7. LE QG

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ALDEN

ALABAMA, BIRMINGHAM,  COFFEE GENERAL, 19H30.

- TU VEUX QUOI ??! criais-je un peu trop fort en recrachant mon café allongé.

La jeune femme en face de moi se retourne, horrifiée en secouant son col et m'adresse un regard noir. Elle déblatère des insultes dans un langage qui m'est totalement inconnu, en faisant de grands gestes. Quelques passants qui ont assisté à la scène me dévisagent, dont les clients à proximité mais je ne leur accorde aucune attention.

- Roooh, ne réagis pas comme ça, me lâche-t-il totalement détendu après la bombe qu'il vient de me sortir.

Je me lève de ma chaise, m'excusant d'un geste de la main à la personne que j'ai arrosée. Je slalome entre les tables pour m'extirper de la terrasse. Elle tente encore désespérément de se sécher munie d'une serviette en papier lorsque je la dépasse. Je m'éloigne de la foule et des regards accusateurs pour m'insérer dans une rue adjacente au boulevard, le téléphone collé à l'oreille. Je m'arrête devant une allée plus dégagée.

- Qu'est-ce que c'était que ce boucan ? demande mon interlocuteur à l'autre bout du fil.

Je l'imagine déjà les sourcils froncés, à éloigner le combiné de son oreille avant de l'approcher à nouveau, espérant mieux comprendre la situation.

- Écoute Math, repris-je en ignorant volontairement sa question. Ce n'est pas que ça me déplaît mais j'ai une réputation à tenir ! Je ne peux p...

- Et donc ? me coupe-t-il piqué à vif. J'en ai une aussi, et pourtant je m'accorde des folies...

Je reste dubitatif. Sa notoriété le précède, mais pas dans le bon sens.  On ne peut pas dire que ça changerait quoi que ce soit qu'il soit aperçu dans un endroit aussi malfamé. Il est déjà fiché comme étant de la pire espèce. Évidemment qu'il peut se le permettre. Il ne risque pas d'être renvoyé pour mauvaise conduite, ni même pour quoi que ce soit d'ailleurs. Il a arrêté de travailler dès lors où j'ai réussi dans la vie.

- La tienne est justement : la dépravation, osé-je.

Il ne bronche pas.

- Mince ! Alors me fréquenter est déjà un crime, fait-il faussement choqué. Tu as franchi un pas du côté obscur, autant entrer complètement maintenant, non ?

Je sors mon paquet de cigarette et en tire une que je glisse entre mes lèvres. Je l'allume et tire une latte en regardant les feuillages au-dessus de ma tête s'agiter sous le vent. Face à mon silence, il s'impatiente. Je le sens.

- Tu sais que t'es censé me répondre là, s'énerve-t-il faussement. Et non allumer une clope.

- C'est de ta faute, tu me tends.

- Allez, insiste-t-il. Pour une fois, tu ne peux pas te lâcher ? Juste ce soir et après je ne t'embête plus. Tu pourras retourner à tes journées ennuyeuses derrière ton ordinateur...

Je sens son ton accusateur et la culpabilité commence à se frayer un chemin jusqu'à mon cœur. Je réfléchis à la question. S'il me fout la paix après ça, ça en vaut d'autant plus le coup. Mais si je croise ne serait-ce qu'un de mes employeurs, je suis fichu.

- Où ça ? demandai-je.

Il semble hésiter un instant. Ne me dites pas qu'il n'y a même pas pensé !

- Au Show Palace, c'est pas mal.

Je pousse un soupir. Hors de question de me rendre là-bas. C'est l'endroit le plus réputé du coin. Je pari un bras que si j'y mets les pieds, je croiserais soixante pourcent de ma clientèle.

CalendulaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant