Le silence est oppressant. Les visages sont graves, chaque dieu réfléchissant aux implications de cette nouvelle. Zeus fronce alors les sourcils, contrarié.
— Ça ne peut pas être une coïncidence... J'ai appris que tu avais retrouvé Euphrosyne il y a quatre jours. Et Erèbe et Nyx se rallient à Éris juste après ? S'inquiète Zeus, regardant de manière suspicieuse l'assemblée. Nous n'avons pas le luxe du temps ! Apollon, tu dois accélérer le processus, et ce, peu importe le coût.
La tension semble monter d'un cran.
— Quel que soit le coût ? Comment oses-tu dire une chose pareille ? Elle fait partie de notre famille ! Vous voulez tous retrouvez vos petites vies tranquilles d'il y à huit ans, explosé-je soudainement, et vous vous moquez tous de ce que cela implique ! Si je n'ai pas révélé le retour d'Euphrosyne, c'était bien pour éviter cette situation ! Vous devriez avoir honte de vous ! Euphrosyne vous a tous aidé et vous a rendus tous heureux pendant des siècles ! Est-ce ainsi que vous voulez la remercier ? Vous n'êtes qu'une bande d'ingrats ! Dis-je le mépris suintant de mes paroles et les larmes au bord des yeux.
Personne ne parle. La plupart, honteux, n'osent pas me regarder et baissent la tête. Artémis, assise près de moi, prend ma main et la serre. Je veux fuir cette salle au plus vite. Alors que je m'apprête à me téléporter, sa voix résonne dans ma tête.
— Reste... Tu dois rester pour elle, pour savoir à quoi t'attendre... Je suis là, près de toi... Tu leur donnerais raison en partant et tu le sais...
Je vois son regard me supplier de rester. Elle prend alors nos mains entrelacées et les place sous la table à l'abri des regards. Je sens sa magie, une douce fraîcheur, comme la brise d'une soirée d'été parcourir mon corps et détendre mes muscles. La colère demeure sous-jacente, mais ne m'atteint plus autant.
— Merci, lui réponds-je par la pensée reconnaissant.
— Peut-être qu'une façon plus directe serait plus efficace... murmure Athéna brisant le blanc qui s'était instauré. Exposer Euphrosyne a des situations lui faisant revivre ses souvenirs, et où ses pouvoirs seraient naturellement appelés à se manifester ? Cela pourrait accélérer le processus. En évitant certains sujets effectivement, dit-elle en regardant Zeus.
— Une approche plus directe ? Je pense la guider déjà suffisamment bien, merci, ne pus-je m'empêcher de répliquer le ton amer, mais plus calme.
— Tu es seul. Tu as besoin d'aide, c'est évident, réplique-t-elle avec mépris.
— Je ne suis pas seul. Thalie est avec moi. Avec son aide, nous l'aiderons et veillerons sur elle. Et cela prendra le temps qu'il faudra pour réveiller les pouvoirs latents qui sommeillent en elle !
— Une simple Charite ne t'aidera pas à la protéger !
Je serre les dents. Je déteste cela, l'échelle de valeur des dieux. Il n'y a pas plus honteux que de dénigrer des espèces entières où même simplement des personnes comme vous et moi, juste parce qu'on s'estime être plus important, plus fort, plus intelligent. Je n'ai jamais été aussi honteux d'appartenir à cette famille. Me voyant virer rouge, Hermès intervient d'une voix prudente après s'être raclé la gorge :
— Peut-être y à t'il une autre solution. Que pouvons-nous faire pour protéger Euphrosyne en attendant qu'elle retrouve ses forces ? Apollon a raison, la brusquer mentalement et physiquement ne servirait à rien. Alors quelle solution avons-nous ?
La question reste en suspens, sans réponse immédiate. Plusieurs dieux semblent hésiter, pesant les options et les possibilités dans leurs esprits. Finalement, Artémis prend la parole, d'une voix ferme :
— Pourquoi ne pas renforcer les protections autours d'elle ? Utiliser des enchantements, bâtir des barrières magiques ? Et faire en sorte qu'elle ne reste jamais seule.
Je sens mes muscles se dénouer. Cela me convient tout à fait. Je hoche la tête, reconnaissant pour son pragmatisme.
— Je suis d'accord. Mais ces protections ne suffiront pas, c'est Éris qui a envoyé ma femme là-bas. Elle sait donc où elle se trouve. Si elle sait que nous l'avons retrouvé comme tu parais le penser, mon frère, dis-je en me tournant vers Zeus, elle et ses déesses pourront attaquer quand elles le souhaiteront. Et vous savez tous que je ne peux pas bouger Rose de l'institut dans lequel elle se trouve, pour le moment. Nous devons donc aussi trouver où Erèbe, Nyx, Héra et Éris se cachent. Les empêcher de s'approcher d'elle.
Hadès acquiesce lentement.
— Je connais bien Nyx et Erèbe, elles travaillent avec moi depuis bien longtemps. Si elles complotent, je ferai en sorte de le savoir rapidement. Je vais mettre mes meilleurs espions en action. Cerbère nous sera sûrement très utile, achève-t-il, l'excitation d'une bonne chasse faisant briller ses yeux.
Un bruit sourd retentit, lorsque Zeus se tape du poing sur la table, clôturant cette discussion.
— Alors c'est décidé. Apollon, tu restes à ses côtés, nous assurerons sa protection par tous les moyens nécessaires. Que personne ne la touche, en tout cas pour l'instant... Mais souviens-toi, frère, le temps est notre ennemi, et s'il file trop vite, j'agirai, peu importe que tu sois d'accord ou non. Hadès, nous allons avoir besoin d'Hécate. Dis-lui de prendre contact avec Apollon. Son art sera très utile, j'en suis certain.
Cette séance est levée ! Achève-t-il d'une voix forte et puissante.
Les dieux se dispersent déjà lentement, soulagés que cela ne dure pas toute la nuit. Chacun s'apprête à regagner ses domaines respectifs, même si une inquiétude sous-jacente demeure. Je me lève, me préparant à faire de même, impatient de rejoindre mon épouse. Mais Artémis me barre la route et me fixe avec une intensité rare.
— Merci pour aujourd'hui, pour ta proposition, dis-je en l'embrassant sur la joue reconnaissant
Mais son visage ne se déride pas, et reste inquiet.
— Sois prudent Apollon, elles ne reculeront devant rien...
— Ne t'inquiète pas, murmuré-je en la serrant dans mes bras. Je t'aime, tu sais ?
— Je le sais, répond-elle amusée.
***
Je quitte la salle du conseil, me téléportant devant la porte numéro 52 de l'institut. La nuit semble encore plus sombre sur Sainte-Marguerite, mais une douce lumière filtre des interstices de la porte. Je pénètre dans la chambre, et vois Thalie, toujours là, veillant sur sa sœur, endormie dans le fauteuil près du lit. Mon regard est attiré par Rose, qui remue dans son sommeil, le visage torturé. Ce n'est pas la première fois que je la surprends en train de faire un cauchemar. Ses cheveux sont collés à son front, moite.
— Rosy, murmuré-je en m'approchant d'elle, effleurant délicatement sa main inquiet.
De quoi peut-elle donc bien rêver ? De la malédiction ? Des bribes de souvenirs d'Athéna ? Celle-là ne perdait rien pour attendre d'ailleurs. Rosy, dis-je légèrement plus fort.
La jeune fille se réveilla en sursaut, Tenant le drap tout contre son corps. Elle est si belle...
— Rose, c'est moi Apollon.
Je la vois reprendre conscience du monde qui l'entoure. Une larme solitaire coule sur sa joue. D'instinct, je l'embrasse, avec douceur. La surprise marque alors le visage de la jeune femme, qui caresse du doigt sa joue perturbée.
— Pardonne-moi je n'aurais pas dû, dis-je m'en voulant subitement. Mais contre toute attente, Euphrosyne posa son beau visage contre moi, un petit sourire aux lèvres, et se rendormit paisiblement.
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La malédiction d'Euphrosyne et Apollon [Romantasy]
RomanceSe mettre une déesse à dos, ce n'est jamais bon. Mais quand celle-ci se venge et fait disparaître toute la joie dans ce monde par simple caprice, alors, le pire est à venir. Sauf si je parviens à rompre ce mauvais sort. Car toute malédiction peut êt...