III.2

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Justine prend une grande inspiration. Ses mains sont posées sur son ventre, sa tête sur mes cuisses, et ses yeux dans les miens. Dans cette position, je peux parfaitement l'observer, en hauteur en plus, ce qui n'arrive jamais. Elle a un si beau visage cette fille, c'est dingue. Je sais que ce qu'elle s'apprête à faire n'est pas un exercice facile pour elle, alors je passe mes doigts sur son visage et dans ses cheveux, comme pour l'encourager.

« J'ai eu une enfance banale, une adolescence compliquée comme beaucoup. Je vais t'épargner ça, c'est pas très intéressant. J'ai pas fini le lycée, comme tu le sais, donc je suis partie en apprentissage dans une école de cuisine. Je voulais être cheffe à cette époque.

- Ah mais c'est pour ça que tu cuisines aussi bien alors ?

- Oui, j'ai beaucoup appris là-bas, c'était trop chouette. C'est d'ailleurs à cette école que j'ai rencontré Chris. »

Elle a un grand sourire en parlant de cette époque. C'est beau de voir qu'elle a gardé cette passion de la cuisine après toutes ces années. Mais son sourire s'efface presque immédiatement.

« Bref, tout allait bien jusqu'à mes 19 ans. Ma petite sœur a disparu, du jour au lendemain.

- Elle avait quel âge ?

- 12 ans.

- Putain. »

12 ans. Je ne sais pas comment j'aurais réagi si quelqu'un de ma famille disparaissait subitement à cet âge. C'est inimaginable.

« Depuis ce jour, tout a commencé à partir en couilles, si tu me permets l'expression. Ma mère était inconsolable, mon père était à peine préoccupé, y'en avait que pour son second mariage. Mon frère essayait de garder la tête haute, et moi j'étais tellement en colère, j'étais impuissante et ça m'énervait au plus haut point. Alors, presque sur un coup de tête, j'ai rejoint la police avec l'espoir que moi, je la retrouverais. Comme si j'étais meilleure que les autres. On est con quand on est jeune je te jure.

- Mais du coup... t'aimes ton métier quand même ?

- J'ai fini par l'aimer, même si je l'ai pas choisi pour les bonnes raisons. J'aime me dire que j'ai réglé des injustices et que je botte le cul de ceux qui se croient supérieurs à la loi.

- Et tu le fais à merveille, ma branche.

- Merci mon petit koala. »

On se sourit. Ces surnoms sont partis d'une blague, mais je trouve qu'ils nous correspondent bien. Elle est bien la branche solide à laquelle je m'accroche tel un koala. Mais ce soir, ma branche a besoin de moi. Mes doigts s'immiscent entre les longues mèches de cheveux de Justine. Elle a les cheveux super doux, c'est quoi son shampoing ?

« Tu l'as compris, j'ai pas réussi à la retrouver, dix ans plus tard, toujours rien. Ma mère ne me l'a jamais pardonné. Ce que tu as entendu au téléphone la dernière fois, c'est un millième de ce que je me prends dans la gueule depuis des années. »

Purée, si c'était un millième, je n'ose imaginer ce que sa mère peut lui dire. Pour moi, il ne peut pas exister pire chose qu'une mère qui dit à sa fille qu'elle a honte d'elle.

« Ta mère est bien trop dure avec toi Justine.

- Elle est pas dure, elle est déçue. Elle a placé trop d'espoir en moi, elle m'a fait promettre quelque chose que je n'ai jamais pu réaliser.

- C'est pas une excuse. C'est pas de ta faute. »

Elle se tait, son regard dérive de mes yeux pour fixer le plafond. Elle semble réfléchir à ce que je viens de lui dire. Justine, ne me dis pas que tu doutes de ça ? Je tourne sa tête vers moi pour la forcer à me regarder dans les yeux. Elle ne m'impose aucune résistance.

Cœur de pierre, esprit de fer (BagheraJones & HortyUnderscore Fanfic)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant