Faisons danser nos voix

Chapitre 18 Julien

Après le prime 6

Julien

Encore... J'en veux encore...

C'est la seule pensée qui me vient après les événements de cet après-midi. Mon cerveau est plein d'une brume rougeâtre, entre colère et désir et je suis... je suis...

Perdu...

Plus tôt durant la journée

Je me dirige vers la cuisine, personne n'a vu Axel depuis la réunion de ce matin, il n'a parlé à personne et à peine décroché un mot pendant le briefing. C'est logique, il fait son deuil à sa manière, mais il faudra bien qu'il mange à un moment ou à un autre.

Je prends des restes de ce midi dans le frigo et les fait réchauffer dans le micro-onde. Je ne connais pas vraiment ses goûts, j'espère que ça fera l'affaire. Margot comptait beaucoup pour lui, j'ai peur qu'il ne craque définitivement après son départ...

Je suis en colère contre le public d'avoir préféré Candice à Margot, je vois rouge qu'elle continue l'aventure, même si elle est adorable son niveau n'est pas assez haut ! Mais je laisse mes émotions voiler mon jugement, Margot non plus n'aurait pas survécu plus loin dans la compétition, il faut se montrer réaliste. Pour le faire comprendre à Axel par contre ça va être une autre paire de manche...

Ding !

Bien, le plat est chaud, plus qu'à livrer la commande non désiré.

Je m'aventure dans le château, mon plat fumant entre les mains. La plupart des élèves sont ailleurs, dans la salle de danse, celle de théâtre ou dehors. En montant les escaliers, je me souviens des altercations avec Lénie à propos du ménage, c'est vrai qu'on pourrait faire plus pour entretenir les lieux. La compétition et la réalisation de nos rêves ne devraient pas nous empêcher d'être civilisés.

Je m'arrête en haut, l'oreille attentive. Je crois percevoir du bruit dans la chambre des filles, peut-être pourront-elles m'aiguiller. Plus j'avance vers ma destination plus les voix se font claires. Il semblerait que je n'ai pas à chercher notre ami plus loin, il semble en grande discussion avec Lénie, qui elle ne fait pas dans la dentelle quand elle parle, alors même qu'elle est malade. Le médecin lui a conseillé de parler le moins possible, elle a trop bon cœur, j'espère que ça ne lui portera pas préjudice.

« ...dois manger ! Ça n'est pas en te laissant mourir de faim que ça va aller mieux ! »

La réponse est moins forte, comme étouffer par des couches de tissus.

« ... pas faim... laisse moiii... »

La réponse est amusée, dans une tentative mignonne de le charmer à sortir de sous les couettes, c'est ce que j'imagine en tout cas, la porte étant fermée et mon oreille collé contre. Pas la meilleur configuration pour avoir une idée de ce qu'il se passe dedans, ni pour avoir l'ai innocent si quelqu'un me voit...

« Allez quoi ! Sinon j'appelle notre cher baryton d'opéra et je suis sûr qu'il va te faire sortir du lit ! »

J'entends les draps se secouer, puis quelqu'un se relever vite, au point de faire grincer les lattes du lit.

« Je ne vois pas de quoi tu parles ! Ça n'a rien à voir avec lui ou qui que ça soit d'autres. »

Je ne comprends pas bien, Axel à l'air paniqué, un peu effrayé, mais je n'arrive pas à concevoir de quoi. Et pourquoi Lénie pense que ma présence pourrait jouer un rôle ?! Je m'apprête à entrer pour éclaircir ce mystère, et livre le plat qui refroidit dans mes mains, mais la conversation reprends, plus énergique.

« Pfff, tu es si naïf pour croire qu'on a rien vu, mais ça n'est pas grave, personne ne te forcera à dire quoique ça soit. Sache juste qu'on est là si tu as besoin de parler. Pour Margot ou autre... »

Oohh, ils parlent sans doute des parents d'Axel et de la pancarte que tenait sa mère, ça l'a fortement ému durant le prime et entre ça et l'élimination de sa meilleure amie dans l'aventure... ça n'étonne personne qu'il soit plus qu'occupé émotionnellement.

Concernant sa nomination, il avait l'air assez inquiet, je ne l'étais pas de mon côté. Si l'annonce nous a tous fait l'effet d'une bombe elle était, à posteriori, tout à fait logique. Axel était en train de perdre la motivation, il se répétait sur scène et n'apportait plus grand-chose de nouveau à ses prestations. Il est toujours très bon, là n'est pas la question, mais dans une compétition comme celle-ci, on ne peut pas rester sur ses acquis. J'avais confiance en lui pour se reprendre avant le prime, d'autant plus que...

La porte s'ouvre en grand et quelqu'un me percute violemment, envoyant volé le plat et m'éclaboussant de sauce et de morceaux de nourriture. Je reste hébété quelques secondes devant le désastre qu'est devenue ma tenue.

Quand je relève enfin la tête je vois Axel, la main toujours sur la poignée de la porte, l'air choqué. Il est tout autant couvert d'aliments que moi, même si ça n'a pas l'air d'être ça qui le perturbe. Derrière lui se trouve Lénie, un sourire en malicieux plaqué sur le visage. C'est elle qui prend la parole en premier, tout en avançant vers la sortie, ne nous laissant pas d'autres choix que de nous pousser.

« Et bien les garçons, comme on se retrouve ! C'est dommage pour le repas, je vais vous chercher autre chose, allez vous nettoyer à la salle de bain, j'arrive. »

Puis en se glissant à côté de moi me lance un clin d'œil qui me laisse interdit. Muets comme jamais au paravent. Nous nous fixons, le temps semble s'écouler au ralentis et nous semblons des statues de cire, pale imitation de ce que nous sommes, mais effrayé d'être plus, par peur de fondre.

C'est lui qui brise le moment en se détournant, rouge comme une pivoine à la fois de sauce tomate et d'autre chose, le plat n'ayant pas atteint son visage. Nous partons pour la salle de bain, lui devant, moi fermant la marche. Arrivé sur place dans un silence de plus en plus pesant, je me lance.

« Axel, il faut qu'on parle. »