CHAPITRE UN

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Rafaël

Assis sur ma moto devant la fac, je m'allume une clope pour bien commencer la journée. De nombreux étudiants entrent et sortent de l'établissement pour rejoindre les amis et les collègues.

Les écouteurs dans mes oreilles, je me contente uniquement de regarder le monde tout en fumant ma cigarette.

Le soleil n'est pas encore tout à fait levé. Des nuages allant du jaune au rose décorent le ciel parisien. Des oiseaux s'envolent de part et d'autre, effrayés par les moteurs de voitures. Un vent frais vient me caresser la peau et balayer mon visage de sa fraîcheur de printemps.

Quelques filles passent devant moi, me lancent des sourires charmeurs. D'autres, un peu plus timides, filent en un coup de vent, prêtes à tout pour ne pas me regarder dans les yeux.

Je jette un rapide coup d'œil à mon téléphone pour vérifier l'heure : sept heure cinquante neuf.

Putain, ne me dites pas qu'elle est encore en retard ?

Je range rageusement mon téléphone dans ma poche et continue de tirer des taffes. Mon regard se pose sur le grand mur grisonné de la fac.

Faculté de Médecine de Paris...

Cet énorme bâtiment accueille de nombreux étudiants et étudiantes chaque année. Cela fait six mois que j'y suis inscrit. Situé dans le sixième arrondissement de Paris, près du jardin du Luxembourg, je passe le plus clair de mon temps à errer dans ses rues étroites avant de venir en cours. Certaines personnes pensent que je viens en cours exclusivement pour ne rien faire.

Mais entre ce que les gens pensent et la réalité, il y a toujours un énorme monde qui les sépare.

Toujours assis avec Lana tout en haut dans l'amphithéâtre, je travaille comme un acharné, jour comme nuit. Je ne compte même plus le nombre de nuits blanches que j'ai pu traverser depuis mon entrée en PASS de médecine. Beaucoup de personnes ont abandonné dès les premiers mois. Plus les mois passent, plus les cours s'intensifient.

Mais c'est en ayant de la persévérance qu'on arrive à faire de grandes choses...

*

- Raf !! hurle une voix au loin.

Je sursaute et tourne la tête vers Lana qui arrive à mon niveau. Son visage est rouge écarlate, comme à peu près chaque fois qu'elle arrive en retard en cours. Je descends de ma moto et glisse mes mains dans mes poches.

- C'est quoi ton excuse, ce matin ? je lui demande en soupirant.

- Le RER n'a pas voulu arriver à temps ! Pourtant, je t'assure que je me suis réveillée super tôt pour être là dans les temps ! Mais ces putains de transport sont insupportables !

Je lui ébouriffe doucement les cheveux en riant.

- Au lieu de râler, on devrait plutôt filer en cours. Ils ne vont pas nous attendre juste pour ta petite tête.

- Laisse ma petite tête tranquille, imbécile !

Je rigole davantage et nous nous mettons en route pour les cours en pressant le pas. J'essaie de me frayer un chemin parmi les nombreux étudiants qui envahissent l'espace. Je bouscule par accident quelques personnes avant d'arriver dans l'amphi'. Je fais signe à Lana pour entrer le plus discrètement possible. J'ouvre la porte et découvre que le cours n'a pas encore commencé. Certaines personnes nous regardent mais sans plus.

Nous finissons par nous installer le plus haut possible dans l'amphithéâtre. Lana plonge sa main dans son sac pour y récupérer son ordinateur.

- On a eu de la chance ! dit discrètement Lana en s'enfonçant dans son siège.

- Je ne pense pas que la prochaine fois, ce sera la même chose, Lan'.

- Comment veux-tu aussi que je fasse ? Je n'habite même pas dans cet arrondissement.

- Peut-être arriver une heure, voire deux heures avant le début des cours. Au moins comme ça, t'es fixé et tu sais que tu n'arriveras plus jamais en retard !

- Ohhhh... Mais qu'est-ce que tu es drôle ce matin ! T'as mangé un clown avant de venir ?

Je rigole en lui tapant sur le bras.

- Je sens que tes hormones sont déjà en train de faire du grand n'importe quoi !

- Laisse mes hormones en paix, Jacob !

Lana attache ses cheveux blonds en chignon élevé et tape quelque chose sur son ordinateur. Je regarde les étudiants présents dans cette classe. Le prof est sur le point de commencer et je m'enfonce à mon tour dans mon siège, prêt à affronter la nouvelle matinée qui s'annonce longue et compliquée.

La salle est plongée dans le silence. Seule la voix de notre vieux professeur, lui-même médecin depuis des années, comble le silence absolu de l'amphithéâtre. Quelques petits bruits de clavier d'ordinateur viennent également faire disparaître ce silence infâme. Des images de cours défilent sur un grand écran. Je gribouille les quelques petites informations sur un calepin. Je jette des coups d'œil sur l'ordinateur de Lana pour marquer les quelques choses que j'ai pu oublier.

*

Depuis six mois, je suis dans la même promotion que Lana. A vrai dire... elle est la seule amie sur qui je peux vraiment compter. Elle a été la première vraie personne à venir s'asseoir à côté de moi, la première journée de cours. D'habitude, lorsqu'une fille s'approche trop près de moi, il est rare que je reste plus d'une seconde en public.

Mais Lana est différente.

La peau métissée, d'un père guyanais et d'une mère purement française, cette imbécile aux cheveux crépus m'en fait voir de toutes les couleurs. Depuis nos débuts dans les grands couloirs de l'université, nous ne faisons que vivre des choses improbables. Elle ne cesse jamais de faire des conneries.

Une partie de la promo la surnomme "la casse-couille".

Nous sommes les parfaits opposés. Je ne suis pas du genre à vouloir me montrer en spectacle devant tout un public. Je reste dans mon coin, dans l'ombre des gens pour éviter tout contact avec autrui. Il n'y a que la nuit que je sors de ma cachette pour sortir en boîte et boire jusqu'à en perdre la tête.

Le point commun avec Lana, c'est qu'on adore se trouver quelqu'un avec qui coucher. Quand nous sommes en soirée, c'est l'ouverture de la chasse. Tout comme moi, Lana enchaîne les coups d'un soir. Et je crois qu'elle adore ça ! Jamais elle n'a eu de relation avec quelqu'un de sérieux.

Un peu comme moi...

Mais maintenant que les partiels se rapprochent de plus en plus, il devient compliqué de sortir en boîte. Nos soirées se résument à des révisions chez l'un ou chez l'autre pour se préparer aux examens de fin d'année.

Même s'il est parfois compliqué de rester sérieux très longtemps.

Notre vie étudiante se résume à des révisions, des cours à la fac, des soirées le jeudi soir. Rien de plus, rien de moins...

Pour le reste... C'est beaucoup plus compliqué...

DOLCE VENDETTAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant