13. NUIT ETOILEE

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ELEYAH

Cela fait quelques jours que je n'ai pas de nouvelles d'Agatha. Elle est partie en m'informant qu'elle allait voyager quelque temps pour se retrouver. Je ne lui en veux pas, la cavale n'est pas de tout repos. Ce sont des montagnes russes sans fin dans lesquelles on finit par se perdre.

Je suis donc sur le toit du Motel Palace à contempler les étoiles qui scintillent au-dessus de ma tête, une clope au bec. Je n'ai pas encore eu le courage de défaire mes bagages, trop craintive qu'une énième patrouille ne vienne fouiller les lieux.

Je réfléchis à la vie que je veux mener et mon petit rêve semble se fissurer et s'éloigner un peu plus chaque jour. J'ai cette sensation dérangeante qui s'accroche à mes intestins et ne me quitte plus, me criant que je ne serais jamais apte à revivre.

C'est étrange, mais étonnamment j'ai fini par m'habituer à tout cela. Celle de devoir quitter ma résidence en vitesse, à ne pas s'attacher, jamais, et à filer sans un seul regard en arrière. A penser comme ça, je revois ma mère et je secoue la tête. Quelle hypocrite je fais.

Le vent souffle comme une esquisse, agitant mes cheveux sur mes yeux. Je les ferme en appréciant ce contact. Le silence plane sur Selma. Cette atmosphère est apaisante. J'avais besoin d'un peu de répit avant de filer en douce en France, et retrouver mes origines.

Je me demande si ma mère n'y est pas. Après tout, elle y a vécu toute son enfance avant de rencontrer mon père. Non, il ne faut pas que je pense à elle. Elle nous a laissé et ne souhaite certainement pas que je la retrouve un jour.

Je soupire et rouvre les paupières pour profiter de la vue qui s'offre à moi. La ville au loin scintille de mille feux. Les petites maisons plus bas ne vont pas tarder à s'éteindre pour se fondre dans l'obscurité de la nuit. Je tire une latte et recrache un nuage de fumée.

Un claquement de porte retentit derrière moi et je me retourne vivement. Une silhouette se dessine dans l'ombre. Elle s'avance d'un pas décidé et s'approche. C'est un homme d'après sa corpulence mais il ne semble pas m'avoir vue, trop concentré sur un objet qu'il tient entre ses mains. Il s'avance encore et se stoppe net en me voyant.

– Oh désolé, je ne voulais pas vous déranger.

Il observe autour de lui, embarrassé. La lumière plus bas éclaire son visage et je peux distinguer des traits fins sous sa chevelure blonde. Il se passe une main dans la nuque et affiche un sourire à faire tomber.

– Ne vous inquiétez pas, il n'y a pas de mal, réponds-je intimidée.

Il indique le bloc sur lequel je suis perchée et je baisse la tête vers la petite place que mon corps a laissée.

– Je peux ?

J'hésite un instant, peu confiante. Il reprend.

– C'est juste que vous avez la meilleure vue et que c'est le seul endroit éclairé.

Il agite son bouquin sous mon nez et je ne peux que hocher la tête à sa demande. Je me décale un peu sur ma droite et il en profite pour poser ses fesses.

– Un homme qui lit... C'est plutôt rare de nos jours.

– Vous trouvez ?

Je hausse les épaules.

– J'ai l'impression que c'est démodé.

– Je ne l'espère pas. Sinon, je serais vraiment ringard et je ne pourrais plus approcher une jolie blonde.

Il m'adresse un regard en coin, et je baisse la tête vers mes cheveux m'apercevant que je n'ai pas pris la peine de mettre une perruque. Je fais vraiment n'importe quoi en ce moment. D'abord le coup de la caravane, mes sentiments qui partent en vrille et me font rêver chaque soir au même regard, puis ça... Il est temps que je me reprenne en main. Un petite voix dans ma tête refait surface.

CalendulaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant