Chapitre 3

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Je marche, assurée mais l'esprit fébrile. Le vent est froid mais les frissons qui me secouent ne sont pas liés à lui. Tous ces sentiments remontent à la surface et c'en devient un suicide mental.

Regardant pour la millième fois peut être depuis que je suis arrivée l'enveloppe contenant mon espoir, je relis son adresse sans qu'elle atteigne mon cerveau. Elle détient ma vie et mon bonheur entre ses mots et elle n'est pas digne de confiance. Parce que si elle me ment, je flancherai.

Je ressere mon long manteau autour de moi. Je pleure en empoignant fermement le collier qu'il m'avait offert avant de partir. Et je pleure. De colère, de hâte, de tristesse, et d'angoisse.

J'ai raté ma vie en l'attendant. J'ai raté ma vie en l'aimant.

Soudain je ralentis. Mon cerveau a compris avant mes yeux. Mes larmes sèchent sous le coup de la surprise. Ma respiration s'accélère, mon cœur prend son rythme. Mon souffle tremblotant peine à sortir tandis que trop d'air entre dans mes poumons.

Je ferme les poings, les yeux, mon esprit. J'empeche les souvenirs d'affluer dans ma mémoire. Mes joues rosissent à la seule image de son visage.

Autrefois, c'était le plus beau petit garçon que je n'avais jamais vu. Ses traits résident encrés dans un coin de ma tête pendant que je me les imagine plus masculin, plus dur.

Il doit être magnifique. Il doit être irrésistible. Et il doit être marié.

Qu'est ce que je m'imagine ? Tu m'as oublié...

Ces mots se répètent et font échos dans mon corps qui n'obéit plus à mon cerveau. Je suis consciente de la véracité de cette pensée pourtant je continue à avancer.

Je m'arrête devant la porte.

Je vois sa couleur et ses carreaux. Pourtant je m'imagine le derrière. Je vérifie le numéro de porte.

131.

Putain

Je sonne, je tremble, je pleure.

Quand la porte s'ouvre, je crois mourir. Mon cœur fait un bond mais ne lâche pas. J'aimerais courir à l'autre bout de la rue et me cacher mais mes jambes sont inutiles.

Une femme se tient là. Je la reconnais. Mince, brune, les yeux aussi bleus que son fils. Elle a un peu vieilli mais ce doit etre moi qui ai le plus changé de nous deux. Elle me fait l'effet d'un poignard empoisonné que je pourrai enlever. Mais je n'y arrive pas. Parce que le poison resterai.

Elle me regarde, m'observe, lit en moi. Elle me vide, son regard intense commence à comprendre. Elle amène sa main à sa bouche. Des larmes brillent au fond de ses yeux, léger reflet de toutes ces gouttes qui m'assaillent les joues en ce moment.

Son autre main est crispé sur la poignée de la porte. Elle n'a pas l'air décidée à bouger. Nous pourrions rester des heures ainsi. Mais seulement parce que je lis les même étoiles qui scintillaient dans les yeux de Lucas autrefois.

Contre mon gré, ma mémoire me joue des tours. Elle se remémore les invitations à venir goûter à la maison avec son fils adoré. De toutes ces soirées plateau-télé que nous adorions. Elle était douce, compréhensive. Elle ressemblait à Lucas. Et je me rappelle que j'avais voulu qu'elle soit ma belle-mère.

J'ai toujours le carnet que nous partagions lui et moi. Nous échangions des mots doux, des dessins, des idées d'avenir. J'avais même écrit mon prénom avec son nom de famille.

Abygaëlle Hans...

Brusquement, elle me fait signe d'entrer. Un simple mouvement de tête qui refléte tout son monde intérieur à cet instant. Hésitante, je fais un pas. Puis deux.

Je tiens, au troisième ?

Je m'arrête, sans savoir pourquoi. Puis je comprend que c'est parce que mon cerveau attend quelque chose. Une parole. Une invitation. De vraies retrouvailles.

Christelle se retourne, a l'air de savoir. Encore une fois, elle me comprend.

Elle fait un pas en ma direction. Puis m'etreint. Vraiment fort. Vraiment comme je le voulais. Vraiment comme j'en avais besoin.

-Tu sais...j'ai beaucoup pensé à toi...

Je pleure en silence. Et sourit.

-Vous m'avez manqués aussi...

Elle esquisse un sourire ému et nostalgique. Un de ceux dont elle a le secret. C'était comme ma deuxième mère. Et je ne la quitterais pas une deuxième fois.

Je soupire. Et dans ce seul souffle, je me surprend à expirer ma faiblesse.

-Viens, suis moi...

Un Ange Derrière Les NuagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant