II.7

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Il fait moche aujourd'hui. Le ciel est encombré de nuages noirs, mon esprit aussi. Pourtant, je suis sortie pour voir Eddy. J'arrive devant son nouveau chez soi, si on peut appeler ça comme ça, souffle un grand coup avant d'entrer. Je ne suis pas avec sa mère cette fois-ci, j'avais besoin de lui parler seul à seul. J'arrive devant lui, les mains vides.

« Salut Eddy. Désolée, je t'ai pas amené de fleurs aujourd'hui, mais celles de la dernière fois ne sont pas encore fanées. Je voulais juste te parler. Enfin, j'ai besoin de te parler. Ça te dérange pas ? »

Pas de réponse. Evidemment. Ça fait des mois qu'Eddy ne parle plus. Des mois que je n'ai plus entendu sa voix. Il me manque.

« Question bête. Je sais que ça te dérange pas. »

C'est l'avantage d'être mort. Tu ne peux plus être dérangé, tu es plus tranquille que tu ne l'as jamais été. Eddy est mort en juillet dernier. Il a été assassiné, retrouvé dans un sous-sol miteux où se retrouvaient des dealers et autres délinquants du genre. En tant que policière, sa mort m'a fait flipper. En tant qu'amie, sa mort m'a fait perdre les pédales. Je ne suis plus allée travailler pendant un mois, tout le commissariat était plongé dans un long deuil morne, et je n'avais pas la force de faire face à cette ambiance. L'absence d'Eddy m'était dure à accepter, et elle l'est toujours aujourd'hui. Alors je viens souvent le voir, ou plutôt voir cette pierre qui est censée le remplacer. Je dois avoir l'air d'une folle à parler à une tombe. Le chagrin rend dingue, j'en suis maintenant persuadée. Je sais très bien qu'il ne peut pas me répondre, mais l'idée qu'il m'entend peut-être me rassure. J'ai toujours tout dit à Eddy. Je continue mon monologue, comme d'habitude.

« J'aurais bien besoin de tes conseils en ce moment. Je me sens un peu perdue. »

Eddy était comme une boussole pour moi. Quand j'avais un doute, une inquiétude, je savais que je pouvais me tourner vers lui. Il avait toujours des bons conseils. Je ne les suivais pas toujours, j'ai parfois un petit côté têtu, mais j'écoutais Eddy. Je le voyais comme la voix de la sagesse lorsque je n'arrivais plus à être lucide.

« Je t'ai jamais parlé d'Hortense non ? On s'est rencontrées au Jones, on a bien accroché et on a passé une nuit ensemble. Je m'en rappelle encore. C'est pas normal non ? »

D'habitude, j'oublie facilement la nuit puis je passe la suivante avec une autre fille, que j'oublie à son tour et ainsi de suite. Je ne fais pas de ces nuits des souvenirs, j'oublie le visage de ces filles pour pouvoir en observer d'autres. C'est comme ça que je fonctionne.

« C'est elle qui a fait le premier pas en plus. C'est elle qui m'a embrassé, c'est elle qui m'a proposé de venir chez elle. Ça n'arrive jamais. Enfin si, c'est déjà arrivé, mais pas comme ça, tu comprends ? »

Je vais partir du principe qu'Eddy comprend. J'ai besoin de vider mon esprit. J'ai l'impression de vivre une crise existentielle à 28 ans. Ce n'est pas très agréable.

« C'est elle ma nouvelle voisine. La vie a le sens de l'humour parfois, pas vrai ? Du coup je vois son visage tous les jours maintenant, et le pire dans tout ça, c'est que ça me plaît. »

Si Eddy était vivant devant moi, il aurait explosé de rire. Il saurait à quel point c'est dur pour moi d'avouer ça. Mais ce n'est pas ma faute, comment ne pas être ravie de voir la petite tête d'Hortense après une dure journée de travail ?

« Elle doit à peine dépasser les 1m50, mais c'est dur de ne pas la remarquer. Elle a des mèches rouges dans ses cheveux bruns, ça lui va à merveille. De dos on dirait un peu une lycéenne, et ça la rend encore plus mignonne. »

Sans oublier ses yeux. D'un gris si rare, si précieux. Bien sûr qu'elle est belle, ça me paraît tellement évident que ça me semble inutile de le dire. La personne qui ose dire le contraire n'a tout simplement aucun goût. Ou alors de très mauvais goûts. On dit que la beauté est subjective, mais il doit bien y avoir quelques exceptions.

Cœur de pierre, esprit de fer (BagheraJones & HortyUnderscore Fanfic)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant