Chapitre 19 - Naos

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Le soir était déjà bien installé lorsque nous reprîmes la route après notre première escapade, et un dîner que nous avions été forcé de prendre en extérieur puisque nous nous étions écarté de notre lieu d'habitation. Sous les phares, la route défilait. L'air plus frais s'engouffrait dans les vitres, et la radio tournait en bruit de fond. Le dossier de mon assise légèrement reculé, je profitais de cet instant paisible. Dean, quant à lui, était concentré sur sa conduite. Ses sourcils froncés, ses yeux fixés sur la chaussée, il était plutôt silencieux. C'était une ambiance que j'appréciais et je m'y sentais bien. J'expirais de contentement, me sentant étrangement au bon endroit. Le son des roues sur l'asphalte s'entendait aussi en fond. Alors que je me languissais de cet instant apaisant, une sonnerie retentit et je ne pus empêcher mon grognement. Je me redressais pour découvrir le téléphone coupable et notais qu'il s'agissait de celui de Dean. Je me penchais, remarquais qu'il s'agissait de Gabrielle et sentais déjà mon agacement.

« Tu comptes lui répondre ? Fis-je. »

Dean me scruta brièvement, haussant les épaules. Avec une réelle honnêteté, il avoua :

« Je n'ai pas envie.

-Pourquoi tu ne l'as largues pas ? Lâchais-je. »

Il soupira, l'une de ses mains fourrageant ses cheveux. La conversation l'ennuyait ou le rendait nerveux. Alors que je jetais un œil à son smartphone, il s'éteignit et son son cessa. Je me renfonçais dans mon siège. Je n'attendais pas vraiment de réponse de Dean. Je savais qu'il avait quelqu'un, un homme, en vue. J'étais aussi conscient qu'il n'osait pas faire certains pas. C'était ses affaires, non pas les miennes. Cependant, je tendis tout de même l'oreille lorsqu'il lâcha :

« J'ai plus de chance avec elle qu'avec lui. »

Je ne pus m'empêcher de rire. Il partait défaitiste ou alors il s'était entiché d'un hétéro. Je croisais mes bras sur ma poitrine, penchais mon visage dans sa direction et déclara :

« Pourquoi tu penses que c'est mort avec cet inconnu ? »

Son regard ancré à la route face à lui, il resta un instant silencieux. Je me doutais qu'il analysait la situation avant de répondre. Sa bouche s'ouvrit, puis se referma. Il hésita un instant encore. Puis lorsqu'il allait le faire, son téléphone fit encore des siennes. Je jurais, agacé, et ne pus m'empêcher d'agir sur le coup d'une impulsion. En quelques secondes, le téléphone était entre mes mains et je décrochais. Le combiné rejoignit rapidement mon oreille, et je maugréais :

« Putain, tu peux pas le laisser vivre ? T'es une vraie sangsue. »

Il y eut quelques longues secondes de silence, avant qu'un ton crécelle, que je détestais, ne perce mes tympans.

« Il ne répond à aucun de mes messages depuis près de deux jours, mais je vois qu'il est encore vivant... En mauvaise compagnie. Je te pensais disparut du paysage, pour de bon. »

Autant sa voix m'agaçait, mais je n'avais pas de mal à imaginer ses mimiques agaçantes. Avant qu'elle ne soit avec mon demi-frère, elle était une tête connue de loin. Or, une fois qu'ils s'étaient mis ensemble, elle m'avait détesté d'entrée. Cela était partagé. Je n'appréciais pas ses manières, ni même le fait que le blond se soit entiché d'elle. Je ne voyais vraiment pas ce qu'il lui trouvait. Je regardais alors Dean, un air particulièrement agacé sur le visage. Il se contenta de tendre sa main mais je refusais de lui rendre le téléphone.

« Es-tu jalouse de moi ? Tapais-je sûrement dans le mille. »

Cette hypothèse avait grandit dans ma tête ces derniers mois, sans que je ne comprenne pourquoi elle ressentirait cela envers moi. Après tout, jusqu'au mois dernier, nous n'étions pas proche. Un instant passa sans qu'elle ne réponde. Or, finalement, elle rigola bizarrement :

« Dean n'est pas comme toi, et heureusement.

-Attention, avec un tel comportement tu risques de lui faire revoir la question. »

Dean m'interpella, un air interrogateur sur son visage. Je le balayais d'un geste évasif de la main avant de cracher à l'encontre du boulet à l'autre bout du téléphone :

« En tous cas, je n'ai pas le temps de te parler et Dean non plus. Il est trop occupé à vivre bien heureux sans toi. »

Sur ses mots, et avec toute la maturité dont je fus incapable, je raccrochais et éteignais son smartphone. Je le posais ensuite vivement sur la console centrale et soufflais particulièrement fort.

***

Dean

Naos avait les yeux plissés, les lèvres pincées. L'échange avec Gabrielle venait d'être sifflant, et je craignais que le Naos de ces dernières 24h ne disparaisse de ce fait. Alors, pour le rassurer, je glissais une main sur sa cuisse et la serrais.

« C'est une plaie, parfois, tentais-je. »

Les yeux de Naos s'écarquillèrent, il fut vif à se remettre droit et à déclarer, alors que je scrutais de nouveau la route.

« Une plaie ? Tu es bien gentil. C'est un boulet, pire même ! Sérieusement, qu'est-ce que tu fous avec. »

Sans réfléchir, ma main monta à la nuque de Naos et je la serrais de nouveau. Au lieu de s'en extirper en m'observant étrangement, il s'en contenta et ferma même les yeux pour en profiter.

« Je te l'ai déjà expliqué, indiquais-je.

-Tu es vraiment pas réglo, aussi, me reprocha-t-il maintenant qu'il était agacé. Largues-là si tu ne l'aimes pas tant que ça. C'est simple. Si tu aimes quelqu'un, tu lui réponds. Là... Tu la négliges. »

Il marqua une pause ou il se frotta brièvement le visage. Ensuite, je le libérais et il se renfonçait dans son assise. Ma main trouva le levier de vitesse, et je pris soin de fixer mes prunelles sur la route maintenant que j'avais envie de le toucher de nouveau, et avec moins de décence.

« Si tu la jartais, ça m'arrangerait, confirma-t-il. »

Je me figeais à ses drôles de paroles, et questionnais :

« Pourquoi ?

-Je ne l'aime pas.

-Pour quelles raisons, d'ailleurs ?

-Elle respire. »

Je rigolais alors, tapotant sur sa cuisse et osant la caler sur cette partie de son corps. J'attendis sa réaction. Or, il n'eut aucun mouvement. J'en profitais donc pour affirmer calmement :

« Je le ferai sûrement, au bout d'un moment. Mais, elle n'a pas que de mauvais côté quand tu apprends à la connaître. »

Je vis dans ma vision périphérique que Naos levait les bras au ciel comme s'il était désabusé. Il gronda :

« Tu me désespères. Juste parce que tu penses qu'avec ce mec, c'est mort. »

Je ne rétorquais rien.

« Il est hétéro ? Tenta Naos.

-Non, affirmais-je.

-Il t'a donné des signes ?

-Aucun. On se connaît depuis quelques années. »

Mon palpitant s'emballa à cette prise de risque et les secondes parurent durer des heures tant il réfléchissait. Finalement, Naos prit parole :

« Ce ne sont que des détails.

-Il n'est pas intéressé. Je le sais quand quelqu'un me veut.

-Laisses-lui le temps. »

J'eus un rictus en me disant que c'était ironique, ou alors Naos se doutait de quelque chose ? Cette discussion glissais trop et je me hâtais de modifier le topique. Au final, alors que je me murais dans un silence, Naos souffla. Il entremêla ensuite nos doigts, les laissant sur sa cuisse. Il réalisa une pression sur ma main et indiqua :

« Je te supportes à fond. »

S'il savait. 

On dit que les opposés s'attirent...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant