1. SAUVE QUI PEUT

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ELEYAH
00h35, COLORADO, 06 Mai 2023

Il est tard lorsque mon téléphone vibre sur ma table de nuit. Je ne décroche pas tout de suite, captivée par la scène qui se déroule sur mon écran plat. Michael Scofield s'apprête à sauver la belle Sarah des méchants détenus, sous mes yeux ébahis. J'ingurgite une bonne poignée de pop corn, prête à pleurer tellement la scène est émouvante. Ils sortent tout juste des faux plafonds et à ses mains autour d'elle pour l'aider à descendre. Ils s'échangent un regard intense.

Vont-ils s'embrasser ?

Mon téléphone tombe sur le sol, me faisait détourner le regard, mais trop tard, j'ai manqué la scène. Ils courent de nouveau pour assurer leur survie.

Je pousse un juron et me penche enfin pour répondre à mon interlocuteur. J'espère qu'il a une bonne raison de me déranger. Le nom qui s'affiche à l'écran me fait déglutir.

Agatha.

Elle ne m'appelle jamais, si ce n'est pour des raisons très importantes. Je l'ai rencontrée lors d'une fête à LasVegas. Elle se trémoussait sur le bar d'une boîte de nuit devant une vingtaine d'hommes, la langue pendante. Elle s'en accommodait, roulant des hanches à chaque foulée, comme si de rien était.

Elle était menue, portant une tenue qui laissait peu de place à l'imagination. Ses hauts talons lui donnaient des jambes interminables. Et son maquillage la vieillissait de dix ans. Nos regards se sont croisés alors qu'elle se baissait pour verser une gorgée de vodka à un client. J'ai vu ce dernier glisser un billet dans son décolleté. J'ai alors compris qu'il s'agissait d'une escorte girl ou d'une gogo danseuse.

Plus tard dans la soirée, elle est venue me voir.

J'étais seule et à vrai dire je n'étais pas là pour m'amuser. J'essayais désespérément de disparaître dans la foule, mais comme dit le dicton : « Plus on essaie d'entrer dans un moule, plus on ressemble à une tarte. »

Alors elle s'est avancée jusqu'à moi, ses cheveux roux me narguant par leur vivacité. Elle m'a commandé un verre en levant le bout du doigt, sans même regarder le barman et elle m'a dit que la vie était un bordel sans nom. Qu'elle ne pouvait pas être toute blanche ou toute noire, mais qu'il n'appartenait qu'à moi de la vivre pleinement.

J'ai ri, je l'avoue. Elle n'avait aucune idée de ce que j'avais enduré, ni de ce qui m'attendait. Et puis, qui était-elle pour me lancer sa sagesse à la gueule ?

Je l'ai envoyée promener en lui demandant si faire le trottoir s'appelait vivre. J'ai regretté avoir lâché ses mots dès que j'ai vu son visage se déformer. Mais elle s'est vite ressaisie, et m'a avoué ne pas être une sainte. Ce que je ne savais pas à ce moment, c'est qu'elle savait. Elle savait à la façon dont je me comportais, à celle que j'avais de repousser les gens, que je ne vivais plus depuis longtemps. Et elle avait raison sur un point, il fallait que ça change.

Elle m'a aidé à trouver des petits postes dans les bars. En tant que serveuse, danseuse ou chanteuse, tant que ça paye bien. Je lui ai expliqué ma situation, et depuis ce jour, on ne s'est jamais vraiment quitté.

Je décroche, et ce qu'elle m'annonce me cloue sur place.

Les forces de l'ordre arrivent.

Ils m'ont retrouvée. Cette fois-ci, ils ont fait vite. À peine ai-je le temps de réaliser ce qu'il se passe que des lumières bleu et rouge dansent sur les murs de ma chambre d'hôtel, me confirmant leur présence. Je raccroche, et ne perds pas une seconde. Je jette mon pot de confiserie à même le sol et me penche en avant pour choper ma valise de secours sous mon lit. Elle est toujours prête en cas d'urgence comme celle-ci.

CalendulaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant