Elizabeth - J-1 avant la rentrée

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Je me retrouve dans cette grande allée sinistre. Il n'y a aucun arbre, aucune plante verte à l'horizon, seulement des regroupements de tombes maussades, surtout celle pour laquelle je suis présente.

Je fixe le sol en quête d'une réponse. Pourquoi ? Je suis prise de migraines, d'affreux maux de tête qui m'empêchent de continuer à réfléchir, de ressentir... Non. Au contraire. Tout est décuplé avec cette migraine. Je sens toutes les odeurs : la transpiration des gens, les huiles des moteurs. J'entends le moindre bourdonnement, le moindre chuchotement comme si on me hurlait dans l'oreille. D'ailleurs, c'est comme ça que je me réveille de mon cauchemar : en hurlant. 

Mon corps est en sueur, je suffoque et j'ai l'impression d'être coupée de tout l'air gravitant dans mon nouvel appartement. Cela fait maintenant quatre mois que je fais ce cauchemar en boucle. Je revis cette scène, celle du jour de son enterrement.

J'inspire et expire profondément pour me calmer. Ce n'est qu'un rêve après tout... Une fois calmée, je tourne la tête en direction de mon réveil. Il est à peine 4 heures du matin. J'aurais le temps de dormir, une dernière matinée de sommeil avant la rentrée qui se profile demain. Mais je préfère me lever de mon lit, courir sur le parquet froid qui fait frissonner mes pieds. J'enfile une paire de baskets et un pull léger par-dessus mon pyjama.

On a beau être au début du mois de septembre, les nuits commencent à être légèrement fraîches. Je vérifie avoir bien fermé ma porte à clé et je dévale les escaliers en courant, puis je me souviens que je risque de réveiller les voisins et je continue de descendre à pas de loup.

J'ouvre la porte donnant sur la petite cour de mon immeuble. Elle, qui a l'air toujours habitée, semble comme abandonnée dans cette nuit d'été. Je traverse alors la cour en scrutant les façades des deux immeubles qui l'entourent. Je scrute chaque recoin de chaque fenêtre. Je m'arrête un moment, levant les yeux plus haut, vers les endroits que seuls les curieux ou les géants peuvent voir. Il faut toujours regarder en l'air. On y découvre des fragments d'endroits très secrets et pourtant exhibés aux yeux de tous. Rares sont les gens qui contemplent plus haut que le bout de leur nez. Essayez, et vous verrez des détails que vous n'aviez jamais remarqués, même dans des lieux où vous passez tous les jours !

Après avoir perdu la notion du temps, je rouvre les yeux. J'ai peut-être été stoïque cinq minutes ou une heure. Une chose est sûre : le monde dort encore. J'aime cette sensation d'être la seule réveillée quand tout le monde dort. C'est pour cette raison que je passe le plus clair de mon temps dehors la nuit. Pas de migraines. Pas de surplus de monde. Juste moi, moi et les lampadaires encore allumés.

Je continue ma balade nocturne à travers champs de blé et champs de fleurs. J'adore les fleurs, j'adore à peu près tout ce qui est naturel et incontrôlable d'ailleurs. Je repère un champ qui attire mon attention. Alors que tous les autres semblent entretenus par une présence humaine, ce petit espace vert entoure une vieille maison en bois certainement abandonnée. Éclairée par la simple lueur bleutée de la lune, les ronces grimpent tout autour et les fleurs, ainsi que les plantes, semblent plus sauvages que nulle part ailleurs dans cette petite ville.
J'avance en grimaçant à cause des ronces qui me griffent les mollets. Je m'engouffre dans cette forêt miniature au point d'être assez éloignée de la route que je viens d'empruntée pour ne plus la voir. Je m'allonge alors entre ronces et fleurs sauvages. 

Je cueille une poignée d'asters, signifiant la confiance, et de la confiance, j'en aurai bien besoin pour demain : nouvelle ville, nouveaux camarades, nouvelle école, un IUT dans cette toute petite ville ça m'a étonné. J'avais besoin d'y aller... Tout cela m'angoisse et me trouble. Alors, pour me calmer, je lève les yeux au ciel, me permettant ainsi de voir plus haut que ce qui existe pour la plupart des gens, de prendre conscience que je suis infiniment petite dans ce monde infiniment grand. Et cela m'apaise.

Je suis réveillée par le lever du soleil qui me brûle légèrement la rétine à travers mes paupières. J'ouvre les yeux et décide de rester là, à observer le soleil venir alors que son alter ego, la lune, se couche. J'aurais aimé être une lune, mais il y a très peu de place pour les gens qui vivent la nuit dans notre monde. Les magasins ferment à 19h, les routes arrêtent d'être éclairées, il ne faut plus faire de bruit, il n'y a ni concert ni spectacle en pleine nuit.

C'est finalement peut-être pour cette raison que j'aime la nuit... Il n'y a que le bruit des insectes, la lumière de la lune et le spectacle des étoiles. Je reprends mes esprits après avoir trop rêvassé. Je me relève et époussette mon pyjama.

Je reprends mon chemin vers chez moi.

Et s'il ne suffisait que d'une fleur ? - romanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant