas un camp de vacances où tu es venu te faire des amis ! C'est une compétition pour désigner le meilleur, alors avale la pastille et tu pourras faire ce que tu veux quand tu auras gagné ! Quand tu auras été éliminé sinon, c'est ce qui risque d'arriver si tu ne te REPRENDS PAS ! »

Il a crié ses derniers mots, sa voix se brisant presque à la fin, son visage à quelques centimètres du mien. Je ne comprends pas, tout ce qu'il dit à un sens, et pourtant rien n'en a. Oui, elle aurait été éliminée quoiqu'il arrive, je sais, je ne veux juste pas l'accepter. Je m'en prends à lui parce qu'il a donné le coup final et c'est injuste. Une larme roule sur ma joue, ou est-ce une goutte de la douche que je n'ai pas finie, je l'ignore et je m'en contre-fou.

En un pas, je suis avec lui dans la douche. En un mouvement, mes mains sont sur lui. Une sur le torse, l'autre derrière la nuque. En une collision, nos bouches se rencontrent, violemment d'abord, les dents se percutent, les lèvres se cherchent, les langues se trouvent, et je me noie en lui.

Pour ce qui semble être une éternité, nous restons là, à boire la respiration de l'autre, à chercher notre souffle entre deux rencontres. Nos mains se découvrant, exploratrices avides de nouveaux territoires, la courbure du dos, les cheveux, le torse. L'univers ne se compose plus que de deux corps célestes, irrémédiablement intriqués dans leurs gravités.

Quelqu'un toque à la porte de la salle de bain. D'un crie commun, nous y répondons, nos voix rauquent et manquant d'air.

« OCCUPER »

« Très bien, je vous laisse ça sur le seuil ! N'oubliez pas de couper l'eau pendant que vous vous... savonnez, c'est meilleur pour la planète ! »

C'est un rire cristallin que nous entendons s'enfuir dans le couloir, notre Lénie nationale est, sans nul, doute très fière de sa blague.

C'est à ce moment que nous nous regardons, l'un l'autre, nus dans une seule douche, les lèvres rougies. Et dans un mouvement synchrone, nous nous retournons, comme si le fait de ne plus se voir pouvait effacer ce qu'il vient de se passer.

Et dans un écho, deux mots résonnent, de deux bouches à la fois, alors que ma douche est toujours en bruit de fond.

« Et merde... »

Faisons danser nos voixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant