Faisons danser nos voix

Chapitre 32 Axel et Julien

Le jour de Noël

Axel

Bien... Tout est prêt, je suis prêt... bien !

Tout va bien se passer, c'est ce que me répète Lénie depuis tout à l'heure. J'essaie de m'y raccrocher le plus fort possible, nous sommes en direct pendant une partie de la journée, je dois garder le masque et faire en sorte que tout le monde croit que tout va bien. Les téléspectateurs en tout cas, je sais que les autres sont au courant, je le vois dans les petites attentions que j'ai reçues toute la journée.

Lénie qui agit comme une garde du corps, bien qu'elle se soit renommée elle-même « garde du cœur ». Je souris à ce surnom en descendant les escaliers. J'y croise Djibriel qui court partout, stressé pour que tout soit exactement à sa place. J'ai le sentiment que ça devrait être à moi de le faire, d'organiser, de vérifier, ça a toujours été mon rôle en tant qu'élève modèle, quelle que soit l'école.

Aujourd'hui, je me laisse porté, c'est Héléna qui me réceptionne en bas, toute sourire. J'ai l'impression qu'ils ne veulent pas me laisser seul plus d'une minute, de peur que je m'effondre. Elle s'accroche à mon bras et nous partons d'un bon train vers la cuisine.

« Merci pour le petit-déjeuner, c'était vraiment très bon. » Je lui chuchote comme nous passons par les couloirs ou tout le monde est occupé à finir de déplacer et d'ajouter des meubles.

Elle s'arrête un instant, et son sourire se teinte de tristesse. C'est Candice qui nous a apporté le petit déjeuner tout à l'heure, préparer par elle et notre idole belge personnelle.

« Je... je me suis dit que tu aurais besoin de manger. Entre hier et aujourd'hui on sait que ça ne sera pas facile pour toi.(Elle hésite) Je... je veux dire, si tu as besoin d'aide n'hésite pas à nous le demander. »

C'est à mon tour de lui sourire, les larmes me montant aux yeux. Je pensais avoir tout épuisé sur l'oreiller, il semblerait que ces réserves-là ne se tarissent jamais. Je sers sa main dans la mienne dans une tentative de lui montrer que ça me touche énormément.

« Merci Héléna (ma voix s'étrangle un peu, mais je me reprends d'un léger raclement de gorge ), vous faites déjà beaucoup pour moi. Ne crois pas que je n'ai pas vu ce que fait Pierre, ni le travail que Djidji fait à ma place. »

Elle rougit légèrement et fait mine de regarder ailleurs, trahissant une certaine complicité dans ces bonnes actions, peut-être autre chose aussi, mais ça n'est pas le moment. Nous reprenons notre route et elle continue, quelques secondes plus tard, à voix basse.

« Et bien, il faut s'entraider dans cette aventure n'est-ce pas ?

Elle semble sur le point de dire autre chose, mais nous sommes arrivés, Candice est en train de dresser la table et nous lui portons assistance. La table sera complète ce midi, prêt de 20 assiettes et d'après les plats que je vois sur le comptoir, un nombre conséquent de plats pour nourrir les candidats et leurs invités.

En parlant d'eux, Pierre vient de débarquer dans la pièce, un sourire nerveux sur les lèvres, la chemise froissée d'avoir courue.

« Le bus vient d'arrivé, ils sont là ! »

C'est dingue le nombre de phrases qui peuvent faire partir votre cœur dans une valse endiablé...

Julien

Les choses se passent plutôt bien pour le moment.

Les invités viennent d'arriver et je suis enfin libéré de ma deuxième ombre nommée Pierre. Loin de moi l'idée de dire que sa présence n'est pas agréable, mais elle le serait sans doute un peu plus s'il avait arrêté de me foudroyer du regard dès que j'envisageais d'entrer dans la même pièce qu'Axel.

Nous n'avons pas échangé grand-chose, néanmoins le peu de mots qu'il a prononcé ont été suffisant pour me faire comprendre différentes choses. Premièrement, que j'ai ruiné la nuit de tout le monde, deuxièmement que si je compte ruiner Noël, j'ai une bonne chance de me faire briser quelque chose en échange et troisièmement, que je devrais apprendre à communiquer sans montrer les dents à ceux qui ne sont pas d'accord avec moi.

Au moins, je n'ai pas reçu de critiques virulentes, c'est en ça que sa présence constante n'était pas non plus désagréable. Il aurait pu m'incendier comme Lénie cette nuit, mais il a préféré m'aider à préparer le château pour recevoir nos familles, la matinée aurait pu être bien pire...

Je n'avais pas prévu de parler à Axel avant ce soir, le laisser digérer la situation et lui apporter toutes les réponses qu'il veut ce soir. Ne pas le voir du tout par contre ? Ça n'était pas dans les plans. Maintenant que les familles sont là, le temps n'est plus aux réflexions. Les caméras sont rallumées depuis quelques minutes, merci la prod pour le mot. J'ai remis le masque et m'apprête à être, pour la dernière fois, dans la peau de l'ancien Julien...

En premier, s'avance la famille de Lénie, ses parents sont fous de joies et elle fond en larmes en se jetant dans leur bras. S'en suivent les familles de Djibriel, Héléna et Candice dans des tableaux similaires, tous heureux de revoir leurs enfants prodiges. Pierre aussi a droit à son élan de joie, transformant notre rockeur personnel en enfant fier de lui devant ses parents. Puis vint mon tour et... il n'y a qu'elle ? Où sont mes parents ? Où est ma sœur ?

Je n'ai pas le temps de m'interroger plus que ça, Amélie me saute dans les bras. Je la réceptionne et fais de mon mieux pour agir comme je le devrais. Elle se colle à moi et beaucoup détournent le regard, gênés. C'est à ce moment-là qu'elle en profite pour me glisser rapidement des paroles à l'oreille.

« Je suis désolé pour hier soir, c'était nécessaire, mais cruel. Il faut qu'on parle, vite, et dans une pièce sans caméra. »

Ses paroles me glacent, je n'aurai pas dû la laisser s'approcher autant, elle va essayer de m'embobiner et ça va empirer ma situation ici.

« Amélie je te préviens (ma voix est remplie d'une rage contenue, de manière à ce qu'on n'entende pas mes mots), si c'est encore une... »

Elle me coupe, rapprochant encore sa tête au point ou ses cheveux encadrent mon visage.

« Ça n'est pas une ruse imbécile, tu as été piégé et je sais pourquoi, laisse moi t'expliquer... s'il te plaît... »

Je n'y crois pas vraiment, après tout ce temps, après le coup de Trafalgar d'hier, mais quelque chose me dit qu'elle a le droit de s'exprimer. D'autant que son utilisation du mot « piège » résonne avec mes soupçons.

Elle s'écarte de moi, le regard suppliant. Après encore quelques secondes d'hésitation, je hoche la tête, puis d'une voix forte juste ce qu'il faut pour que les autres entendent le lui indique le chemin.

« Les toilettes sont par là, viens je te guide. »

Notre départ attire quelques regards curieux, mais la plupart sont trop concentrés sur leurs retrouvailles. Je cherche Axel des yeux et le voie en grande conversation avec Nikos, sa famille n'est nulle par en vue...