Gabin - Dans son salon

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Je reçois un message de Charlotte que j'ignore sans remords et m'assois sur le fauteuil en velours de ma mère, en face du canapé, de sorte à observer les courbes parfaites du visage d'Elizabeth endormie. Les traits de son visage sont légèrement crispés ; ce serait mentir que de nier qu'elle me plaît, mais je ne peux rien lui offrir, alors je me contente de l'observer de loin.

Je suis exténué, aucune lumière n'est allumée, je laisse alors le sommeil m'envahir, mes membres sont engourdis et je suis très mal installé, mais je crains trop qu'elle s'enfuie, j'ai peur de ne jamais la retrouver alors je reste là, à ses côtés.

Tard dans la nuit, je me réveille bouillant, mes habits me collant à la peau. Je comprends directement que mon corps n'a pas aimé cette sortie nocturne alors je me lève en faisant le moins de bruit possible pour ne pas réveiller ma petite fée. Mais dans la pénombre, je manque de faire tomber tous les objets à ma proximité.

Ma respiration est plus que mauvaise, je suffoque et crache du sang alors je cours à la salle de bain et fais couler de l'eau pour me rincer. Je tâte le meuble à la recherche de mes médicaments, je les trouve et en prends un, puis deux. Les cachets glissent avec douleur dans ma gorge, ce qui me fait tousser plus fort. Je m'assois contre le mur et ferme les yeux, le goût du sang se mêle à celui de ma salive. Je positionne ma tête entre mes genoux et essaie de trouver un rythme correct, mais ça ne fait qu'empirer ; je déteste ces crises.

- Cale ta respiration sur la mienne.

Je lève les yeux et l'aperçois, son visage angélique contraste avec la violence intérieure du moment. Je ne peux rien répondre, mais j'essaie d'acquiescer tout de même. Elle s'accroupit face à moi et pose sa main sur mon torse, elle inspire profondément en plongeant son regard pétillant dans le mien. Son visage n'affiche aucune expression, mais son regard est rassurant.

Je la suis dans ses profondes inspirations et expirations, mais ce n'est pas suffisant. Elle se relève et m'indique de continuer l'exercice pendant qu'elle saisit une boîte de médicaments que je lui indique. Ce sont des pilules plus puissantes que mon traitement quotidien en cas de crise. 

Elle m'observe et court en direction de la cuisine, je l'entends farfouiller dans les placards et discerne le bruit du tintement de verre. Elle apparaît en marchant rapidement, elle fait couler de l'eau dans le verre et me le tend. Elle s'agenouille et m'aide à basculer ma tête en arrière pour prendre le médicament. Je la remercie inconsciemment et, comme si elle lisait dans mes pensées, elle répond :
- De rien.

S'ensuivent plusieurs minutes, ou heures - je ne sais pas réellement - avant que cela fasse effet et que je puisse me relever en respirant plutôt normalement.

Je n'ose pas croiser son regard, elle me soutient par le bras et m'emmène sur le canapé. On s'assoit côte à côte sans rien dire, elle est la première à rompre le silence.
- Ta maladie ?
J'acquiesce.
- Excuse-moi de m'être comportée ainsi, reprend-t-elle.

Je ne dis rien, mais j'apprécie tout de même le geste
.- Ça va ? demande-t-elle pour briser le silence et le froid entre nous. Heureusement que je suis restée finalement...
- Oui mieux, merci de m'avoir aidé.
Je mens. Elle ne le saura jamais. J'ai atrocement mal, mais je refuse de l'inquiéter plus. 

Plus les minutes défilent, plus mon cœur se serre ; je sais que je n'ai pas à lui infliger ça. Elle ne vivra rien avec moi, autant nous protéger le plus tôt possible.
- Reprends tes affaires près de la porte d'entrée et rentre chez toi.
- En te laissant dans cet état ? Non merci.
Je souffle et laisse échapper un rire sournois.
- Tu ne sais décidément pas ce que tu veux. Dit-elle, il me semble l'entendre rire délicatement, mais c'est peut-être juste mon esprit qui me joue des tours.
- Tu sais, je suis habitué, je côtoie cette maladie depuis ma tendre enfance, et avant, tu n'étais pas là.

Elle se lève et virevolte face à moi, je la vois tituber, mais elle ne laisse rien paraître ; elle se croit forte, elle est forte.
- Oui, avant. Elle insiste sur ce mot en détachant bien les syllabes. Maintenant je suis là, et je vais t'aider !
- À quoi ? Je m'entends être froid, mais elle ne fait pas de réflexion sur mon ton.
- À apprendre à vivre.

Je souris et, trop exténué pour lui tenir tête, me couche sur le canapé avant de m'endormir pour de bon.

Je me réveille au bruit strident d'une poêle se fracassant sur le sol.
Je me redresse et tourne furtivement la tête en direction de la cuisine, je souris en remarquant Elizabeth, toute crispée, espérant certainement que le bruit sourd ne m'a pas réveillé. Je souris et m'étire, je l'entends ramasser la poêle en râlant. Je passe ma main dans mes cheveux, elle me regarde d'un air indifférent.
- Cliché.

Je m'approche d'elle afin de défaire l'élastique de sa queue de cheval.
-  Cliché, rétorquai-je.
Elle hausse les épaules et se tourne vers le plan de travail.
- Je t'ai préparé des œufs au plat.

Après avoir mangé mon délicieux petit-déjeuner, je l'emmène dans ma chambre. Elle semble émerveillée mais ne laisse rien voir quand je la regarde. Elle s'avance vers la fenêtre.
- La fameuse soirée, fit-elle sans se retourner.
- Exactement.

Je quitte le coin du mur sur lequel j'étais adossé pour passer derrière elle, je sens l'odeur délicate de ses cheveux chatouiller mes narines. J'attrape le coin du rideau et m'approche plus près d'elle, mon cœur bat la chamade et je remarque ses joues rougir. Je souris et lui montre son immeuble.
- Tiens regarde, on voit ton portail. Tu me réveillais quand tu faisais tes balades nocturnes, tu étais comme une héroïne d'un dessin animé où je n'étais qu'un personnage secondaire.

Et s'il ne suffisait que d'une fleur ? - romanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant