• chapitre 34

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L'ambiance à l'appartement était tendue. La veille, en repartant de la concession, Minho avait à peine adressé un mot à Jisung. La venue de son père l'avait perturbé et, malgré les tentatives du jeune homme pour le faire parler, il s'était fermé comme une huître. Pourtant, il s'agissait de leur dernière soirée rien que tous les deux avant le retour de Dayoung, alors Jisung avait espéré bien plus que le silence et la distance entre eux. Il aurait aimé qu'ils profitent de ce moment pour à nouveau coucher ensemble, parce que même s'il avait mis quelques jours à encaisser cette première fois, il était aussi très impatient de recommencer. Cependant, tout ne s'était pas déroulé comme prévu. Les paroles qu'il avait perçues de l'autre côté de la porte étaient horribles, et il comprenait parfaitement que Minho puisse être touché et surtout blessé par ces dernières. Entendre cela de la bouche de son propre père était d'une telle violence… Jisung ne pouvait pas lui en vouloir car il se mettait à sa place. Si son propre père avait prononcé ces mots, il n'aurait pas été aussi fort que lui. Il aurait probablement fondu en larmes, ou aurait explosé de frustration et de colère. 

Petit à petit, les pièces du puzzle se rassemblaient pour lui laisser entrevoir la vérité qui se cachait derrière l'union entre Minho et sa demi-sœur. C'était une façon de dissimuler ce que l'homme considérait comme anormal chez son fils. Il voulait sans doute qu'il efface qui il était réellement pour préférer une apparence impeccable et qui ne choquerait pas la société. Ou surtout, la haute société. Ils évoluaient dans les sphères mondaines, où le paraître primait sur le reste. Dans ce monde, ils devaient se faire accepter, jouer un rôle et le tenir à merveille. Ils étaient les acteurs principaux d'une pièce de théâtre sociale, où chaque geste, chaque mot, était scruté et jugé par les autres membres de cette élite. Un spectacle où les masques étaient plus importants que les vrais visages.

Pour Minho, ces masques étaient sûrement devenus une prison dorée qui l'empêchait d'être lui-même, libre de ses choix et de son identité. Jisung ressentait toute la frustration et la douleur que l'homme devait endurer chaque jour pour correspondre à cette image fabriquée par son père et la société qui l'entourait. Maintenant, tout était clair.

Sa rudesse n'était que le résultat de toute sa souffrance, de sa fatigue intense qui le rongeait. Il s'épuisait à être celui qu'il n'était pas, celui qu'il ne serait jamais. Chaque jour devait être un fardeau de plus. Et Jisung se sentait terriblement impuissant. Il ne pouvait pas changer le passé de Minho ni les attaques cruelles de son père. Même s'il voulait montrer qu'il était là, il ne se sentait pas assez fort pour être un allié de taille. Après tout, il n'était qu'un jeune homme de vingt ans qui n'avait pas beaucoup d'expérience. Leurs vies étaient différentes, et Minho était enfermé dans ce carcan depuis tant d'années qu'il n'était pas certain de pouvoir faire quoi que ce soit. Il n'était pas un preux chevalier ou un prince charmant qui arriverait sur son cheval blanc dans sa vie pour le sauver de sa situation. Même s'il était touché par ce qu'il vivait, il avait aussi conscience qu'il devait rester à sa place.

Assis dans le canapé, face à l'immense écran noir de la télévision, Jisung se perdait dans ses réflexions. Il était peut-être dégoûté de ne pas avoir pu profiter de cette dernière soirée sans Dayoung, mais il ne voulait pas sembler capricieux. Ce n'était pas ça le plus important, mais plutôt de savoir si Minho allait bien. Il n'était pas loin de midi et l'homme ne s'était toujours pas montré. Il était censé travailler aujourd'hui, et Jisung se demanda s'il avait pu partir très tôt ce matin. Mais il n'en savait rien. Ils avaient dormi ensemble toutes les nuits précédentes mais hier, Minho s'était éclipsé dans sa chambre pour ne plus en sortir. Et ça commençait sérieusement à l'inquiéter.

Il prit son courage à deux mains et se leva, bien décidé à toquer à sa porte. Il traîna mollement les pieds dans le couloir, un calme olympien régnait dans l'appartement et il détestait ça. Il préférait encore les rires grossiers des amis de son beau-frère et les remarques graveleuses à ce silence oppressant. Une fois devant la porte, il inspira à pleins poumons, une forte odeur de tabac lui envahit les narines. Doucement, son poing s'abattit sur le bois. Il patienta quelques secondes avant de réitérer l'opération avec plus de puissance, et cette fois la porte s'ouvrit à la volée.

ENTRE SES MAINS ➹ minsungOù les histoires vivent. Découvrez maintenant