III.7

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Une fois n'est pas coutume, je me suis rendue au Jones ce soir, en compagnie de Carla et Florence. Nous sommes posées à une table, je ne suis donc pas perchée sur mon tabouret comme une vieille harpie. Ça changera, ça m'évitera peut-être de craquer pour une fille qui n'est pas Hortense.

« Y'a une meuf qui arrête pas de te mater. »

Carla me donne un coup de coude en me désignant de la tête une fille attablée quelques mètres plus loin. Je ne prends même pas le temps de la regarder, je détourne rapidement le regard. Carla remarque directement mon attitude réticente.

« Te gêne pas parce qu'on est là. »

Ce n'est pas vraiment pour ça que je ne suis pas intéressée par cette fille. Ce n'est pas contre elle, je pourrais avoir Miss Univers en face de moi et j'aurais exactement ce même air indifférent. Cette fille n'a pas un look de lycéenne, elle n'a pas de mèches rouges dans les cheveux. Inintéressant.

« J'ai pas envie là.

- T'as peur qu'Hortense te refasse une crise de jalousie ?

- Je savais que j'aurais jamais dû vous en parler. Vous l'embêtez pas avec ça au moins ?

- Non, on n'embête que toi. »

Bon, c'est déjà ça. Je suppose que la situation est déjà suffisamment délicate pour elle.

« C'était pas une crise de jalousie déjà.

- Et t'appelles ça comment du coup ?

- Je l'ai blessée, et cette Madison n'a pas aidé.

- Et donc c'est quand que tu comptes rectifier le tir et lui avouer que tu l'aimes bien ? »

Je lève les yeux au ciel en râlant. Elles savent très bien que je n'ose plus me lancer dans une relation sérieuse. Je me sens bloquée, paralysée à l'idée de sacrifier une nouvelle fois mon cœur.

« Vous savez que je peux pas me le permettre.

- Justine, me dit Florence en soupirant. Le jour où tu arrêteras de te priver et de te punir, tu seras tellement plus heureuse. Et parfois le bonheur peut être à deux.

- Je sais plus être en couple. J'ai oublié comment on fait.

- Arrête ça s'oublie pas. C'est comme le vélo, me lance Carla.

- Je t'avoue je vois pas trop le rapport entre le couple et le vélo.

- Bah ça s'oublie pas, ça fait des bleus, et parfois ça peut arriver que le frein pète. »

Je manque de recracher toute ma gorgée de bière en entendant cette phrase. C'est pour ça que j'aime Carla. Sous son air innocent, elle est capable de te sortir des atrocités pareilles avec un calme absolu. Pourtant, ça n'empêche pas Florence d'être choquée des propos de sa meilleure pote.

« Non mais Carla enfin ! C'est pas comme ça que tu vas lui donner envie ! C'est pas du tout vendeur dit comme ça !

- Et puis nous on est deux filles donc ton histoire de frein marche pas.

- Oui bon tu m'as compris.

- C'est dégueulasse comme conversation. »

Florence aborde une mine dégoûtée tandis que je me marre. J'ai toujours aimé l'énergie qu'il y a entre nous trois. Carla qui balance des dingueries, Florence qui râle comme une daronne et moi qui en rajoute derrière comme une enfant malicieuse. Je passe une excellente soirée, mais inévitablement quand je rentre chez moi, tout devient plus noir, plus lourd. Mon esprit est surchargé de questions. Je ne suis pas aussi détendue que j'aimerais l'être. Je m'allonge lourdement sur mon lit. Je résiste à l'envie de prendre une cigarette. J'en ai marre de me sentir faible quand la fumée nauséabonde du tabac rentre dans mes poumons.

Cœur de pierre, esprit de fer (BagheraJones & HortyUnderscore Fanfic)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant