19. LA FUITE EST TERMINEE

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(ATTENTION : Mention de viol non explicite)

ELEYAH

Je file à toute allure, doublant les véhicules devant moi. Le vent fouette de façon satisfaisante mes cheveux contre la peau nue de ma nuque. Je jette un coup d'oeil dans mon rétroviseur et aperçoit le véhicule noir pousser sur l'accélérateur. Il reste en retrait, laissant deux ou trois voitures entre nous mais je sais qu'il me suit. Comment ? Parce que je tourne en rond depuis cinq minutes.

Je tourne à droite frôlant le sol à chaque intersection et le véhicule fait de même, feignant à peine l'indifférence. Je change de voie et m'insère sur une autre bretelle en direction de Selma. Sans surprise, le SUV prend la même direction. Je me retourne, une main sur la selle, pour le dévisager mais je ne distingue pas ses traits sous les reflets du soleil. Tout ce que je peux apercevoir sont sa carrure imposante et sa chevelure courte.

Il s'agit d'un homme. Nulle doute possible là-dessus. Serait-ce un sbire de Joshua ? Ou pire, lui-même ?

La panique s'empare de moi et l'adrénaline finit par prendre le dessus. Je me concentre de nouveau sur la route en prenant les commandes de mon véhicule. Je me penche bien en avant, prête à passer à la vitesse supérieure.

Je foule le sol, à deux doigts de la chute, mais je continue cette course effrénée. Je me sens pousser des ailes malgré la crainte qui me tiraille les intestins. Je suis hors d'atteinte, propulsée à plus de 130 kilomètres/heure sur la départementale. Les bâtiments défilent à perte de vue. Je manque de peu de faucher une pauvre dame traversant la route à l'aide de sa canne. Elle fait de grands gestes dans le miroir de ma moto en beuglant des mots que je ne peux qu'imaginer. Le véhicule à ma suite pile derrière elle et un sourire naît sur mon visage.

Tu ne l'avais pas vue venir celle-là, hein...

J'en profite pour changer une énième fois de direction, empruntant une ruelle sinueuse réservée aux piétons. Tant pis pour la déontologie. Ma survie prime sur tout en cet instant.

Je slalome, évitant les sacs poubelles éparpillés de chaque côté de la voie. La moto tangue en évitant les nids de poule. Je poursuis mon chemin et en sortant à l'autre extrémité, je dévie à gauche à toute bringue, rejoignant une route plus sûre.

J'avance sans réfléchir. Mon cerveau s'est activée en mode survie depuis que cette même sensation qu'au stand de tir m'a parcourue. Celle d'être observée. Les poils dans ma nuque se sont hérissés, laissant une brûlure sur ma peau. Un picotement insoutenable qui me chatouillait inlassablement pour m'avertir d'une présence malveillante.

Et puis je l'ai vue, stationnée dans l'obscurité, comme une ombre qui ne te lâche pas la semelle. Le Range Rover imposant et menaçant se dissimulant dans la pénombre. Il ne m'a fallu qu'un fragment de seconde pour détaler.

Isaac a essayé de me retenir, s'inquiétant de mon état mental. Foutues émotions. Je n'aurais pas dû me livrer autant à un inconnu. Mais cet homme et son regard clair m'ont envoûtés, m'invitant à tout livrer sur un plateau d'échiquier dont je me sais en échec.

Je me stoppe net au bout d'une ruelle déserte et relève ma visière. Je balaye la route des yeux, guettant le moindre signe suspect avant de poursuivre mon chemin, le souffle court. Seules quelques voitures circulent mais aucune n'attire mon attention.

Je profite de ce moment de répit pour placer la main sur mon cœur afin de calmer ses palpitations. Je ferme les yeux et compte jusqu'à 10.

– Respire... me chuchoté-je avant de reprendre le compteur.

Ma cage thoracique se soulève difficilement, la panique essayant de prendre toute la place. Elle m'enveloppe, me plongeant encore et toujours au tréfond de mon subconscient. Elle veut m'emporter et aspirer le peu d'espoir qui fait battre mon cœur.

CalendulaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant