Elizabeth - Dans la cours de l'école

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Assise sur l'un des bancs de l'école, je balance mes pieds, mes talons tapant le béton dur du banc.
J'attends.
Je ne sais pas quoi, je ne sais pas qui, je sais juste que j'attends.

Les bruits environnants sont forts et je ressens tout ce qui se passe autour de moi. Je sens aussi ce qui se passe à l'intérieur de moi, et je sens actuellement que Gabin me manque. Ce qui ne devrait pas être le cas.

J'observe au loin la chevelure de Charlotte, qui se rapproche dangereusement de moi. Je sens monter en moi l'angoisse de la voir, si parfaite et si colorée.
Pourtant, quand elle s'approche, je remarque que Charlotte est tout sauf colorée aujourd'hui. Son teint est pâle, des cernes se profilent sous ses yeux bleus qui sont d'ailleurs rougis.

Je me lève et manque de l'effrayer. Je comprends immédiatement que quelque chose ne va pas. Je n'aime pas ça, mais je place ma main sur son épaule. C'est alors qu'à son contact, je sens tout son corps trembler.

Et d'un coup, je réalise que si elle se trouve dans cet état en face de moi, c'est certainement que Gabin est au centre du problème.

Elle s'assoit sur le banc et je fais de même. Je fixe le sol en attendant qu'elle brise le silence en premier. Cela prend du temps, mais au bout de plusieurs minutes, elle daigne enfin m'expliquer la source de ses larmes.
- Je vais faire simple, j'entends sa voix se briser, prête à éclater en sanglots. Ce matin, je suis passée chez Gabin puisqu'il ne répondait pas à mes messages. J'ai trouvé ça inquiétant... Et j'ai bien fait. Quand je suis arrivée, la porte était fermée mais les lumières allumées. Comme il ne m'ouvrait pas, même après plusieurs tentatives de sonneries et de coups sur la porte...

Mon cœur se serre et ma respiration accélère, je m'attends au pire, lui qui semblait si heureux. Je ne réponds rien, attendant la suite.

- J'ai appelé une ambulance. Ils sont arrivés aussi vite que possible et, ô malheur, on l'a découvert allongé sur le sol de sa salle de bain.
Des larmes coulent abondamment de ses yeux et je ne sais que faire. Je la regarde avec compassion et pose ma main sur son épaule. Je tremble énormément mais essaie de ne pas trop y penser. Mais, est-ce qu'il a voulu en finir ?
- Il est où actuellement ?
Je demande de manière hésitante et ça se ressent. Je ne veux pas l'importuner. J'ai comme une forte impression qu'ils se connaissent depuis longtemps et qu'ils s'apprécient énormément.

- À l'hôpital dans la ville d'à côté. C'est à 40 minutes à pieds, et 10 en bus...
Elle se lève du banc sans m'adresser un regard d'abord, puis se retourne et murmure.
- Je ne sais pas pourquoi je te l'ai dit, mais il a l'air de t'apprécier alors...
Elle s'éloigne lentement vers notre salle de classe avant que je puisse rétorquer quelque chose.

Je regarde l'heure et remarque qu'il est temps de se rendre en cours, pourtant je suis incapable de rester ici sachant qu'il est à l'hôpital. Je m'en veux de l'avoir laissé partir. Je m'en veux de ne pas être allée sonner chez lui pour lui proposer de sortir explorer la nuit...


J'arrive à l'entrée de l'hôpital après m'être trompée deux fois de ligne de bus et me dirige vers l'accueil en suivant les panneaux pour éviter de me perdre à nouveau. Je pénètre dans le hall et attends mon tour. Un jeune homme me reçoit.
- Bonjour, vous désirez ?
- Bonjour, je m'appelle Elizabeth Grace et je viens rendre visite à Gabin Melio. Est-ce que vous pouvez m'en dire plus sur son état aussi, s'il vous plaît ?
L'homme acquiesce et tape sur son ordinateur. Il regarde furtivement l'horloge murale avant de reposer son attention sur moi.
- Il est toujours dans le coma, mademoiselle. Vous voulez le numéro de sa chambre ?
Le coma... Bien que je m'en doutais, la nouvelle m'ébranle. J'acquiesce doucement, les yeux emplis de larmes.
- Chambre 215. Je le remercie et m'avance avec le peu de courage que j'ai dans le cœur vers la cage d'escalier située en face de moi. Je gravis les marches deux à deux.

J'arrive perturbée devant la chambre de Gabin. Comme je déteste les hôpitaux et ce qu'ils représentent pour moi. Je saisis de manière tremblante la poignée, puis l'ouvre doucement. Je découvre Gabin dans un état qui m'est inconnu et cette vue me fait l'effet d'un coup de fouet. Lui qui est toujours si pétillant, si charmant, si vibrant, le voilà allongé, sans force, le teint aussi pâle que celui de la neige.

Je m'assois sur une chaise à côté de lui et dépose ma main sur la sienne. Je ressens immédiatement un courant électrique, je sanglote. Il a l'air endormi, comme reposé, apaisé, loin de notre monde si horrible. J'aimerais le rejoindre, comme j'aurais aimé autrefois rejoindre celui qui hante actuellement mes nuits.

Il est encore tôt dans l'après-midi et je comprends que Gabin n'est pas près de se réveiller. Je me lève donc, sors de l'hôpital et me dirige vers ce que j'espère être le centre-ville, pour trouver un fleuriste.

Je m'aventure entre les ruelles qui me semblent d'un coup si ternes. Je me permets tout de même de lever la tête pour espérer trouver un fragment de beauté dans cette journée maussade. Mais je ne trouve rien, à part des pigeons érodant des miettes.

Je trouve finalement un fleuriste et y rentre. La boutique est minuscule mais extraordinaire. Le mélange d'odeurs est un délice pour mes narines et le flot de couleurs est comparable à un tableau d'Andy Warhol. Je parcours la boutique quand un jeune homme très fin et très grand s'approche de moi.
- Bonjour, il vous faut quelque chose en particulier ?
- Bonjour, oui effectivement, je suis à la recherche d'achillée, est-ce que vous en avez en boutique ?
- Oui, nous en avons, suivez-moi. Elles ont une signification bien particulière, vous le savez ? Me demande l'homme en me guidant au fond de sa boutique.
- Oui.
Il me tend un bouquet de ces jolies fleurs blanches et m'encaisse. Je me sens d'un coup plus légère, presque enjouée à l'idée de lui offrir ces fleurs.

En sortant de la boutique, je ne peux m'empêcher de serrer le pendentif autour de mon cou.

Et s'il ne suffisait que d'une fleur ? - romanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant