Je sonne pour la troisième fois à sa porte. J'attends depuis presque une heure devant son appartement. Où peut-elle être ?
Sa fenêtre ne donne pas sur la cour ; je n'ai même pas pu voir si elles étaient fermées ou ouvertes... Je vais être en retard en cours, mais ça m'importe peu, je crois qu'au fond de moi, je n'avais même pas prévu d'y aller aujourd'hui.
Alors que je suis assis contre le mur du couloir, une femme d'une soixantaine d'années sort de son appartement, un seau à la main. Elle me regarde d'un air sévère.
— Si c'est pour la petite rousse que vous êtes là, vous allez attendre encore un moment.
— Pourquoi ? Vous savez où elle est ?
— Où exactement, non, mais elle m'a demandé de prendre soin des plantes du toit pendant son absence. C'est tout ce que je sais.
Cette vieille dame a l'air d'en savoir plus qu'elle ne prétend.
— S'il vous plaît, l'implorais-je, je dois absolument retrouver Elizabeth... J'ai quelque chose qui lui appartient, et il faut que je le lui rende.
Elle me regarde d'un air suspicieux.
— Tu n'as qu'à l'appeler, tu dois bien avoir son numéro si tu la connais.
Son numéro... En presque trois mois d'amitié, jamais je n'ai pensé à lui demander son numéro
— Non, madame, vous ne saisissez pas, je suis son voisin. Je n'ai jamais eu besoin de l'appeler. Et j'ai besoin de la voir.
— Tu l'aimes ? me demande-t-elle.
— Je n'en ai pas la moindre idée. Pour ça, il faudrait déjà que je la retrouve et que je m'excuse de m'être comporté comme un malotru...
La dame semble songeuse, elle réfléchit un instant.
— Elle tenait un billet de train à la main, en direction de Frécard.
Je la remercie chaleureusement, rentre faire mon sac, et prends de la monnaie pour le train.Je monte embrasser ma mère et lui dire que je pars. Elle ne dit rien sur le fait que je sèche les cours ; la vie est trop courte pour perdre du temps avec ça, et elle le sait.
Je monte dans le bus en direction de la gare. Il commence à faire terriblement froid, j'aurais dû prévoir plus qu'un pull. Heureusement pour moi, l'intérieur du bus est chauffé et je me retrouve enveloppé dans cette douce chaleur.
La gare ne se trouve pas trop loin, nous avons cette chance d'habiter en agglomération de la ville la plus proche. Le trajet se passe sous une pluie torrentielle qui ne fait qu'accroître l'air glacial du dehors. Il y a peu de monde dans le bus.
J'arrive à destination après un quart d'heure de trajet. La gare ne grouille pas de monde à cette heure-ci, je n'ai donc pas de file d'attente au guichet. Je prends un ticket pour le prochain train en direction de Frécard. Jamais Elizabeth ne m'a parlé de sa ville natale, ni de sa famille. Je sais qu'elle a une sœur, mais sans plus. Je me demande ce que je suis en train de faire.
Une fois arrivé à la gare de Frécard, je suis frappé par la grandeur de cette dernière ; je n'ai jamais vraiment voyagé. Je suis habitué à notre petite gare où il y a à peine quatre quais : A, B, C, D. C'est tout. Ici, c'est immense.Me voilà en plein milieu du hall de gare, sans savoir quoi faire maintenant. La ville est si grande que cela m'étonnerait que tout le monde se connaisse. Je n'obtiendrai certainement aucune réponse en demandant aux habitants où habite Elizabeth Grace. Il va falloir que je me débrouille autrement.
Je me dirige vers le guichet de vente des billets, espérant que l'homme qui s'y tient ait aperçu ma petite voisine. Je me glisse dans la file, qui s'allonge de plus en plus, et attends mon tour. La gare a un haut plafond qui fait résonner la moindre conversation. Je me pose des dizaines de questions, mais surtout : est-ce vraiment une bonne idée de débarquer chez Elizabeth ?
De toute façon, je suis trop loin pour reculer maintenant.
C'est enfin à mon tour.
— Bonjour, en quoi puis-je vous être utile ? me demande l'homme.
Il a le crâne dégarni, une grosse paire de lunettes rondes, et un polo rouge.
— Bonjour, avez-vous croisé une jeune fille aux longs cheveux roux ? Elle a 18 ans. Est-ce que vous pouvez m'aider à la retrouver ?
— Tu sais, mon garçon, des jeunes filles, des vieux hommes... j'en croise des centaines par jour. J'ai dû la croiser, mais je n'en ai pas le souvenir.
— D'accord, merci quand même.J'aurais dû m'en douter. Me revoilà à la case départ.
— Moi, je la connais ta copine, dit une voix malicieuse derrière moi
.Je me retourne et vois une femme aux yeux pétillants de malice. Je la suis un peu plus loin pour libérer ma place dans la file d'attente.
— C'est vrai ? Vous connaissez Elizabeth ? m'exclamai-je.
— Oui, la petite dernière de la famille Grace. Une histoire bien tragique, ça a secoué toute la ville.
Je n'ai pas connaissance de l'histoire tragique de la famille d'Elizabeth, mais je m'abstiens de demander. Elle me le dira au moment opportun. J'acquiesce simplement.
— Savez-vous où je peux la trouver ?
— Sûrement chez ses parents. Ils habitent sur la route principale, mais je ne connais pas le numéro exact.
— Je me débrouillerai, ne vous inquiétez pas ! Merci beaucoup. J'ai cru que j'allais passer ma journée à la chercher.
— De rien, gamin.
— Mhmm... une dernière chose.
— Oui ?
— Vous savez où je peux trouver un fleuriste ?
La dame sourit.
— Tout de suite à droite quand tu sors de la gare.
— Merci énormément.
Et je m'enfuis de la gare, euphorique à l'idée de la retrouver.
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Et s'il ne suffisait que d'une fleur ? - roman
RomanceGabin cherche à cacher son secret pour paraître invincible. Elizabeth cherche à guérir de la perte traumatisante d'un être cher. Lui est un charmeur extraverti, et elle, une artiste introvertie. Rien ne les préparait à se rencontrer. Mais quand elle...