Jour de Noël
Pierre
Il y a quelque chose qui cloche dans cette compétition...
Je me le dis depuis le troisième prime, l'histoire des coups de cœur, le choix des duos avec les artistes, les classements. Vraiment, il y a quelque chose qui ne va pas, ou plutôt qui va trop bien, pour moi en tout cas.
Héléna est d'accord avec moi, la répartition n'est pas homogène, certains ont plus de chance de briller que d'autres. Il n'y a rien à faire de notre côté, on ne contrôle pas ce côté de l'académie, mais il y a certaines choses qu'on peut influencer.
Mon regard dérive vers Julien, seul sur son lit dans l'ancienne chambre des garçons. Les yeux rivés au plafond, les pensées sans doute égarées. Je l'ai suivi toute la matinée, il n'a pas essayé de parler avec Axel, c'est déjà ça. Ruiner ma nuit était suffisant, il n'aurait sans doute pas osé détruire la plus belle journée de l'année...
La journée n'est pas finie, ma surveillance s'est relâchée durant l'après-midi, trop occupé avec ma famille. Ça m'a fait du bien de les revoir, cette séparation est bénéfique a bien des niveau, l'isolation nous pousse plus loin dans nos retranchements. Cela m'a aussi aidé à peaufiner mes chansons, loin de tout, certains silences sont bénéfiques.
Je passe ma main dans mes cheveux, les laissés pousser était une bonne idée, les avoir cours me rappelait trop mon ex, il fallait passer à autre chose. C'est ce que doit faire Julien, mais comment et à quel prix ?
Il est pensif depuis le départ des familles, ayant passé la journée avec Amélie, son silence m'inquiète. J'apprécie beaucoup Axel, sa douceur et son soutien pour tout le monde, il ne mérite pas de souffrir. Je préférerais être autre part que là, à le surveiller, la coupure des caméras est une vraie bénédiction pour avoir un peu d'intimité et je voudrais bien en profiter.
La discrétion n'est pas le fort des résidents de ce château, j'en rougirais presque si j'étais le seul à avoir eu besoin de contact. C'est une autre conséquence de l'isolement, les liens se resserrent, même si la menace constante de l'élimination peut faire peur et empêcher l'attachement.
Je sursaute légèrement quand mon camarade se lève enfin. Sa mine est renfrognée, son regard dur. Il est peut-être l'heure d'intervenir. Avant que je n'ai pu faire un geste c'est lui qui engage la conversation.
« Je n'ai pas besoin de toi là où je vais, merci. »
Son ton est calculé, ni trop dur ni trop doux. C'est sans doute le plus inquiétant, il a l'air bien plus sûr de lui que ces derniers jours, ça n'est pas une bonne idée de le laisser partir, mais son instabilité à l'air maîtriser.
Je me positionne tout de même devant la porte, il faut qu'on ait une vraie conversation avant qu'il ne s'en aille. Il y a un truc dans l'air qui me dit que l'aventure ne sera plus aussi douce qu'elle ne l'était jusque-là.
« Je ne t'empêcherai pas de partir (un rictus déforme sa bouche). Oui, on ne dirait pas comme ça, mais il faut qu'on parle avant que tu ne partes. »
Il croise les bras, carre les épaules et lève le menton en défi, le rictus a disparu, et il affiche un air neutre.
« Je t'écoute, si tu veux me faire la morale, me hurler dessus ou me lancer des banalités, je suis là. »
Un discours de bravade, je le sais bien, je ne lui ferai pas le plaisir de m'énerver, les sujets à aborder sont trop important.
« Si tu arrêtais de faire le dur deux minutes tu verrais peut-être qu'on t'accueillera vraiment dans l'équipe hein. (ses sourcils se soulèvent, mais j'enchaîne). On doit parler de ce que tu fais à Axel, non ne dis rien ce n'est pas le seul sujet, on doit aussi parler trucage. »
Sans surprise, c'est le deuxième point qui semble soulever le plus de questions dans ses yeux. Tenons-nous-en à l'ordre du jour, ça le fera rester ici plus longtemps.
« Je sais ce que ça fait de se séparer de quelqu'un, ce que ça fait quand la séparation est difficile même si elle est nécessaire. »
Il m'interrompt, plus par jeu qu'autre envie.
« Qui a dit que je m'étais séparé de... »
Sa répartie n'a pas de sens, pas quand on le connaît, a moi de le couper.
« Tu n'as pas besoin de le dire pour que ça se voie, même si ton appel est passé moins inaperçu que tu le penses. »
Une fissure apparaît enfin dans le masque de fer qu'il porte. Il pensait réellement avoir pu échapper à la vigilance de tout le monde pour appeler Amélie tranquillement, intéressant.
« Si tu tiens vraiment à Axel, il faut parler de ton attachement à Amélie, que ça va prendre du temps pour l'oublier, ça n'est pas une honte, (ma voix se brise un peu à ces mots) tu dois être honnête avec lui et avec toi, tu lui dois au moins ça. »
Il baisse la tête, effectivement honteux de ses sentiments, ceux qu'il se cache à lui aussi. Il doute encore, ce qui n'est pas la meilleur disposition, néanmoins, je ne peux pas y faire grand-chose, c'est à lui de gérer. Il est prévenu que nous sommes au courant, c'est déjà ça.
« Tu voulais dire quoi par trucage ? »
Le fameux changement de sujet, j'ai laissé la porte ouverte pour le laisser tranquille et il a couru pour y mettre le pied.
« Tu n'as pas remarqué qu'il y a des choses étranges depuis le début de l'émission ? »
Sa tête se relève dans une explosion de vitesse, les yeux étrécis et le regard qui a retrouvé son éclat. Oui, il a remarqué quelque chose, il est loin d'être bête, même s'il avait l'esprit occupé ces derniers temps.
« Oui, il y a des détails qui laissent penser que tout est trop fluide, trop calculé. Tu as le même ressenti ? »
Je hoche la tête, puis me lance.
« Les choix de la prod, les chances offertes à certains et pas d'autres, les rivalités... »
Je ne suis pas sûr pour ce dernier point, au vu du manque de réaction de sa part il semblerait qu'il en sache quelque-chose. Rien ne paraît sur son faciès, pourtant pas un mot ne sort de sa bouche non plus. Le silence qui règne dans la pièce n'est pas sans rappeler celui d'avant la discussion, remplie de rumination et de conflit interne. Je vais le rompre, il me faut des réponses et j'avais raison de penser que Julien en a, à tout le moins, il a des pistes.
« Est-ce qu'Amélie t'as dis quelque chose ? Mes proches m'ont dit qu'on était devant sur les sondages, mais ils n'en savent pas plus, si tu sais, tu dois me le dire, ça va impacter toute la fin de cette aventure. »
J'y vais sans doute un peu fort, seulement, il faut qu'il réagisse, il faut qu'il m'aide a comprendre ce qu'il se passe.
« Il y a une forme de trucage, Amélie m'en a parlé, mais pas de la manière dont tu le penses. La prod est subtile, c'est sur le montage qu'ils jouent. Certains des candidats ont moins de temps d'antenne et, effectivement, on en a plus tout les deux. »
Le souffle se bloque dans ma gorge, on avait raison, Héléna avait raison... La peur me comprime la poitrine, qui est le plus fragile, la question n'est plus sur le talent, mais l'appréciation du public. Les questions se bousculent dans mon esprit, beaucoup d'éléments à mettre en perspective.
« Pardon Pierre, mais je dois y aller, j'ai une autre conversation à avoir et, même si on a beaucoup de points à aborder, il me faut être ailleurs. »
J'acquiesce et fais un pas de côté. Au moment où il passe, je lui attrape l'épaule, et essaie de l'encourager, sans vraiment trouver les mots justes.
« N'oublie pas que tu n'es pas tout seul ici, tu n'as pas besoin de subir tout ça dans ton coin. Pas avec nos effectifs qui diminuent de plus en plus. »
Et c'est sans rien dire qu'il referme la porte. Je croise les doigts pour qu'on les retrouve en un seul morceau...
Tous les deux.
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Faisons danser nos voix
Fiksi PenggemarEn direct de la star academy, la saison 2023 bat son plein et la compétition atteint des sommets. À Dammarie-les-Lys se produisent des évènements. Entre les primes, entre les candidats, entre les voix, les émotions fusent. Si les nouveaux pensionnai...