5. HORS DU TEMPS

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ELEYAH

15H00 - Chatfield Lake South Boat Ramp, Douglas.

Cela fait une bonne demi-heure que je suis arrivée sur place, sans nouvelles de mon amie. Je suis assise dans le parc, les yeux rivés sur le large. J'admire le lac qui s'étend à l'infini devant moi. Des canards remuent leurs ailes sur le bord tentant de se sécher. Le soleil tape sur ma peau, et la brise vient caresser mes cheveux faisant remuer les mèches sur mes yeux. C'est apaisant comme sensation. Ça ressemble à une esquisse de liberté. C'est une denrée rare de nos jours. J'ai toujours apprécié les voyages pour cette raison. Je me coupe du monde extérieur, de mes problèmes pour me focaliser uniquement sur le goût de légèreté qui s'offre à moi. C'est pour cette raison que je suis excitée à l'idée de quitter cet endroit et de reprendre la route. Mon esprit aventurier n'en est que comblé.

Un klaxon derrière moi me sort de mes pensées. Je me retourne avant d'apercevoir un van bleu clair, à fleurs blanches sur le flanc, se garer à côté de ma moto. Une tête rousse sort par la fenêtre côté conducteur avec un large sourire en agitant un bras de droite à gauche. On aurait pu faire mieux pour la discrétion.

C'est quoi cette carrosserie ?

Elle quitte son véhicule pour me rejoindre.  Je n'ai même pas eu le temps de me relever qu'elle me saute déjà dans les bras.

- Tu m'as tellement manqué, déclare-t-elle au bord des larmes. J'ai cru que je ne te reverrais jamais.

Je place mes mains qui s'étaient figées en l'air, surprise, dans son dos et le tapote frénétiquement. Je n'aime pas les contacts physiques. Habituellement, je l'aurais envoyée promener mais au vu des circonstances, je lui accorde cet instant privilégié. Voyant qu'elle ne se décolle toujours pas de moi après une dizaine de secondes, je commence à m'agiter.

- Bon, on ne va pas rester comme ça pendant dix ans, fis-je mi-agacée, mi-amusée.

Elle desserre son étreinte et m'offre son plus beau sourire.

- Désolée, reprit-elle en essuyant une larme naissante. J'avais oublié que tu n'aimais pas les câlins mais je suis si soulagée que tu n'aies rien...

- Ne t'en fais pas, la rassuré-je. Je suis solide.

Tu mens. Je chasse cette pensée d'un geste de la main et me concentre de nouveau sur mon amie.

- D'ailleurs je ne t'ai pas remerciée de m'avoir prévenue, alors merci.

Elle hoche la tête, signe qu'elle n'en tient pas rigueur. Cependant, un doute persiste.

- Comment tu as su, l'interrogeais-je ?

Elle semble hésiter un instant.

- J'ai un contact avec la police, m'informe-t-elle. Mon voisin est officier. Il est passé prendre de la farine hier soir et son bip a sonné. Il a dû partir à l'hôtel pour une intervention d'urgence, alors j'ai compris que ça devait avoir un lien  avec toi.

Je la toise un instant. Ses joues rougissent un peu, et elle baisse les yeux. Qu'est-ce que ça veut dire ?  Me cache-t-elle un amant ? Je hausse les sourcils et souris.

- Ce n'est pas ce que tu crois, me devance-t-elle, sa voix partant dans les aigus.

- Pourtant, ça en a tout l'air...

Elle lâche un soupir et s'éloigne de moi. Elle me fuit ou je rêve ? Je la suis près du véhicule. Elle se dirige vers le coffre et m'indique la remorque pour ma moto. Elle retire les sécurités tandis que je récupère mon bolide pour le charger à l'arrière.

CalendulaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant