Elizabeth - Dans son appartement

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Gabin a eu le droit de sortir, mais nous n'avons pas eu l'occasion de nous revoir depuis. Novembre est bien là et les partiels aussi, si je veux réussir mon année je dois travailler.

Ce soir j'ai prévu une soirée avec mes livres pour décompresser de cette semaine intense de révisions.

Soudain, j'entends la sonnette de mon appartement et je me lève du canapé en soupirant, agacé d'être dérangée dans ma lecture. J'ouvre la porte et, surprise, il n'y a personne, à part une boîte en papier fait main en forme de bleuet, symbolisant... la tendresse. 

Je la saisis et l'ouvre délicatement. À l'intérieur, se trouve une photo d'une étendue de couvertures autour d'un feu de camp. L'endroit me paraît familier et pourtant je suis intiment persuadée de n'avoir jamais vu cet endroit de ma vie. Mais malgré ça, je comprends rapidement que je dois retrouver cet endroit. La photo n'est pas signée, mais je me doute qu'il s'agit d'une idée de Gabin, étant donné que ne nous sommes pas revus depuis son retour et qu'il est le seul à me parler en fleur. 

Je retourne dans ma chambre pour enfiler un jean et un pull, puis j'emporte un sac contenant de l'eau, de la nourriture, des chaussettes de rechange, mes papiers ainsi que mes clés. J'y range aussi la boîte et garde la photo à la main.

Je longe les ruelles, sans savoir à qui demander ni où aller. À cette heure-ci, les rues sont peu animées. Je me contente de déambuler à la recherche de ce lieu, encore inconnu à mes yeux.

À court d'idées et n'ayant personne à qui demander ma route, je finis par m'asseoir sur un banc devant une énorme bâtisse grise ressemblant à une ancienne usine. Je réfléchis : si j'étais Gabin, où irais-je ? Où pourrais-je me poser ? 

Et là, eurêka, la fête foraine !
Je cours dans les ruelles sombres. Je ne connais pas vraiment l'endroit, mais j'ai de la chance, je ne me suis pas trop éloignée des chemins habituels que nous empruntons durant nos virées nocturnes, c'est donc ainsi que je retrouve facilement le trajet vers la grande roue. 

J'arrive essoufflée dans le vaste lieu vide, mais une peur soudaine m'envahit ; je n'ai que le faible halo de lumière de ma lampe pour m'éclairer dans cette nuit brumeuse. J'observe les hauteurs en tournant légèrement sur moi-même et m'arrête, ébahie, devant une petite colline de terre ornée de couvertures colorées et délavées, avec un feu crépitant au centre.

C'est alors que je sens la chaleur d'une main sur mon épaule. Je pousse un cri de stupeur et de peur, lâchant ma lampe qui se fracasse sur le sol. Gabin me retourne en attrapant mes épaules.

- Doucement, ce n'est que moi.

Sa voix est chaude et rassurante. Il a repris des couleurs en une semaine. Mes tremblements se calment immédiatement en apercevant, même légèrement, les traits de son visage dans la pénombre. Il agrippe subtilement le bas de mon dos et me dirige vers le petit feu de camp.

- Tu as trouvé l'endroit plutôt rapidement.
Il me sourit, mais je ne réponds rien, légèrement bouleversée par ce qui se passe sous mes yeux.
- Pourquoi ?
Ce sont les seuls mots que je parviens à prononcer. Son expression faciale change aussitôt. Alors qu'il rayonnait dans la nuit, ses traits se crispent, exprimant une émotion indéfinissable, il a l'air plutôt troublé.
- De quoi tu parles, Elizabeth ? me demande-t-il.
- Pourquoi as-tu préparé tout ça pour moi ? Le ton ne monte pas, même si inconsciemment, je le souhaiterais. Bien que l'attention soit plus qu'étonnante, je ne mérite pas tout ça.
- Parce que toi. Il me pointe du doigt. Toi, Elizabeth, tu es spéciale.
Je me sens rougir.
- Tu le penses vraiment ? Toi qui as la faculté d'obtenir n'importe quelle fille à ton bras.
- Je ne te veux pas à « mon bras ». Mime-t-il avec ses doigts.
Il sourit comme s'il m'avait fait une déclaration d'amour, alors que je le prends juste de manière douloureuse. Que veut-il obtenir de moi, finalement ?Il se penche en arrière et sort sa guitare d'un étui noir que je n'avais pas remarqué.

- Tu sais, il en existe peu des filles qui sont capables de m'apporter le seul objet qui me manquait alors qu'on ne se connaît que depuis un mois.

Je regarde l'instrument. Il commence à gratter les cordes de sa guitare tel un archer tirant soigneusement sur les cordes de son arc. Les notes de musique s'évaporent dans le ciel indigo de la nuit, me faisant vibrer jusqu'à l'âme. Je l'écoute jouer pendant plusieurs longues minutes qui me paraissent durer une fraction de seconde. Quand il s'arrête, je ne peux m'empêcher de lui demander :
- Joue encore, s'il te plaît.

Il s'exécute immédiatement, un charmant sourire embellissant son visage. Il paraît encore un peu faible et les cernes sous ses yeux sont profondément creusées, mais il paraît aussi irréaliste que la première fois que mes yeux ont croisé les siens.

Et s'il ne suffisait que d'une fleur ? - romanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant