Il marche devant moi, d'un pas ferme et décidé, il mène la marche et paraît intouchable. Même en tendant la main, je ne pourrais pas l'attraper, il est comme un rêve.
Il se retourne régulièrement pour voir si je le suis toujours. Cette fois-ci encore, mes joues virent au rouge dès que son regard se pose sur moi.On avance lentement dans des chemins tortueux, s'éloignant du cœur de la ville. Mes yeux virevoltent partout, j'observe tout ce qui se trouve autour de moi, avec une envie irrésistible de cueillir chaque fleur se trouvant ici. Gabin ralentit, je fais de même. Il s'arrête et je me cogne à son dos.
- Aïe...
- Oh pardon ! s'exclame-t-il.
Je me gratte la tête, il m'attrape la main et me place devant lui.
Il pose délicatement ses mains au dessus de mes épaules, comme pour éviter de me brusquer.
- Regarde en face de toi, petite fée, souffle-t-il dans le creux de mon oreille.
Je relève la tête et écarquille les yeux, émerveillée.Devant moi se tient un ancien parc d'attractions englouti par des centaines de ronces, et enseveli par la mousse.
- C'est magique, chuchotai-je.
- Et encore, tu n'as pas tout vu !
Gabin saisit ma main et court en direction de la grande roue. Il grimpe sur la structure et me fait signe de le suivre. Je suis moins rassurée que lui, mais je décide tout de même de le suivre dans cette fabuleuse aventure.
On monte tous deux dans une cabine rouge, toute rouillée. Elle est charmante. Gabin m'aide à m'installer dans la cabine ronde qui vacille légèrement au contact de nos poids. Il me rassure rien que par sa présence.
Je suis face à lui et nos regards se mêlent une énième fois, mon cœur s'emballe à nouveau à la vision de ses yeux verts.
- Tout va bien se passer, c'est vieillot mais j'y viens souvent.
Malgré ses dires, je reste légèrement angoissée. À tout moment, la nacelle pourrait tomber et nous avec. Non pas que cela me dérange de mourir maintenant, mais pas lui, il a tant à vivre.
- Ferme les yeux et dis-moi ce que tu sens, ressens, Eliz.
Je le toise d'un ton moqueur, voleur, mais je m'exécute.
J'énumère tout ce que je ressens : l'odeur de la terre, le son du vent jouant entre les arbres environnants, le claquement du métal, la respiration de Gabin. Étonnamment, cela va mieux, je me sens juste apaisée.
En rouvrant les yeux, je vois Gabin arborant un large sourire sur son visage harmonieux. J'ai honte de le trouver si charmant, j'espère être la seule qu'il emmène sur une grande roue les soirs de septembre.
Gabin farfouille dans sa poche et en sort une minuscule boîte. Il me la tend sans un mot. Je la prends et l'ouvre.
À ma grande surprise, je découvre un magnifique pendentif en forme d'Ipomée.
- Amitié dévouée, dis-je dans un profond murmure.
Il acquiesce et se lève pour se placer en face de moi. Je baisse la tête et remarque un bout de plastique sortant de son gilet. Je n'y prête pas plus attention et le laisse m'enfiler le collier autour du cou. Il est étincelant, comme lui. Il se replace en face de moi et m'observe quelques secondes.
- Il te va à merveille.Mon visage s'illumine. Je sers le pendentif entre mes mains.
- Merci, c'est trop Gabin.
Il fait signe que non avec la tête et me fait un clin d'œil, beaucoup moins charmeur et beaucoup plus doux que ceux qu'il me jette habituellement en cours.
- Quoi de mieux que de déclarer sa flamme amicale avec la fleur correspondante.
Je ne réponds rien mais l'attention me touche au plus haut point.
Je rentre de cette soirée épuisée et affamée. Nous avons énormément marché avec Gabin. Le soleil se lève déjà quand je pose un pied dans mon appartement. Nous avons observé le paysage et joué au jeu de celui qui connaissait le plus de synonymes, activité de littéraire.
Je pense encore à la façon dont je l'ai confus en sortant des mots comme anhédonie ou kalopsia.
Je me jette sur mon lit sans enlever mes chaussures. Je m'installe sur le dos et observe mon plafond, une main sur mon cœur, sentant les pulsations rapides de celui-ci.
Je ferme les yeux et repense à Gabin. Pour une fois depuis des mois, je m'endors apaisée et sans cauchemar.
Le lendemain, je me réveille avec un torticolis. Je masse ma nuque en râlant puis me lève. J'observe mes chaussures toujours à mes pieds et souffle en remarquant que j'ai mis de la terre partout. Je me lève et me déshabille, j'enfile une tenue confortable et me mets en quête de trouver un balai. Il doit bien y en avoir un quelque part. Je farfouille dans le placard et trouve finalement une pelle et une balayette en plastique légèrement abîmées.
Je nettoie ma chambre et une fois fini, je me mets en tailleur sur mon lit. J'attrape mon téléphone et essaie de joindre ma mère. Impossible. Je compose ensuite le numéro de mon père mais il ne répond pas. J'abandonne l'idée de joindre mes parents, j'attache mes cheveux qui se rebellent sur ma tête.
Je m'ennuie à mourir. Je n'ai aucun devoir et aucune idée ni envie de dessiner, ou d'écrire. Je ne pense qu'à Gabin. Je saisis un post-it et écris dessus : « On se refait ça ce soir :) ? ».Je me dirige vers sa maison et colle le post-it sur sa porte d'entrée, en espérant qu'il le voit et qu'il ne s'envole pas.
C'est donc ça, se sentir vivante ?
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Et s'il ne suffisait que d'une fleur ? - roman
RomanceGabin cherche à cacher son secret pour paraître invincible. Elizabeth cherche à guérir de la perte traumatisante d'un être cher. Lui est un charmeur extraverti, et elle, une artiste introvertie. Rien ne les préparait à se rencontrer. Mais quand elle...