V.5

196 13 36
                                    

Aujourd'hui est un grand jour. Un jour pendant lequel je vais faire la plus grosse connerie de ma vie. Ou peut-être pas. Tout ce que je sais, c'est que je ne regretterai rien. Nous ne vivons pas assez longtemps pour avoir des regrets, et j'en ai marre d'en avoir.

Au saut du lit, la cafetière fait déjà du bruit. J'avale mon café d'une traite, comme un shot de vodka. Un message sur mon téléphone m'informe que tout s'est passé comme prévu, pour l'instant du moins. Giorgia est sur place. Maintenant, c'est à moi de remplir ma part du contrat. Je me prépare en chantonnant doucement pour éviter de trop penser à ce qui va suivre. Je murmure les paroles de Tina Turner. Ça m'a fait plaisir qu'Hortense choisisse cette chanson hier. The Best est l'une de mes chansons préférées, et ce depuis que je suis toute petite. Hortense m'a fait un clin d'œil en mettant cette chanson. Il faut que je pense à lui rendre. Demain je pourrais peut-être aller la voir. Aujourd'hui c'est la dernière étape, je n'aurai bientôt plus d'excuses pour retarder ce moment que je redoute tant et dont j'ai si hâte en même temps. Bientôt, je pourrais me présenter nue face à elle – au sens figuré j'entends, ce serait un peu bizarre sinon – pour présenter mes excuses, lui dire tout ce que j'ai fait pour enfouir une bonne fois pour toute mon passé et mes remords. C'est terrifiant et exaltant.

Alors que je ferme mon appartement, perdue dans mes pensées, redoutant un peu ce qui va suivre, un bruit de porte qui s'ouvre derrière moi me fait me retourner soudainement. Hortense est là, sur le seuil de sa porte, à me regarder. De longues secondes de silence s'installent entre nous, comme ce fut le cas le jour où elle est revenue de ses vacances. Ne sachant pas trop quoi faire, ni comment réagir, je me redresse et fait quelques pas sur notre palier, avant de me racler la gorge et d'enfin me lancer :

« Salut, dis-je le plus sobrement possible, essayant de cacher mon émoi de lui parler à nouveau.

- Salut. »

Elle me répond sur le même ton. Nous sommes dans la même situation, égales dans notre hésitation. C'est la première fois qu'on se parle depuis notre rupture. Enfin pas vraiment, on a parlé par message, mais ce n'est pas la même chose, et surtout, nos derniers messages envoyés étaient dépourvus de tout sous-entendu sur notre relation. Là, face à elle, mon regard dans le sien, ce n'est pas pareil que derrière mon écran. Je me sens gauche, ma bouche est pâteuse, j'ai l'impression d'être une adolescente face à son crush. Incapable de reprendre la parole, Hortense le fait à ma place, hésitante :

« Ce serait bien qu'on puisse parler... toutes les deux... quand tu pourras.

- J'avais prévu de venir te parler, mais je dois finir quelque chose avant. Laisse moi encore quelques heures.

- Qu'est-ce que tu dois faire ?

- Me libérer de mes démons. En quelque sorte. Je dois botter le cul du dernier là. »

Un sourire apparaît sur son visage. Il m'avait manqué celui-là.

« Va botter le cul de ton démon alors. »

Je souris à mon tour. Je profite encore un peu de ses yeux avant de me diriger vers les escaliers. Je descends à peine trois marches qu'Hortense m'adresse à nouveau la parole.

« Justine ?

- Oui ?

- Tu reviens hein ?

- Je reviens toujours. »

Et après un dernier sourire échangé, je descends les escaliers, tout d'un coup extrêmement légère. Mais je ne dois pas perdre de vue mon objectif du jour. Je pourrais me détendre après, mais pas maintenant. Mon air grave revient aussi vite qu'il est parti devant Hortense. Je sors de mon immeuble, mon casque de moto à la main. Une surprise m'attend dehors. Éric. Merde, ce n'était pas prévu ça. Accolé à sa voiture, il semble attendre quelque chose. Moi, sans doute, qu'est-ce qu'il ferait là sinon ? Je vais lui demander directement, de toute façon, il m'a vu.

Cœur de pierre, esprit de fer (BagheraJones & HortyUnderscore Fanfic)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant