II.3

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J'arrive de bonne heure au commissariat ce matin. Je sais qu'Éric est de retour aujourd'hui. C'est mon partenaire de travail depuis des années, et accessoirement un bon ami. Mais ce con s'est chopé une grave intoxication alimentaire et il a été contraint de rester chez lui pendant deux semaines. Alors ce matin, je suis heureuse de le retrouver. Je ne lui avouerai jamais, mais il m'a un peu manqué. Au travail j'entends. J'arrive à l'étage, les talons de mes escarpins résonnent dans les escaliers. Il se retourne vers moi.

« Lieutenant Noguera.

- Lieutenant Fabre. »

On pouffe de rire avant de se prendre dans les bras. Se saluer de cette manière nous a toujours fait rire, c'est beaucoup trop solennel et sérieux pour nous deux. Nous prenons le temps de nous retrouver, je lui raconte dans les grandes lignes ce qu'il a loupé durant son absence. Le cadavre dans le Lez, quelques interrogatoires compliqués, ainsi que mes récentes mésaventures au Jones.

« Bref, certaines personnes se croient tout permis. Sans grande surprise, c'était un homme.

- Toujours aussi misandre toi, dit-il en riant.

- Je suis pas misandre. J'ai juste toujours eu des rapports compliqués avec les hommes. »

Il me regarde d'un air vexé.

« Et moi ? Et Chris ? Et Eddy ? On est des hommes je te signale.

- C'est pas pareil. Vous êtes des exceptions... qui confirment la règle.

- Roooh. »

Même mon père est un connard. A partir de ce moment-là, comment faire confiance aux hommes, si même mon géniteur, celui dont le sang coule dans mes veines, n'est pas digne de confiance ?

« En parlant d'Eddy, dit-il en se raclant la gorge, j'ai croisé sa mère hier. Elle m'a dit que tu l'accompagnais souvent le voir.

- Oui, je l'ai accompagnée quelques fois. Elle arrive pas à y aller seule, c'est dur pour elle de voir son fils... comme ça. 

- Tu vas voir Eddy combien de fois par semaine à peu près ? »

Son ton sonne comme un reproche. Je le sens, et je ne peux m'empêcher de me renfermer. Si même lui ne comprend pas, qui pourrait comprendre ?

« J'arrive pas à me faire à l'idée Éric. C'est trop tôt. Il te manque pas toi ?

- Bien sûr que si. »

Un long silence s'installe. L'évocation d'Eddy crée toujours ce petit malaise. C'est comme s'il était encore plus présent avec nous depuis son absence. Éric décide de changer de sujet, voyant que je ne suis pas trop loquace ni d'humeur à parler de mon ancien coéquipier.

« Et quoi de neuf pour toi sinon ?

- Pas grand-chose. Ah si, j'ai une nouvelle voisine.

- L'appartement maudit est de nouveau occupé ? Ok, je parie que cette personne va rester... hum... jusqu'à janvier max. Et toi ? »

C'est devenu un jeu entre nous depuis que je suis dans cet immeuble et que mes voisins de palier changent à une fréquence assez incroyable. On parie toujours sur la durée de voisinage avec cette nouvelle personne, et le perdant doit une bière à l'autre. On s'amuse comme on peut. Mais aujourd'hui, je n'ai pas envie de faire de pari. Je n'ai pas envie d'essayer de deviner combien de temps Hortense sera ma voisine. En fait, j'ai envie qu'elle reste plus longtemps que les autres. Je veux que cette malédiction finisse avec elle. Pour la première fois de ma vie, je suis contente d'avoir une voisine. 

« Je sais pas. Tout ce que je sais, c'est que je la connais déjà. »

Il ne lui en faut pas plus pour comprendre ce que je veux dire par là. Il se met à éclater de rire. Merci de ta sollicitude, Éric.

Cœur de pierre, esprit de fer (BagheraJones & HortyUnderscore Fanfic)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant