Gabin - J-1 avant la rentrée

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Je descends de mon vélo et salue ma bande d'un signe de main. J'ouvre le portail vert donnant sur notre haute et maigre maison, puis je dépose mon vélo dans l'allée, vélo nommé « Speedy », puisque, enfant, je m'imaginais qu'il allait plus vite que le train. Je rentre chez moi.

- Bonjour maman !

Personne ne répond. Je me déchausse et me dirige vers la cuisine pour attraper une brique de jus de fruit et un biscuit. Je me pose à table quand l'alarme de mon téléphone résonne dans la pièce, me rappelant de prendre mes médicaments. Je prends un verre d'eau et mes cachets du jour. Je sais pertinemment que ces médocs ne font rien, à part rassurer ma mère et les médecins, mais je les prends tout de même.

Après avoir fini mon goûter, je me rue dans ma chambre, en n'oubliant pas d'envoyer un message à ma mère pour la prévenir de mon arrivée à la maison. Je saute sur mon lit et attrape ma guitare. Je gratte deux, trois cordes, puis j'essaie d'inventer une chanson. Des mots gravitent dans ma tête, mais rien de cohérent ne sort de ma bouche. Non pas que j'angoisse pour la rentrée de demain, mais je me demande si je ne ferais pas mieux de sortir vagabonder, voyager, m'aventurer, au lieu de rester cloîtré dans ma ville d'enfance dont j'ai déjà fait le tour 28 fois - oui, j'ai compté.

***

Il est tard.
Je me dirige vers ma fenêtre, décale mon rideau beige et regarde par la vitre l'immeuble d'en face.

J'aperçois ma nouvelle voisine, une jeune fille rousse aux yeux noisette, qui a l'air d'avoir à peu près mon âge. Elle a emménagé cet été. Elle est plutôt originale, elle sort à des heures étranges - le bruit métallique de la grille du portail de son lotissement me réveille - et revient à des heures tout aussi étranges.

Elle semble libre, portée par le vent, comme si elle partait à l'aventure tous les soirs, comme si elle vivait ses rêves. Comme une fée, qui reviendrait parmi nous, comme si rien ne s'était jamais passé, comme si elle ne s'était jamais volatilisée. Elle est peut-être invisible. Suis-je le seul à la voir ? Ou bien suis-je le seul à avoir percé le mystère de la jolie rousse qui se volatilise la nuit...

Il se fait tard, je tourne en rond dans mon lit. Soudain, j'entends le bruit du portail de la jolie fée d'en face. Je soupire en regardant l'horloge murale de ma chambre : 4h37. Ce n'est pas une heure pour se lever, mais finalement je n'ai pas tellement sommeil. Je suis censé me lever dans trois bonnes heures, mais le marchand de sable m'a posé un lapin ce soir.

Je descends donc de mon lit, parcourant les tapis délavés, qui décorent le sol de ma chambre, jusqu'à ma fenêtre. J'entrouvre le petit rideau beige qui laisse passer les rayons lumineux de la lune sans pour autant laisser aux voisins l'occasion de m'observer par ma fenêtre. Elle est là, posée sur le rebord du trottoir, regardant vers ma maison. Nos regards se croisent malencontreusement. Elle est loin, mais son visage, même d'ici, paraît angélique. Je ne lâche pas son regard, elle non plus. S'ensuivent plusieurs minutes qui semblent durer seulement quelques secondes, où je peux observer ses yeux foncés qui reflètent parfaitement la beauté du sombre, de la nuit.

Et s'il ne suffisait que d'une fleur ? - romanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant