I.8

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J'avais espéré que le mois de septembre apporte plus de fraîcheur, mais la température est toujours aussi insupportable. La douche du matin m'a rafraîchi pendant un instant, mais la chaleur est revenue se coller à ma peau trop rapidement. Mon appartement est un hammam. Je suis fatiguée, mais il faut que j'aille travailler. L'été est la pire des saisons, c'est officiel. Les journées de travail sont encore plus dures à encaisser, déjà que mon travail n'est pas des plus reposants. Le manque de sommeil n'aide pas. J'ai reçu un appel de ma mère hier soir. Elle a pris brièvement de mes nouvelles, pour la forme, puis elle a abordé le sujet qui lui brûle les lèvres à chaque fois qu'elle m'appelle. Ma sœur. Il n'y en a que pour elle depuis dix ans. Toujours la même chose en boucle depuis des années. Et toujours la même chose à répondre. Non, maman, non, je ne sais toujours pas où elle est partie. Si elle voyait la vérité en face, elle arrêterait de se torturer avec cette question. Elle arrêterait de me rejeter la faute. Car il faut bien un coupable, il y a toujours un coupable. Ma mère l'a choisi d'elle-même. La coupable, c'est moi.

Alors que je sors de mon appartement, accompagnée de mon casque et de mes idées noires, je vois Mélina, la concierge de mon immeuble, plantée devant l'appartement voisin. Il n'y a que deux appartements à chaque palier dans cet immeuble. Elle se retourne vers moi.

« Ah Justine ! Comment ça va ? Tu te sens pas trop seule ici depuis que Victor est parti ? »

Moi, me sentir seule ? Si je pouvais ne plus avoir de voisin jusqu'à la fin de mes jours, je serais la plus heureuse. Ce n'est pas que Victor n'était pas sympathique, c'était un homme banal avec une vie banale que j'appréciais bien. Je l'appréciais comme un voisin, on se disait bonjour quand on se croisait, on prenait de brèves nouvelles de l'autre par politesse. Ni lui ni moi n'étions vraiment intéressés par la vie de l'autre. Alors non, je ne me sens pas seule sans voisin. Je me sens même très bien.

« Je vais m'en remettre.

- De toute façon, l'appartement est déjà vendu. »

Et merde. Pourquoi cet appartement est acheté aussi rapidement qu'il est quitté ? Ce n'est pas la première fois que ça arrive en plus. Cet appartement a connu beaucoup de personnes depuis je suis dans cet immeuble. J'ai d'abord pensé que c'était moi le problème, jusqu'à ce que la concierge m'avoue que c'était déjà le cas avant. C'est comme si cet appartement renfermait une malédiction, qui recommence sans cesse. Cela étant, je suis peut-être également le problème.

« Selon mes informations, ta nouvelle voisine devrait arriver d'ici un mois. Et oui, tu auras une voisine cette fois. Contente ? »

La joie se lit sur mon visage. Certes, je préfère une femme à un homme, mais je préfèrerais ne pas avoir de voisin tout court. Ma devise marche aussi pour le voisinage. Mais je vis dans un immeuble, alors je dois faire avec. J'ai un minimum de savoir-vivre, même si on dirait pas aux premiers abords. La concierge continue son monologue, sans se soucier de si je l'écoute vraiment. Je n'écoute déjà plus. Elle a tendance à être très bavarde, et pas pour raconter des choses intéressantes. Ce qui l'intéresse, ce sont les potins et les histoires de voisinage compliquées. Cependant, je dois bien concéder que ses informations, fiables selon elle et à prendre avec des pincettes selon moi, sont toujours très précises. C'est autant impressionnant que terrifiant, surtout lorsqu'elles se révèlent vraies. Alors que j'essaie d'en placer une pour lui signaler que je dois aller travailler, elle se place devant moi pour m'informer du dernier scoop. Le couple du deuxième étage, mes voisins du dessous, bat de l'aile. Adultère de monsieur apparemment. Elle me demande mon avis. Qu'est-ce que tu veux que je te dise Mélina ? Madame doit quitter ce gros connard et trouver quelqu'un qui la mérite. Ma réponse semble lui convenir et elle acquiesce. J'en profite pour me sortir de cette situation, il faut sauter sur la moindre occasion avec elle car sinon je vais encore me retrouver empêtrée dans une discussion qui ne me passionne guère.

Cœur de pierre, esprit de fer (BagheraJones & HortyUnderscore Fanfic)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant